S'il est des formations désireuses de prendre le temps nécessaire à la pleine maturité de leurs gammes avant de se lancer dans l'arène, ce combo belge serait assurément du nombre. En effet, si, un an an à peine suite à sa sortie de terre, en 2015, nous est octroyé son introductif et encourageant EP, «
Desert of Enticement », il faudra attendre la bagatelle de trois années supplémentaires pour nous voir gratifiés de son premier et rayonnant album full length, «
Singularity », signé, lui, chez le prolifique label espagnol Art
Gates Records. Aux fins d'un travail de longue haleine et des plus minutieux en studio, le voici de retour avec, sous le bras, un second effort de même acabit, répondant au nom de «
The Fundamental Paradox » ; une auto-production de 9 titres dispatchés sur un ruban auditif de 42 optimales minutes. Ce frais arrivage serait-il à même d'asseoir plus encore nos acolytes parmi les valeurs montantes du si concurrentiel registre metal à chant féminin ?
Aventure à laquelle nous convient ses cofondateurs – la parolière et frontwoman Evy Verbruggen (ex-
Keltgar) et le compositeur/guitariste et vocaliste Domingo Smets (
Lion's Pride,
Persephone's Blade, ex-
Agathocles, ex-
Ancient Rites) –, accompagnés, là encore, du batteur Frederik Van Mieghem (
Anwynn, ex-
Axamenta, ex-
Fleshmould), le bassiste Kristof Degreef (
Ered Lithui, ex-
Ars Veneficium, ex-
Axamenta) ayant, quant à lui, quitté le navire. De cette collaboration de longue date naît un propos metal symphonique gothique aux relents power, death et folk, à la fois vitaminé, parfois offensif, un tantinet énigmatique et romanesque, à nouveau calé sur le schéma oratoire de la Belle et la Bête ; un parcours riche en rebondissements où les influences d'
Epica,
Ancient Bards,
After Forever,
Lacuna Coil,
Eluveitie,
Tristania et
Draconian se font tour à tour sentir.
En ce qui a trait à sa production d'ensemble, tout comme son devancier, ce second opus jouit d'un enregistrement et d'un mixage de fort bonne facture, signés Domingo Smets. Mastérisé, tout comme pour
Amorphis,
Elvenking,
Leprous ou encore
Enslaved, par un certain Tony Lindgren (Fascination Street Studios, Örebro, Suède), le méfait bénéficie, en prime, d'une belle profondeur de champ acoustique tout en n'accusant que d'infimes sonorités résiduelles. Par le truchement des progrès réalisés en la matière, le collectif belge annonce clairement la couleur de ses intentions, à savoir, venir en découdre plus sérieusement aujourd'hui qu'hier dans ce foisonnant, et parfois létal, espace metal. Aussi, suivons nos compères dans leurs pérégrinations pour un périple que l'on espère aussi surprenant que captivant...
C'est sur une terre de lave en fusion que se plaisent à nous projeter nos belligérants, trouvant alors de convaincants arguments pour aspirer le tympan du chaland. Ainsi, dès ses premières mesures, l'up tempo « ...In Love and
War » nous assène de virulents coups de boutoir doublés de riffs acérés ; pourvu d'un entêtant refrain mis en exergue par les toniques inflexions de la sirène, auxquelles font écho d'ombrageux growls, ce frondeur méfait metal symphonique aux relents death gothique, à mi-chemin entre
Tristania et
Draconian, ne lâchera pas sa proie d'un iota. Dans cette dynamique, on retiendra également le fougueux et ''lacunacoilesque'' «
Acrimonious » tant pour ses enchaînements intra piste ultra sécurisés que pour la qualité de ses arrangements instrumentaux. Et comment ne pas se sentir porté par l'infiltrant cheminement d'harmoniques emprunté par l'entraînant « Science l Fiction » ? Autre tonitruante et tubesque offrande dotée d'un refrain catchy, qu'encensent, là encore, les troublantes patines de la princesse, que n'aurait nullement renié
Winter In Eden,
Moins immédiatement inscriptibles dans les charts, d'autres plages tout aussi pulsionnelles pourront, elles aussi, avoir raison des plus tenaces de nos tentatives de résistance à leur assimilation. Ce qu'atteste, d'une part, « Chiaroscuro », glaçant et néanmoins magnétique up tempo symphonique gothique au carrefour entre
After Forever et
Tristania, eu égard à ses joutes oratoires savamment orchestrées, les growls caverneux d'une bête revêche répondant point pour point aux angéliques impulsions de la Belle, alors secondés par une frissonnante muraille de choeurs que rien ni personne ne songerait à enrayer la marche en avant. Nous menant à son tour dans un vaste champ de turbulences, et cette fois dans une dynamique power mélodique, le mordant « Adversity » ne mettra qu'une poignée de secondes pour happer le pavillon. Non sans rappeler un
Ancient Bards des premiers émois, le corrosif manifeste cingle le tympan de son martelant tapping tout en s'écoulant le long d'une grisante sente mélodique. Et la sauce prend, in fine. Dans cette énergie, on ne saurait davantage écarter ni le rageur « In
Balance » ni le tortueux «
Deafening Silence », l'un, pour la soudaineté de ses montées en régime comme pour la flamboyance de son solo de guitare, le second, pour son atmosphère souffreteuse et le poignant duo, alors au faîte de son art.
Quand le rythme de leurs frappes se fait moins alerte, s'ils ne s'avèrent guère plus malhabiles, nos acolytes peinent parfois à nous embarquer dans la tourmente. Ainsi, ce n'est qu'après d'intrigantes et, somme toute, usantes incantations suivies d'une longue phase instrumentale d'obédience folk sur fond de percussions tribales, que « From the Woods to the Water » nous ouvre enfin ses bras. Dans la mouvance d'
Eluveitie, ce mid tempo syncopé empreint de mystère, sous-tendu par le son enivrant d'une flûte gracile, se cale sur une ligne mélodique en proie à de frustrantes linéarités. On passera donc son chemin, cette fois. Le chaland pourra néanmoins se sustenter à l'aune de « Isochronism », mid tempo à la confluence de
Lacuna Coil et
After Forever ; nourri d'arpèges d'accords finement ciselés, et plutôt engageant, le félin méfait nous fait renouer l'espace d'un instant avec les premières et délectables mesures du groupe.
En définitive, la troupe belge nous plonge au cœur d'une œuvre pulsionnelle et volontiers énigmatique, susceptible de retenir le féru d'espaces symphonique gothique aux relents death, au risque cependant de déconcerter le fan de la première heure. Tout aussi varié que son devancier sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, ce second effort, en revanche, se fait bien moins diversifié eu égard aux exercices de style investis ; à l'aune de son aîné, cet opus laisse encore entrevoir de rares prises de risques et des sources d'influence instillées dans moult séries de notes disséminées par le combo. Ce dernier nous octroie néanmoins un propos somme toutes agréable sur la durée, bénéficiant d'une ingénierie du son et des arrangements plus aguerris aujourd'hui qu'hier. Des armes, certes, non négligeables, qu'il conviendra de mettre à profit dans une galette à l'identité artistique plus stable, ou, du moins, plus affirmée qu'elle n'apparaît ici. Bref, un corrosif et frissonnant méfait, toutefois dans l'ombre de son prédécesseur...
Note : 13,5/20
Tiens des compatriotes....et je n'en avais jamais entendu parler!!!
Merci pour la découverte j'ai hâte d'écouter ça et pour cette chronique encore une fois bien détaillée
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