Absents de la scène metal symphonique à chant féminin, les Etats-Unis?
Pas si sûr, à en croire quelques groupes émergeant de l'ombre, comme cette discrète et pourtant talentueuse formation venue du New Hampshire. Née en
2012 d'un projet commun de produire un metal symphonique à tendance progressive couplé à une touche de rock orchestral, celle-ci a retenu la leçon de ses prédécesseurs pour chercher à s'accaparer nos émotions. Quelle serait donc la substance de leur propos musical pour atteindre cet ambitieux objectif?
Au moment où
Within Temptation,
Epica,
Delain et autres
Leaves' Eyes et
Delain s'imposent sur la scène metal symphonique internationale,
Anaria n'a encore à son actif qu'une frêle démo, un fluet EP et cette compilation ne regroupant pas plus de huit singles et excédant à peine les trente-cinq minutes. Un peu mince comme bagage pour oser s'aventurer dans ce tentaculaire espace musical sans souffrir la concurrence, me direz-vous ? Et pourtant...
Le dégourdi sextet compte dans ses rangs des musiciens techniquement convaincants et à l'inspiration féconde. Ainsi, le sensible toucher de guitare de Dan Spinney n'a d'égal que la basse hypnotique de Kevin H Brady. Les compositions bien ciselées qui ressortent de l'album s'avèrent alors subtiles et d'une puissance orchestrale évidente mais bien dosée. On n'oubliera pas non plus la tessiture affirmée et à fleur de peau de la mezzo-soprano
Mercy Roulette, ni les textes des titres qu'elle a contribué à rédiger et à mettre en valeur.
Précisons que, sur les huit titres, deux sont des reprises instrumentales de pistes chantées et présentes sur l'opus. C'est le cas de "Awaken" et "
Into the Flood", deux morceaux phares de l'album. Il ne s'agit pas là de remettre à l'identique le schéma de ces plages mais d'apporter une réelle variation ainsi qu'une touche complémentaire aux titres originaux.
Pour le chef d'oeuvre "Awaken", par exemple, la mouture metal introduit des riffs ébouriffés, un fouettant tapping, contrastant avec la douce introduction en piano/voix. Progressivement, l'orchestration s'éveille pour nous convier à d'entraînants couplets suivis de splendides refrains pour s'achever en apothéose. Un break balayé par une bondissante reprise s'observe aussi. Bref, rien ne manque au tableau pour nous enchanter. Sur ce moule mélodique, s'inscrit également une version d'inspiration rock symphonique, dénuée de riffs et privilégiant une légère rythmique. Ainsi "Awaken:"The Orchestral Experience"" séduit par son ambiance feutrée sur fond de violoncelles bien installés dans le corps orchestral. Surtout, la mise en lumière des aériennes notes vocales qui déferlent est totale. On ne peut plus alors échapper à l'emprise des caressantes modulations de la diva, qui semblent ne pas se lasser de jouer avec nos émotions. C'est précisément sur cette deuxième version que se cale le titre éponyme, où le chant disparaît pour laisser place à la seule instrumentation. Y sont inclus d'habiles arpèges au piano, davantage de technicité et un sursaut progressif plus marqué. Cet instrumental a donc sa place dans cet opus, jouant d'ailleurs le rôle d'outro, comme pour nous inciter à ne pas quitter les lieux.
La logique de production est la même pour l'intense ballade progressive "
Into the Flood", qui n'est pas sans rappeler l'univers aseptisé de
Delain. Cette fois, les impulsions vocales de
Mercy se teintent d'un angélisme allié à un zeste de puissance. L'émotion ressentie est confondante tant les couplets se font savoureux et les refrains regorgent d'entrain. Là encore, difficile de résister à l'appel de la sirène. La version instrumentale devant faire fi de cette dernière, témoigne néanmoins d'un travail de cohésion instrumentale remarquable. On remarquera aussi une subtile et harmonieuse correspondance entre claviers et guitares, le tout renvoyant à une belle profondeur de champ acoustique. Le groupe n'a pas épargné sa peine pour la mise en relief de ce morceau qu'on pouvait penser aspiré par l'impact de la tessiture de la jeune interprète. L'effet est d'ailleurs saisissant de justesse, de finesse tout en nous dispensant une technicité mesurée.
Pour le reste, si l'on cherche une ombre au tableau, on demeurera désemparé dans cette quête. En effet, les lignes mélodiques sont bien souvent taillées sur mesure et les notes tombent juste, même là où on ne les attend pas forcément. Sur "
I See Fire", par exemple, l'introduction chantée est envoûtante et on croirait ressentir l'empreinte de
Sara Squadrani (
Ancient Bards). Malgré un rythme syncopé qui semble vouloir nous désarçonner, les riffs rondelets et l'enveloppante présence vocale de la diva nous installent sur un chemin harmonique bien inspiré.
Pour les amateurs de metal symphonique pur, ils ne seront pas déçus par "
Winter Shadow", titre à la rythmique lourde et aux riffs accrocheurs. Là aussi, la recette est la même : une ligne mélodique fluide tout le long, des refrains fondants, le tout servi par de puissantes envolées lyriques et incluant un joli solo de guitare. Même exercice de style pour l'entame de "
My Ruin", non moins efficacement customisé sur le plan vocal. Du coup, les couplets nous drapent délicatement de leur serpent de notes avant de nous propulser vers des refrains catchy.
Nous assistons donc à une oeuvre communicative par le message mélodique qu'elle délivre. N'usant pas de démonstrations instrumentales à outrance, on suit bien le propos musical qui reste parfaitement digeste du début à la fin. L'environnement vocal étant suffisamment dense et maîtrisé, il n'a pas été nécessaire de recourir à un renforcement par des choeurs. On aurait cependant souhaité quelques prolongations par l'ajout de trois ou quatre titres supplémentaires à la fois pour nous satisfaire davantage et asseoir un peu plus la stature du groupe.
On conseillera cet album aussi bien aux adeptes du metal mélodique à chant féminin que du rock symphonique à tendance progressive. Dans la lignée de
Delain,
Ancient Bards et autres
Elysion ou
Bare Infinity, ce groupe a une belle carte à jouer pour faire entendre sa voix. Il devrait évoluer rapidement pour nous offrir un metal symphonique à l'américaine de qualité. A ne pas lâcher des yeux, ni des oreilles, donc. En somme, voici donc une belle surprise venue d'
Outre-Atlantique.
Par contre je ne comprends pas ta phrase : "Cette dernière est d'ailleurs loin d'être si ingénue que cela"
Contrairement aux apparences, la chanteuse a déjà un parcours artistique pluridisciplinaire. Aussi, elle écrit ses chansons et les restitue avec authenticité et délicatesse. C'est cet aspect-là qui a attiré mon attention, m'a touché et m'a incité à approfondir le sujet. Je comprends qu'on n'y adhère pas nécessairement, surtout si Delain et autres formations du même genre n'évoquent rien de savoureux pour les oreilles indisponibles à leurs notes.
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