Huit ans de silence radio déjà depuis leur premier et poignant album studio, « Po Poti življenja »... Comment alors imaginer un si discret combo renaître de ses cendres après une si longue période de latence ? Se plaisant à déjouer tout pronostic, voici donc le collectif slovène de retour, plus boosté que jamais, avec, sous le bras, son second opus de longue durée, «
Tell the Wind » ; une auto-production généreuse de ses 57 minutes où ne se dispatchent pas moins d'une douzaine de pistes, dont les deux singles «
Where Adventures Begin » et «
Warlord », réalisés en 2017 et 2018, respectivement. Signe que, s'ils sont restés durablement dans l'ombre, nos compères ont parallèlement témoigné d'un travail de studio de longue haleine, mais aussi des plus exigeants, à commencer par une qualité d'enregistrement de fort bonne facture et un mixage bien équilibré signés Peter Dimnik (claviériste actuel d'
Avven, ex-
Zaria), doublés d'un mastering laissé aux soins de Mika Jussila (
Nightwish,
Sonata Arctica,
Avantasia,
Edenbridge,
Edguy,
Kotipelto,
Masterplan,
Sirenia...). Indices révélateurs d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos acolytes...
Après un remaniement partiel du line-up, conformément aux aspirations stylistiques actuelles du groupe, nous accueillent dorénavant : la mezzo-soprano Jerca Starc, en remplacement d'Inez Osina, dont le grain de voix s'apparenterait à celui de Maike Holzmann (ex-
Voices Of Destiny), suivie de Miha Merc à la guitare rythmique,
Jakob Konda à lead guitare et aux growls, Gašper Pesek aux claviers,
Rok Ražman à la basse et Nika Kos à la batterie. Pour l'occasion, ont été sollicités les talents de : Nežka Starc au violon ; Inez Osina Rues, à la flûte, cette fois ; Anej Ivanuša (
Avven) à la flûte irlandaise ; Robert Bone à la cornemuse irlandaise ; Gašper Breznik au cor ; Matic Mahnič, Neža Ambrožič et Jan Vodovnik en qualité de choriste.
Un choix d'invités loin d'être anodin, le combo souhaitant conférer une dimension plus symphonisante encore à son œuvre, sans pour autant avoir relégué la fibre folk au rebut. Aussi, le plantureux méfait sera-t-il un poil plus ''nightwishien'' en l'âme qu' ''eluveitien'', état de fait qui n'a nullement empêché
Lyriel, Blackmore's
Night et
Elane de marquer de leur empreinte certains passages, même si les influences de
Xandria,
Epica,
Therion et
Dark Sarah se font désormais plus volontiers sentir aujourd'hui qu'hier. Que nous réserve alors ce nouvel arrivage ?
Nombreux sont les arguments susceptibles de nous retenir plus que de raison, en témoignent tout d'abord les plages les plus enfiévrées. Ainsi, passé le bref mais pénétrant récitatif en voix de gorge masculine dont se pare la laconique et cinématique entame, « Prophecies of
Old », c'est sur un véritable torrent de lave en fusion que s'effectuera le plus clair du voyage. A commencer par son voisin de piste, le bien-nommé «
Where Adventures Begin » ; un sémillant et ''nightwishien'' up tempo aux riffs corrosifs, recelant de fulgurantes accélérations, un solo de guitare que n'aurait nullement renié
Lanvall (
Edenbridge), ainsi qu'un refrain immersif à souhait mis en exergue par les saisissantes envolées lyriques de la sirène.
Plus toniques encore, eu égard à leurs puissants et inaltérables coups de boutoir, et essaimant de grisants arpèges d'accords, les ''xandriens'' « Evermore » et «
Warlord » pousseront assurément à un headbang bien senti.
Preuve que nos six acolytes n'ont nullement tourné le dos à leur passé, la touche folk vient parfois s'inviter à la danse. Ce qu'atteste, d'une part, « Prek Meglic Preteklosti », jovial mid tempo folk symphonique à mi-chemin entre
Lyriel et
Eluveitie, où une flûte gracile et une cornemuse enjouée viennent relayer les cristallines volutes d'une interprète bien habitée. Et la sauce prend sans tarder. Dans cette lignée, on retiendra encore « To Stealing, Cheating, Fighting and Drinking », mid/up tempo à la croisée des chemins entre Blackmore's
Night et
Dark Sarah, tant pour son énergie aisément communicative que pour ses souriants harmoniques. Une fibre folk qui, par petites touches, s'inscrit dans la trame d'autres plages encore, laissant dès lors entrevoir une sereine cohabitation de styles, comme pour symboliser un heureux trait d'union entre passé et présent...
Quand la cadence se fait plus mesurée, la troupe parvient là encore, et de plusieurs manières, à nous assigner à résidence. Ainsi, pourvu d'une sente mélodique des plus immersives, de fringants gimmicks guitaristiques, et jouissant de choeurs en liesse venus escorter la déesse, c'est d'un battement d'ailes que le rayonnant et ''therionien'' mid tempo « Ko Vstane Jutro » déploiera ses effets. Calé, pour sa part, sur le schéma oratoire de la Belle et la Bête, s'imposera non moins à nos tympans «
Tell the Wind », mid tempo aux sémillants arpèges à la croisée des chemins entre
Epica et
Lyriel, Introduit par un fin picking à la guitare acoustique, le ''nightwishien'' mid tempo syncopé « V Senci Triglava », quant à lui, ne tardera pas à prendre son envol, nous propulsant par là même en de célestes contrées. Infiltré d'une grisante touche folk et du son chatoyant d'un cor venu relayer un bref mais frémissant solo de guitare, le manifeste n'aura pas tari d'armes pour asseoir sa défense. Enfin, pris sous le joug du poignant récitatif et de rampes synthétiques, la cinématique outro « Until
That Fateful Day » constitue une manière certes classique mais des plus délicates de boucler la boucle. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans sa manche en réserve...
A l'image du précédent effort, une orientation symphonico-progressive vient compléter le tableau, là encore, avec deux pièces de choix à la clé. Ainsi, dans la veine coalisée de
Therion,
Amberian Dawn et
Eluveitie, le sculptural et épique « Gea » déverse ses quelque 7 minutes d'un spectacle où moult coups de théâtre viennent nous bousculer pour mieux nous retenir, in fine. Pourvue de riffs crochetés adossés à une frondeuse une rythmique, d'une flûte délicieusement libertaire, de séries de notes délicatement esquissées et d'une soufflante muraille de choeurs, cette fresque se dote également d'une ligne mélodique qui jamais ne s'affadit.
Plus en retenue, le romanesque et aérien low tempo progressif «
Dream of a
Frozen Dragon », lui, se fait des plus enveloppants. Mis en habits de lumière par les fluides oscillations de la princesse et octroyant une graduelle et poignante densification du corps orchestral, le ''xandrien'' mouvement ne se quittera qu'à regret.
Au final, la troupe slovène convainc tant par sa faculté à accoucher de ces séries de notes qui longtemps vous resteront gravées en mémoire et par une ingénierie du son des plus méticuleuses. Aussi, effeuille-t-on un set de compositions aux portées finement sculptées, conjuguant à nouveau habilement les styles investis, et n'accusant pas l'ombre d'une longueur superflue, ni une seule baisse de régime. Diversifiant ses atmosphères, ses phases rythmiques et ses joutes oratoires, le luxuriant manifeste se dote parallèlement d'une technicité instrumentale désormais aguerrie et de sillons mélodiques des plus enchanteurs,
Le peu de prises de risques consenti et des sources d'influence encore insuffisamment digérées se verraient toutefois compensées à la fois par la forte charge émotionnelle délivrée et par la fluidité du mouvement de leur plume. Le temps semble donc avoir fait son œuvre, nos compères nous octroyant dès lors un propos dantesque, charismatique et troublant, assurément incitatif à une inconditionnelle adhésion. Bref, une seconde ogive envoyée par le combo slovène à l'aune de ce magnétique et sculptural méfait, qui le placerait dès lors parmi les valeurs montantes de ce registre metal et qui ferait de lui un sérieux opposant face à ses alter egos...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire