On a tous dans notre entourage un dingue de
Deep Purple. Vous savez, le pote qui connaît par cœur jusqu'aux tracklists de ses bootlegs, qui est capable de vous affirmer sans sourciller que le 19 avril 1974, soit 13 jours après la mythique California Jam, le groupe jouait (évidemment) à Edimbourg... Ce fou furieux s'excite généralement tout seul à la perspective de recevoir dans les semaines qui viennent une énième version coréenne de "In Rock", et, bien entendu, suit pas à pas et au single près les carrières de tous les gars ayant un jour fait partie de Purple,
Whitesnake ou
Rainbow, voire ayant serré une fois la main de Gillan ou refait la toiture de la maison de campagne de
Ian Paice...
Avoir pour ami un tour-guide capable de vous faire visiter le labyrinthe que constitue l'abyssale et fantastique carrière solo de
Glenn Hughes est déjà en soi une chose appréciable, mais quand en plus ledit spécialiste, œnologue de métier par ailleurs, se pointe chez vous un soir d'août 2003 avec un skeud de la trempe de ce
Impellitteri et une caisse de Château La Lagune et autres gâteries, on remercie le Destin de l'avoir mis sur votre chemin, et ce, même si l'on sait que le lascar vous abreuvera honteusement de Tequila Jose
Cuervo toute la soirée dans l'espoir de pouvoir placer "Before I Forget" de Jon
Lord dans la platine à trois heures du mat' en profitant d'une petite baisse de forme...
Si certains se demandent à quelle période
Impellitteri a remplacé Ritchie dans Purple, je les rassure; cet opus n'est associé à la Blackmore Family que par l'homme qui a déclaré la guerre à ses cordes vocales, à savoir le puissant et magistral Graham Bonnet, ex-
Rainbow ("
Down to
Earth" - 1979). Le reste du line-up est complété par Ed Roth aux claviers (
Glenn Hughes, Rob
Halford, Ronnie
Montrose, Tom Morello), James Pulli à la basse et Glen Sobel (
Paul Gilbert,
Alice Cooper actuellement) derrière les fûts. Une belle équipe. Mais venons-en au principal intéressé : Chris
Impellitteri.
Né en 1964 dans le Connecticut (East Coast, près de NYC), Chris se relocalise rapidement à
Los Angeles pour y chercher gloire et fortune. Avec
Rob Rock, vocaliste alors connu pour sa participation au all-star-band M.A.R.S. (
Tony MacAlpine/Tommy Aldridge/
Rob Rock/Rudy Sarzo), il fonde son propre groupe qu'il baptise, surprise...
Impellitteri. Leur premier EP, un 4 titres éponyme de 1987 labellisé "Relativity Records" (Satriani / Vai) suffit à propulser Chris en couverture des magazines spécialisés guitare pour le plus grand bonheur des apprenti-shredders déjà affolés par la sortie en août du "Surfing With The
Alien".
Rob Rock fera des allers-retours dans le groupe, remplacé entre autres par Monsieur Bonnet.
Même si tout metalhead qui se respecte connaît donc au moins le nom d'
Impellitteri grâce à ses redoutables compétences de soliste, peu se doutent de l'efficacité des chansons que ce musicien hors pair compose. Enregistré au
Track Recording Studios d'Hollywod et produit par
Impellitteri lui-même, "
System X" propose dix morceaux truffés de riffs de tueur, entrecoupés de breaks inventifs et de soli affolants au sujet desquels la légende raconte que 30 à 40 notes y sont shreddées à la seconde. Citons la tuerie "
Perfect Crime" et sa batterie up-tempo épaulant un riff speed à la manière du "We Rock" de
Dio, qui prend toute son ampleur sur le changement de rythme du refrain transcendé par des chœurs géniaux, "
End Of the World" et son intro malsaine qui explose sur le break, ou l'hallucinant "
Slow Kill" qu'on peut réécouter en boucle sans jamais se lasser.
Si Chris fait feu sur tous les fronts, il ne tombe jamais dans la linéarité, grâce à une section rythmique qui privilégie le groove à un double pédalage abusif, n'utilisant la grosse artillerie qu'aux endroits stratégiques, les rendant de ce fait encore plus efficaces. On peut ainsi contraster le missile d'ouverture "Rock & Roll Heroes" à la gloire de nos idoles au presque helloweenien "Gotta Get
Home", au patriote "
United We Stand", déclaration de guerre à Al-Qaïda, ou encore au riffing plus lourd de "
Why Do They Do
That".
L'ombre de
Rainbow période 80s plane sur "She's A Nighttime Lover" ou "Falling In Love With a
Stranger" qui rappelleront peut-être à certains des titres comme "Spotlight Kid" remis au goût du jour. Ne pas évoquer le suédois mégalomane serait évidemment une hérésie, bien que l'élève ait à mon avis largement dépassé le maître, Yngwie n'ayant jamais proposé, malgré de grandes réussites indéniables, un disque de si haute volée. Là où Malmsteen utilise trop souvent ses compositions pour mettre en avant sa technique,
Impellitteri met ses compétences au service des chansons et de l'émotion et fait la différence, plus qu'épaulé par Graham Bonnet qui délivre à 55 piges une performance absolument énorme, braillant à s'en décrocher le larynx dans son costard de proviseur à la retraite, suffisamment pour renvoyer la plupart de ses collègues dans la force de l'âge jouer au bac à sable.
Techniques extra-terrestres, finesse du toucher, esthétisme musical : autant de raisons d'apprécier les disques des aliens connus dans notre galaxie sous la dénomination "guitar heros", les
Blues Saraceno,
Joe Satriani,
Steve Vai,
Patrick Rondat,
Eric Johnson et autres
Michael Angelo Batio dont les noms sont également et à juste titre associés à la beauté, l'excentricité, la subtilité ou l'originalité.
Beauté, excentricité, subtilité, originalité : tout le contraire de ce "
System X", un disque Heavy
Metal typique et sans surprise qui défouraille sans trêve pendant 41 minutes et qui, je l'espère, vous collera une branlée sonore dont vous vous souviendrez si vous vous donnez la peine de vous le procurer, ou si l'un de vos potes fait partie lui aussi de l'espèce pas si rare dont il était question plus haut.
- Dédié à Alex : "comme des frèèèèèrrres !" ;-) -
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