Quand on crache sur quelque chose, c’est parce que l’on n’aime pas. N’allez pas uniquement chercher ce vilain penchant chez les jeunes enfants, pour qui la vue sous leur nez morveux d’un plat d’haricots verts ou d’épinards les rend irascibles. Nous sommes au fond des gens capricieux et d’éternels insatisfaits. La seule annonce d’un nouvel album de « MessengeR » m’a rendu un brin moqueur. Je l’avoue. Je m’attendais à une nouvelle sauterie pseudo-manowarienne, à une visite approfondie de mes toilettes après chaque écoute de l’engin. Bizarrement, aucune chasse d’eau n’a été tirée à cause de « Starwolf – Pt.1 : The Messengers », successeur de la bouffonnerie «
See You in Hell », sortie deux années auparavant chez le même label, le non moins germanisant
Massacre Records. Peut-être conscients de leurs fragilités (contrairement à leur attitude et pauses affichées), l’équipe de « MessengeR » semblerait avoir compris que ce qui n’enfonçait pas plus en profondeur le regrettable «
See You in Hell » était les quelques pistes power metal incluses. Il a donc été décidé de mettre le paquet dans ce genre, et de montrer au monde…. Non ! À l’univers entier (pour ne pas faire les choses à moitié), que « MessengeR » est quelqu’un qui sait taire les railleries. Après leurs précédentes mésaventures, le vaisseau piloté par Patrick Deckarm a fini par capter qu’il valait mieux suivre la voie de la nébuleuse «
Helloween », que de s’engouffrer dans le champ d’astéroïdes «
Majesty ». Heureuse décision !
« Raiders of Galaxy » commence donc un projet prévu en deux volets, où nos warriors de mardi gras sont transformés en space-warriors de mardi gras. Et le pire de tout, c’est que cela fonctionne. Cette première piste nous étourdie d’entrée avec un power metal de prestige, dans la pure lignée de «
Helloween ». Nous sommes stupéfaits de la réaction d’une troupe que l’on considérait tout sauf sérieux. Le chant de
Siegfried est à la traîne, mais il se défend plutôt correctement face aux guitares aguerries, qui elles, étalent leur jeu en grandes pompes. Les premières marques de « MessengeR » sur ce disque sont tout bonnement bluffantes. Les riffs abrupts de « The
Spectre » nous excitent et nous procurent un parfum d’épopée. On ressent bien le contexte de conquête spatiale, d’aventure dangereuse et épanouissante. La musique a beau être assez massive, nous n’en sommes pas moins attachés. Cet aspect bourru reste néanmoins une marque de fabrique allemande. Nos bienveillants Albators s’y emploient derechef sur « Pirates of Space » au refrain entêtant. Le ton est plus alourdi, ne partant pas à toute vitesse comme sur les précédents épisodes. Mais, on y dénote un chant plus convivial.
Siegfried fait d’ailleurs preuve d’intelligence (comme quoi tout est possible. C’est le jeu de la vie.), en reprenant de sa voix, lors du break de fin, l’air principal du morceau. Ce passage est en effet une vraie bouffée d’oxygène.
Le power metal ne réussirait pas partout. Ainsi sur « Starwolf » l’excellence de la mélodie impitoyable produite par les guitares se voie confrontée à un chant peu inspiré ,et à un refrain cassant à la fois le rythme et tout attrait que l’on pouvait ressentir à l’enchaînement du début. C’est aussi le même désenchantement sur la reprise du pourtant très mythique « Port Royal » de «
Running Wild », juste molle et lisse, en comparaison à l’originale si flamboyante. Il est à noter pour l’occasion la présence en invité de marque, du guitariste Gerald Warnecke, alias « Preacher », ancien membre de la plus grande confrérie pirate du metal. Curieux ! Le dénommé membre avait quitté le vaisseau «
Running Wild » bien avant la réalisation du dit morceau et de l’album qui porte le même nom. Ce n’est pas grave. Et puis de toute façon, il y a d’autres guests, et pas des moindres.
Siegfried se retrouve en duo avec la légende vivante
Ralf Scheepers sur le redoutable «
Salvation ». Peut-être le meilleur butin ramené par l’expédition. On reconnaîtra ce succès en grande partie grâce à la performance de monsieur Scheepers lui-même, pleinement investi au point de supplanter littéralement le pauvre
Siegfried Schüßler. Ce dernier ne parvient pas non plus à s’imposer face à l’ensorcelante, la prédatrice
Jutta Weinhold, qui est un peu trop solitaire à lutter sur le gros rock de « Blackbone Song ». Des fois il vaut mieux s’incliner quand on ne boxe pas dans le même poids.
« MessengeR » nous a honoré au début. C’est vrai ! Cependant, il n’échappe pas à quelques travers. Le chant de
Siegfried, en premier compte, est péniblement manié, allant parfois jusqu’à l’excès, notamment sur « Chosen One » au heavy metal tempétueux, mais trop répétitif. Cela est aussi vrai sur « The
Path of Science », dont on oserait volontiers un rapprochement avec le compatriote «
Rebellion » dans le style. Comme il fallait s’attendre, «
Manowar » n’a pas été entièrement oublié. C’est un «
Born to Face the
Wind » très manowarien qui conclut le disque. Cette forme de ballade très épique était prisée par le groupe américain fin des années 80 et au début des années 90 avec la triplette « Fighting the World », «
Kings of
Metal » et «
Triumph of Steel ». «
Earth, Water and
Power » est typique des noms donnés par «
Manowar » pour titrer ses chansons. Pourtant un riff tiré de la période « Powerslave » d’« Iron Maiden » fausse notre intuition. Le morceau a beau être inspiré par les meilleurs d’entre les meilleurs, il est tout bonnement imbuvable. Dans un style encore une fois puisé chez « Iron Maiden », ils se révèleront plus talentueux sur « Thousand Suns of
Eternity ». Cette démonstration fait néanmoins pâle figure à côté d’un corrosif «
Reign of the Righteous », dans une tonalité bien plus speed. Pour ce qui est des couplets seulement. Le refrain tient à calmer les choses et à figurer dans une entière candeur, faisant perdre ainsi tout élan et dynamisme.
Beaucoup auraient été prêts à parier à l’éclatement de la fusée au vol. Ils s’en seraient réjouis, les voyous. Moi, le premier. « MessengeR » était davantage une caricature qu’un groupe. Contre toute attente, ses membres ont su nous donner une leçon, en proposant aux auditeurs un projet ambitieux, certes non dénué de nombreux clichés. Ce premier volume du cycle « Starwolf » donne des perspectives plus convaincantes pour l’avenir de cette formation. Il est en revanche souhaitable pour son chanteur de ne pas faire le fier ; quelques titres prometteurs ont été malmenés par sa faute. Il lui reste encore du chemin à parcourir avant de s’estimer être un leader. Afin de concrétiser leur quête, ils ont recherché la proximité du power metal au lointain heavy metal épique à la cuir, cuir, cuir, moustache. Il n’y a rien de pire que de rechercher inlassablement un trésor quand il se situe en fait sous nos pieds.
13/20
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