Cinq années envolées déjà depuis «
Strangers », leur second et magistral album full length... Ce qui ne signifie nullement que le quintet israélien soit resté terré dans l'ombre ce laps de temps durant, loin s'en faut ! En effet, deux années d'une intense activité scénique s'ensuivront, avec notamment une série de concerts réalisés à Tel Aviv, à Eliat, en Belgique ainsi qu'en Allemagne – dont le Wacken Open Air Festival – durant l'été 2022. Un solide background live que nos acolytes complèteront par un travail en studio de longue haleine et des plus minutieux, d'où naîtront quelque six singles, entre 2022 et 2025, dont quatre seront retenus parmi les dix titres arborant leur troisième et présent opus, «
Souls », signé, lui, chez l'éminent label italien Frontiers Records ; indice révélateur d'une sérieuse envie d'en découdre de leur part ! Cela étant, les 41 optimales minutes de la galette permettront-elles au prolifique collectif, et ce, dix ans suite à sa sortie de terre, de se hisser parmi les valeurs confirmées du si couru registre metal symphonique progressif à voix féminine ?
Dans cette nouvelle escapade, nous embarque un équipage partiellement remodelé. Si l'on y retrouve l'auteure/compositrice et délicate interprète Noa Gruman (ex-Soul Enema, guest chez
Amorphis,
Orphaned Land,
Winterhorde...) et le batteur Yoav Weinberg (ex-Promiscuity, ex-
Sonne Adam, guest chez Gothicart), Yadin Moyal se verra, lui, remplacé par Gal Gabriel aux guitares, Itai Portugaly, par Aaron Friedland aux claviers, et Yanai Avnet, par Orr Didi à la basse. Avec la participation, pour l'occasion, de Ross Jennings (
Haken, Novena...) au chant et d' Ally Storch (
Subway To Sally,
Ally The Fiddle, ex-
Haggard...) au violon, et de la chorale Hellscore (dirigée par Noa Gruman), le groupe ainsi formé nous immerge au cœur d'un mouvement metal mélodico-symphonique progressif aux coloratures death gothique et folk, à la croisée des chemins entre
Nightwish,
Delain,
Xandria,
Seven Spires,
Threshold et
Eluveitie, la patte personnelle en prime.
Connu pour le soin apporté à la production de chacun de ses méfaits, le combo n'aura pas failli à sa réputation. A l'instar de son aîné, cet élan se voit à son tour mixé par Yonatan Kossov (
Amorphis,
Orphaned Land,
Shredhead,
Betzefer,
Distorted Harmony...) et mastérisé par le producteur et ingénieur du son suédois Jens Bogren (propriétaire du Fascination Street Studios (à Örebro, en Suède), connu pour avoir oeuvré auprès d'
Amon Amarth,
Amorphis,
Angra,
Arch Enemy,
Dark Tranquillity,
Draconian,
Eluveitie,
Katatonia,
Leprous,
Opeth,
Paradise Lost, parmi tant d'autres). C'est dire que ce set de compositions jouit d'une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut, de finitions passées au crible et d'une belle profondeur de champ acoustique. Fort de ces qualités, ce troisième effort de longue durée sera-t-il en mesure de supplanter son illustre devancier ?
A l'aune de ses aînés, cet opus nous mène fréquemment sur un terrain miné de complexes séquences rythmiques, non sans aspirer le tympan dans la tourmente. Ce qu'atteste, en premier lieu, «
My Haven », mid/up tempo metal symphonico-progressif aux relents death gothique, au confluent de
Seven Spires et de
Threshold ; variant ses phases percussives à l'envi tout en sauvegardant une mélodicité toute de fines nuances cousue où se greffe le large spectre vocal d'une interprète bien habité, et recelant un sémillant solo aux claviers relayé d'un fin legato à la basse, ce solaire effort pourrait bien laisser quelques traces dans les mémoires de ceux qui y ont auront plongé le pavillon. Dans cette énergie, on ne saurait davantage esquiver le sanguin « RIP », eu égard aux insoupçonnées montées en régime de son corps orchestral et aux saisissants contrastes oratoires dispensés par la belle, cette dernière alternant chant clair et growls avec maestria, à la façon d' Adrienne Cowan (
Seven Spires).
Sur un même modus operandi, d'amples pièces en actes jalonneront notre traversée, avec pour effet de nous assigner à résidence, le plus souvent. Ce que révèle, tout d'abord, « Searing
Echoes », intrigante et ''nightwishienne'' fresque déversant ses quelque 7:43 minutes d'un parcours à la fois épique et romanesque ; abondant en coups de théâtre percussifs, inoculée du violon tourmenté d' Ally Storch, et mise en habits de lumière par les ensorcelantes ondulations de la princesse corrélativement aux fréquents assauts d'une muraille de choeurs que rien ni personne ne songerait à enrayer la marche en avant, la pléthorique offrande n'aura pas tari d'armes pour asseoir sa défense et se jouer des nôtres.
Dans cette veine, on optera non moins pour les trois actes du sculptural « Touch of
Life » qui, au fil des 13 minutes de leur ruban auditif n'auront de cesse de nous bringuebaler, pour mieux nous retenir, in fine. A Commencer par le premier volet, le ''delainien'' mid/up tempo syncopé « Touch of
Life I - In Your
Eyes », au regard de son entêtant refrain, et où les graciles volutes de Noa se voient relayées par les claires et pénétrantes patines de Ross Jennings. Lui succède le low tempo progressif « Touch of
Life II - Dance of
Creation » qui, lui, retiendra tant pour ses variations atmosphériques et la soudaineté de son accélération à mi-piste que pour sa touche jazzy insufflée par les poignantes inflexions de la diva. L'orgiaque et complexe « Touch of
Life III -
King of
Insanity », quant à lui, génère une énergie aisément communicative tout en laissant entrevoir une seyante triangulation oratoire, où s'unissent les empreintes tantôt claires tantôt graveleuses de Noa et de Ross Jennings, auxquelles répondront graduellement celles, éminemment chatoyantes, d'une chorale enfiévrée.
Lorsque la cadence du convoi instrumental se fait un poil plus mesurée, la troupe parvient non moins à nous retenir plus que de raison. Ce à quoi nous sensibilise, d'une part, « Long
Forgotten Song », engageant mid tempo aux riffs crochetés, dans la mouvance atmosphérique du précédent effort ; recelant un refrain immersif à souhait mis en exergue par les angéliques inflexions de la sirène, que suit à la trace une soufflante chorale, investi parallèlement d'un fin legato à la lead guitare et instillant un pont techniciste bien amené et finement échafaudé d'où jaillit une basse vrombissante, le ''tubesque'' élan ne se quittera qu'à regret. Difficile également de ne pas se sentir happé par les truculentes séries d'accords comme par les orientalisantes senteurs échappées du mid tempo progressif «
Unreachable » ; et ce n'est pas le souffle éolien injecté par l'imposante chorale, alors venue escorter les puissantes oscillations de la déesse, qui nous déboutera de ce hit en puissance, tant s'en faut.
Quand ils en viennent à feutrer leurs ambiances d'éclairages plus tamisés, nos compères se muent alors en de véritables bourreaux des cœurs en bataille. Ce qu'illustre «
Dazzling Darkness », ballade romantique jusqu'au bout des ongles, que n'auraient sans doute reniée ni
Delain ni
Xandria. Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent les cristallines impulsions de la maîtresse de cérémonie et se chargeant graduellement en émotion au fil de sa progression, et en dépit de la brièveté du message musical délivré, l'instant privilégié comblera assurément les plus exigeantes des attentes de l'aficionado de moments intimistes.
En définitive, le combo israélien nous immerge au sein d'un propos à la fois pulsionnel, luxuriant, enjoué, complexe, sensible, et jouissant, tout comme son aîné d'une ingénierie du son coulée dans le bronze. Si plusieurs écoutes approfondies pourraient être requises pour en saisir toutes les subtilités, l'effort consenti s'avérera payant, in fine : transpirant la féconde inspiration mélodique de ses auteurs et développant une technicité instrumentale bien huilée, disposant parallèlement d'une signature vocale aisément identifiable et des plus inspirantes, c'est dire que ce troisième mouvement dispose de sérieux atouts pour capter l'attention du chaland sans jamais l'affadir. Quelques prises de risque consenties, des exercices de style des plus variés et savamment échafaudés, et un petit supplément d'âme parfois insufflé dans sa trame viennent compléter un tableau déjà richement orné. S'il ne peut, dans l'absolu, supplanter son devancier, ce nouvel élan témoigne néanmoins d'une épaisseur artistique et d'un zeste d'accessibilité supplémentaires ; de louables progrès autorisant le collectif à rejoindre dès lors les valeurs confirmées de cet espace metal. Bref, un groupe qui a le vent en poupe...
Note : 16,5/20
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire