Il n'y a pas si longtemps, l'association des termes "black metal" et "américain" ne suscitait que rires et quolibets. Mais cette époque est désormais révolue et le pays de l'Oncle Sam peut se targuer d'avoir une scène black metal, certes relativement réduite en quantité, mais d'une qualité remarquable, avec à sa tête des perles noires comme
Xasthur, pour ne parler que du plus connu.
Vrolok, quant à lui, est un projet demeurant quelque peu dans l'ombre de son illustre compatriote, et auquel son style est très souvent assimilé… à tort ! Car malgré tout le respect que je dois à
Xasthur et à la qualité de son travail, il faut bien reconnaître que
Vrolok est non seulement beaucoup plus original, mais réussit l'exploit d'être encore plus malsain et morbide, à en juger d'après l'écoute de ce "
Soul Amputation" remarquable et fascinant.
En effet, Diabolus, son mastermind à l'esprit torturé, possède des goûts musicaux extrêmement diversifiés et entend bien ne se fixer aucune limite. D'ailleurs, sa musique peut-elle vraiment être qualifiée de black metal ? A cette question, je répondrai… oui et non ! Oui, car on retrouve bien tous les éléments propres à ce style : guitares grésillantes, chant d'écorché vif et surtout ces atmosphères glaciales. Non, car musicalement parlant, ce disque va beaucoup plus loin que ça, le "pur" black metal n'étant qu'une des nombreuses composantes de la charpente musicale d'ensemble. Dans l'esprit, on pourrait penser à
Spektr, dans le sens où on se retrouve face à un disque où tout est possible.
Une des (nombreuses) curiosités de cette œuvre réside dans son découpage en trois thèmes, rappelant par là la construction de la plupart des symphonies classiques (généralement en trois mouvements). Ces thèmes se traduisent par 3 orientations musicales différentes, mais complémentaires.
Le premier thème,
Reverence (s'étalant sur les 7 premiers titres), est le plus axé black metal et pourrait être qualifié du plus "traditionnel" s'il n'y avait cette batterie aux rythmes quasi rituels et surtout ce recours intensif à de longs passages dark ambiant saupoudrés de chants grégoriens (la totalité de "Sanctus & Benedictus, Malefactoris" (part I et II), au milieu de "
Snake of
Unholy Divinity", en intro et en fin de "
Macabre Effigy"). Ces passages (très présents non seulement sur le premier thème, mais également sur l'ensemble de l'album) sont directement inspirés des travaux de
Peter Andersson avec son excellent projet Raison d'Etre.
Ce thème se conclut par "
Life Lies in
Ruins", un morceau à l'atmosphère ultra glauque hanté par des suffocations et des râles de souffrance.
Le second thème, développé sur les morceaux 8 à 12 et intitulé Aetheri, constitue la partie la plus atmosphérique et la plus dépressive de l'album. Et là, on débarque carrément dans une autre dimension ! La musique est quasi exclusivement instrumentale (seulement quelques voix chuchotées sont audibles ici et là) et basée sur des guitares au son clair, soutenues par des claviers se déclinant en orgue ("
November Funeral Mass ") ou en chœurs morbides et dépressifs ("Ghosts of
Winter Mourning", "
Oktober 26th"). On notera également le surprenant "
Abstract Human Element" se terminant par un sample du thème
Lacrimosa du
Requiem de Mozart, qui s'enchaîne avec "
Pestilence Beyond the Stained
Glass" basé sur des chants grégoriens et concluant le thème Aetheri.
Worship, le troisième et dernier thème, se rapproche davantage du premier thème
Reverence (on retrouve cette alternance black metal / chants grégoriens), mais révèle sa personnalité propre au travers du morceau-titre "
Soul Amputation", qui est un pur moment de folie. On se retrouve face à l'Horreur (avec un grand H) intégrale. Il s'agit d'un long morceau totalement inhumain fait de guitares doom rampantes, de triturations indus atroces, d'une batterie à l'agonie mais qui s'énerve de temps à autre comme les ultimes soubresauts d'un mourrant, et d'un chant innommable. Diabolus donne tout ce qu'il a, vomit littéralement ses tripes en crachant sa haine et son mal-être, et laisse l'auditeur sur le carreau. Hallucinant !!!
Quant aux 2 bonus tracks ("Hidden Between the
Paths…" et "Bele'zaghal Diplocephalus") placées après cette déferlante, on aurait pu penser qu'elles viendraient gâcher le plaisir. Et bien, pas du tout ! Elles sont dans la lignée de reste de l'album (style black ambiant/indus) et sont d'excellente qualité.
Il ressort de tout cela un disque incroyablement négatif. Tout y passe : colère, dépression, haine, dégoût de soi, dégoût des autres, mélancolie, horreur, suicide, automutilation, aliénation mentale, … (et j'en passe) dans un maelström de noirceur suffocante.
En bref, si vous avez des goûts musicaux éclectiques, si les expérimentations ne vous effraient pas, et si vous voulez vraiment connaître la signification du mot "morbide", alors jetez-vous sur ce disque, il n'attend que vous.
Un chef-d'œuvre total !
Un chef-d'œuvre sans faille !!
Un chef-d'œuvre IMPARABLE !!!
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