Sorrow

Paroles
ajouter une chronique/commentaire
Ajouter un fichier audio
16/20
Nom du groupe The 3rd And The Mortal
Nom de l'album Sorrow
Type EP
Date de parution 17 Septembre 1994
Style MusicalDoom Metal
Membres possèdant cet album17

Tracklist

1. Grevinnes Bønn 06:11
2. Sorrow 02:17
3. Ring of Fire 03:52
4. Silently I Surrender 08:01
Total playing time 20:21

Acheter cet album

 $79.29  40,49 €  27,77 €  £40.32  $60.99  35,45 €  130,23 €
Spirit of Metal est soutenu par ses lecteurs. Quand vous achetez via nos liens commerciaux, le site peut gagner une commission

The 3rd And The Mortal


Chronique @ Vinterdrom

24 Mars 2011

Habitée par la grâce, cette œuvre culte demeure un pilier historique du gothic / doom, un joyau rare

C’est en l’an 1994 que les explorateurs de l’art musical The 3rd and the Mortal plantent, avec l’EP "Sorrow", le premier étendard du gothic / doom en terres scandinaves.

Le gothic / doom ou un genre à la croisée des pesants et monolithiques chemins du doom / death et de la gothic / darkwave évoquant des paysages à l'esthétique raffinée, marqué notamment par l'intronisation d'orchestrations baroques et de chant clair harmonieux.
Bien que devenue aujourd'hui (et depuis longtemps) monnaie courante, la démarche d'employer une demoiselle revêtant des atours de soprano lyrique pour exprimer cette composante vocale claire était, à l'aube des années 90, encore aussi rare qu'osée dans le metal extrême. Si rare qu'à cette époque l'on ne retrouve que deux témoignages s'apparentant au gothic / doom à chanteuse : du côté outre-Manche avec Paradise Lost et son aventureux "Gothic" de 1991 (la pierre angulaire du genre, sombre et classieuse) et du côté des terres bataves avec The Gathering et son kitschissimement ornementé "Always" de 1992. Et il faut donc se projeter encore une paire d'années plus tard pour voir émerger du nouveau à l'échelle mondiale (et du côté de la Norvège en particulier) avec ce fameux "Sorrow" qui nous intéresse ici.

Grâce à cet EP scellant le pacte avec la maison locale Head Not Found / Voices Of Wonder, le sextet de Trondheim transmit un héritage qui sera perpétué en sa contrée par le tandem Theatre Of Tragedy / Funeral en 1995. Un legs ensuite développé jusqu'à l'explosion artistico-mercantile des hordes à frou-frou envahissant les bacs sous l'égide de Napalm Records à la fin des années 90 (Tristania, The Sins Of Thy Beloved, Trail Of Tears), à l'heure où le genre gothic / doom tomba bien malgré lui sous le joug de l'appellation "metal gothique", plus généraliste et (malheureusement) habillée d’une connotation devenue péjorative.

The 3rd and the Mortal et "Sorrow", fossiles préhistoriques de l’évolution ayant conduit au "metal goth à la norvégienne" …

Assurément … car l'influence qu'ont pu avoir des morceaux tels que "Grevinnens Bønn" et "Ring of Fire" sur le début de carrière de Theatre Of Tragedy est évidente, criante. Les germes du spleen baudelairien avaient déjà pris bien belle forme en ces terres de contrastes où le riffing grondant et distordu le dispute aux leads mélodiques déployés sur une rythmique de plomb, où les envolées lyriques se détachent d'un environnement où les atmosphères envoûtantes sont reines. Et comment ne pas voir non plus en cette aussi séduisante qu'énigmatique Kari Rueslåtten, déesse au chant ensorcelant et à la présence éthérée, la muse inspiratrice de bon nombre de figures de proue du genre, et des plus réputées telles Liv Kristine (Theatre Of Tragedy) et Anita Auglend (The Sins Of Thy Beloved).

… Mais pas seulement … car dès sa première sortie officielle (et même dès ses premiers enregistrements démo datant de 1993), The 3rd and the Mortal a abattu d'entrée de jeu sa carte maîtresse, ne s'appuyant que sur le seul usage du chant féminin lyrique pour assurer l'intégralité de la section vocale. Une personnalité déjà bien affirmée donc, puis admirablement confirmée par le full-length "Tears Laid in Earth" publié la même année et réalisé dans la même veine.
Chez ces norvégiens-là, pas d'association growl / soprano à l'inverse des pionniers Paradise Lost / The Gathering, pas de saynète où l'on joue la Belle et la Bête a contrario des descendants locaux qui fonderont leur réputation sur cette dualité vocale tournant très vite au gimmick.
Une caractéristique complètement inédite dans la sphère gothic / doom de 1994, et une prise de risque certaine qui ouvrira en premier lieu la route au virage musical d'un certain The Gathering et à son "Mandylion" de 1995 alliant succès artistique et commercial. Malgré son rôle de précurseur, sa position de maître, The 3rd and the Mortal n'a pas connu la même répercussion que l'élève. Si la moindre force de frappe de Voices Of Wonder en termes de promotion et distribution par rapport à Century Media y est certainement pour beaucoup, la substantielle propension atmosphérique des norvégiens nécessitant d'adopter une vision contemplative apporte également sa part d'explication. Le magnétisme du "Sorrow" norvégien, très affilié à la darkwave, apparait ainsi bien moins directement accrocheur que celui du "Mandylion" hollandais, ce dernier ayant un impact plus immédiat car plus dynamique et laissant entrevoir quelques accents pop.

Si le mystique "Grevinnens Bønn" et le shamanique "Ring of Fire" s'imposent avec force éléments résolument metal, cette obédience se retrouve au plus réduite à l'état de reliquats sur les deux autres morceaux complétant "Sorrow", ce qui, à titre personnel, ne m'empêche pas d'énormément apprécier l'art troublant développé sur cet EP, question de sensibilité.
Le morceau-titre est un soliloque aussi épuré que touchant, dans lequel la sobre et virtuose Kari Rueslåtten nous conte ses rêveries tragiques sur fond de notes acoustiques nous plongeant dans un profond recueillement.
"Silently I Surrender", quant à elle, s'aventure loin aux confins de territoires progressifs fleurant bons les années 70. Extrêmement planante voire ambiante, cette sublime composition n'en recèle pas moins une grande richesse d'arrangements lors de ses phases instrumentales grâce au bel ouvrage confectionné par le trio d'orfèvres guitaristes Engum / Holthe / Nilssen. Les arpèges et effets cristallins se reflètent sur un océan de mélancolie troublé par des rythmiques et leads électriques amenant les remous de la tempête, la mort, les funérailles, …

Habitée par la grâce, cette œuvre culte demeure un pilier historique du gothic / doom, un joyau rare. D'une qualité artistique dont seule une poignée de formations porte encore le flambeau aujourd'hui (Draconian, Avrigus, Todesbonden et Ava Inferi notamment), elle permet en outre de se rappeler que, derrière la soupe clinquante et artificielle assimilée au "metal goth à chanteuse", il existe heureusement quelques merveilles gouvernées par l'inspiration et la classe … et qui méritent amplement le détour.

7 Commentaires

5 J'aime

Partager

Apophis2036 - 24 Mars 2011: Commentaire très court mais qui va à l'esentiel: merci pour ces écrits et les précisions que vous tous apportez plus haut.
Vinterdrom - 24 Mars 2011: Tiens, puisqu'on parle de précision : dans le rayon des formations perpétuant l'héritage du gothic / doom des débuts, j'avais oublié de mentionner à la fin de ma chro les excellents Ava Inferi.
C'est réparé.
BEERGRINDER - 24 Mars 2011: Au rayon coïncidence, j'ai justement rédigé hier la chro du premier EP Black Metal à larges influences Gothic, publication demain.
steelhardos - 25 Mars 2011: Du tout bon cet EP de The 3rd And The Mortal ainsi que Tears Laid in Earth ! J'ai ressorti Sorrow et l'écoute durant la rédaction de ce com' et me rappelle l'engouement que m'avait provoqué la voix de Kari dont j'ai même un album solo 'Spindelsinn". De très bonne trouvailles dans les ambiances qui en plus tiennent à peu de choses !
    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire