Pionnier du gothic / doom et point de départ du genre en terre norvégienne avec la doublette culte "
Sorrow" / "Tears Laid in
Earth" sortie en
1994,
The 3rd and the Mortal ne tardera pas à hisser les voiles pour filer vers de nouveaux horizons artistiques. Dès l'année suivante, c'est armé d'une nouvelle figure de proue en la personne de la vocaliste Ann-Mari Edvardsen que le sextet de Trondheim met à flots un nouvel EP intitulé "Nightswan", montrant les premiers signes évidents de bougeotte.
Tout commence pourtant dans la droite lignée des deux premières œuvres cultes, "
Neurosis" démarrant sur un gothic / doom très aérien où s'entrecroisent de multiples lignes guitaristiques, mariant l'électrique à l'acoustique, le mélodieux au planant. Fendant les lames d'un océan de profond recueillement et de pure ataraxie, la voix de Ann-Mari Edvardsen évolue dans un registre traditionnel du genre mais diablement envoûtant. Sensiblement proche de son illustre devancière Kari Rueslåtten, elle déploie son charme sans niaisement chouiner ni tapageusement racoler.
Une entame tout en douceur et en terrain connu, un havre qui soudainement s'estompe pour devenir le théâtre de remous et de tourments, le navire s'en allant explorer d'étranges sphères ambiantes et expérimentales. La sirène-cantatrice fait alors montre de l'étendue de son registre vocal comme de l'extravagance de ses idées. Hors-norme, elle intrigue autant qu'elle déstabilise, voguant sans boussole au gré de dérives lyriques totalement non orthodoxes et sous acides. Synthés hissés tel un sombre et fantasque pavillon, l'instrumentation s'y joint en traçant des courants psychédéliques, les percussions se manifestant en roulements imprévus pour s'évanouir aussitôt, sans nul garde-fou ni capitaine à la barre. De ce noir et tumultueux vortex ressort la nef pour accoster sur un îlot de sérénité jazzy troublante avant de retourner à son éden musical d'origine.
Le pont entre les deux rives est bâti et les trois autres compositions, bien que moins marquantes, perpétuent néanmoins cette impression d'entre deux mondes.
"From the
Depth of Memories", comme son titre le suggère, s'accroche aux récifs d'antan au travers d'un gothic / doom atmosphérique, sobre et classieux, tandis que "The Meadow" et "Vavonia (Part I)" se tournent vers le lointain avenir. Une vision du futur de
The 3rd and the Mortal, puisant selon un paradoxe spatio-temporel son inspiration dans un passé plus reculé, à la source des travaux ambiants de Brian Eno époque 70's / 80's, en particulier sur l'abstrait "The Meadow" jouant une carte aussi minimaliste qu'elle laisse un vaste champ d'interprétation à l'auditeur / explorateur, avec quelques touches world music d'obédience
Dead Can Dance. "Vavonia (Part I)" offre quant à lui une approche orchestrale et s'achevant (volontairement) trop tôt, laisse le temps en suspens de même que nous aux portes d'une autre dimension recélant la seconde partie.
Encore liée à ses origines telle une corde d'amarrage à la terre ferme, la formation norvégienne hésite à pleinement se lancer vers ces nouveaux horizons qui l'attirent, donnant naissance à une œuvre péchant par un peu trop de retenue, si ce n'est lors de sa magistrale pièce d'ouverture.
Une intéressante phase de transition malgré tout, révélant les prémices d'un "Painting on
Glass" qui, lui, va complètement larguer les amarres et plonger de l'autre côté.
To be continued …
Personnellement, ça me parle. Et malgré l'excellence et le caractère culte de Sorrow / Tears Laid, je garde quand même un coup de coeur particulier pour le Painting on Glass, véritable kaléidoscope artistique qui me transporte ailleurs à tous les coups.
Je prévoie d'en faire la chronique, même si ça promet d'être particulièrement difficile.
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