Jouissant d'une renommée grandissante au sein de la scène underground française, leur bannière s'étendant même jusqu'en outre-Atlantique en charmant les fans de la vieille époque par un rapprochement musical assumé vers l'école Norvégienne du début des nineties tout en offrant une identité personnelle délectable, la créature de Corven revient une nouvelle fois sur le devant de la scène en 2004 afin d'assener à une horde de nouveaux fans sa troisième offensive. Alors qu'il y avait tout juste deux ans de cela le groupe se reprenait en main après une longue absence afin de sortir leur premier opus, certes très classique, mais témoignant d'un début des plus valable, il nous avait fait part d'un deuxième full-lenght dans la continuité de ce premier, affirmant leur style assez darkthronien en dépit d'une essence personnelle à ne pas sous-estimer, confirmant d'une belle manière ce qui avait été fait précédemment malgré peu de nouveautés.
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Requiem Tenebrae" fut donc attendu au tournant lors de sa sortie, la curiosité prenant vite le pas quant au rendu final afin de savoir si
Nehëmah se renouvèlerait ou poursuivrait son chemin là où "
Shadows from the Past..." avait amené le groupe.
La prise de risque pour un groupe officiant dans une voix qui semble toute tracée et qui contente la majorité est toujours quelque chose d'osé et bien habile est celui qui y parvient avec succès. Aux premiers abords de la pochette, la diversité ne semble pas poindre le bout de son nez, mais en fin de compte elle résume bien ce qu'il demeure du groupe en 2004. Toujours une photo de Corven en premier plan, mais cette fois-ci pas de décors morbides ou de poses dans la neige, non. Ce simple faciès émergeant d'une blancheur immaculée évoquant une impression de tristesse peut paraître anodin aux premiers abords, en revanche, après écoute de ce troisième opus il apparaît qu'il en révèle bien plus sur le contenu de l'album que ce qu'il n'y paraît et sur le chemin qu'a pris le groupe.
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Creeping Chaos" entame donc ce nouveau défilé de noirceur par un enchaînement de samplers aux sonorités lugubres, installant l'auditeur avide dans une ambiance qui lui est familière, le mettant en confiance pour la suite avant de le souffler avec le terrible "
The Great Old Ones". Dès lors, ce second morceau apportera un souffle de fraicheur teintée d'horreur en arborant un riff toujours aussi envoûtant dont Corven, compositeur intégral de chaque album, a le secret en apportant une touche mélodique des plus prenante. On remarque avec facilité que les éléments faisant le succès du groupe depuis deux ans sont toujours présents pour notre bonheur, mais ils se démarquent tout de même de ce qu'offrait les deux grands frères.
La production est légèrement plus accessible qu'avant bien que peu différente au niveau des guitares qui continuent inlassablement leur tourbillon hypnotisant, délivrant leurs notes dans un magma raw, mais qui confère toujours autant de charme aux compositions. Enregistré par Mathrien (
Himinbjorg) qui s'était déjà occupé de l'enregistrement de "
Shadows from the Past...", la batterie délivre ses blasts avec la même puissance de son que l'album précédent, tandis que la basse garde toujours une place stratégique comme on en avait l'habitude sur "
Light of a Dead Star". L'homme en question semble avoir bien cerné ce que désirait le groupe et on saurait difficilement un "son" plus adéquat vis-à-vis du rendu final.
Là où les deux précédentes sorties tiraient leurs ambiances de l'aspect envoûtant des riffs sublimés par un son necro des plus calculé et de toute la noirceur que pouvaient dégager les compositions issues des cauchemars de Corven, ce "
Requiem Tenebrae", non content de garder ces éléments cruciaux pour l'identité du groupe, les utilise à la perfection tout en jouissant en sus d'une touche atmosphérique. Ce renouveau pour le groupe, non content de ne rien dénaturer de la magie de
Nehëmah, apporte une touche personnelle supplémentaire des plus appréciable et une profondeur plus importante à cette troisième entité. Si des interludes tels que "
Dead But
Dreaming" peuvent gêner les puristes, quel adepte des oeuvres de ces français peut rester indifférent face à une piste telle que "Taken Away By The
Torn Black Shroud" où le tempo lent et envoûtant des guitares soutenues par le jeu de cymbales de la batterie distillent une atmosphère éthérée presque palpable, le tout renforcé par la voix de Corven qui n'a jamais été aussi proche de son animal totem, le corbeau.
Ses croassements n'auront jamais été aussi puissants et aussi bien maîtrisés comme en témoigne le début du titre sus-cité. Pouvant évoluer crescendo dans de longs râles de souffrance comme garder une diction plus véloce et plus agressive à la manière de l'accélération de "The
Elder Gods
Awakening", on peut dire que sur cette dernière sortie l'homme en question a pleinement usé de son potentiel vocal. On regrettera par ailleurs que les paroles ne soient pas plus lisibles à cause du style d'écriture pratiqué dans le livret. Même les parties de chant clair ou de chant parlé à la manière de l'incontournable "
Conscience In
Evil" sont des plus appréciable. Ce titre est d'ailleurs l'une des compositions les plus réputées du groupe et ce pour de bonnes raisons. D'une part, il est très travaillé dans sa forme, les rythmes varient à loisir sans jamais perdre l'auditeur qui s'attardera tour à tour sur les élans de clavier ou tentera d'analyser la technique de la batterie et ses différentes variations si ce n'est pour s'attarder sur les accélérations impromptues, mais toujours bien amenées des guitares et de plus il représente à lui seul tout les points majeurs de cet album tel un grand résumé reprenant ce qui se fait de bien chez le groupe, une réelle piste de choix.
Alors que la dernière offrande musicale, "
Through The
Dark Nebula", s'achève dans la souffrance, mais non pas sans beauté, que pouvons-nous retenir de ce dernier opus ? Tout d'abord, il s'agit là incontestablement de l'album le plus personnel du groupe. La profondeur de certains morceaux est la preuve même que seul une âme aussi torturée que celle de Corven peut composer des œuvres pareilles. Si la touche atmosphérique est surprenante au début elle n'en est pas moins très bien amenée et n'est rien de plus que la cerise sur le gâteau, justifiant par la profondeur qu'elle apporte le côté pur et solennel de la pochette. Une bien belle œuvre pour ce groupe faisant honneur à la scène Black
Metal française de part la reconnaissance qu'il engendre et surtout pour la qualité dont il a fait preuve tout au long de son existence, certes assez peu fournie en sorties, mais elles ont tout de même le mérite d'être marquantes pour peu que l'on arrive un petit peu à toucher l'art dans lequel ils officient.
"Anyone who discovers this album making clearly sense of it will go behind the gates of the creation and will enter the abysses of time to meditate on the mystery of chaos"
Val'.
Bonne chronique, comme d'habitude, j'aime beaucoup te lire.
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