Objet unique, pour un moment unique, imaginé par un musicien hors norme. Fondateur et pierre angulaire de plusieurs courants encore bien vivaces de toute la musique extrême, Thomas
Fischer, alias Tom G.
Warrior -
Hellhammer/
Celtic Frost/
Triptykon - boucle avec ce
Requiem une des sagas les plus singulières du metal au sens large. Pensez donc, la gestation d'un triptyque qui s'étend sur 33 ans, comme par hasard, et qui sort en cette morbide année 2020 chez
Century Media sous plusieurs supports tant audio que visuels, orné d'une pochette mystérieuse parfaitement raccord, la peinture de Valeriani supplantant le célèbre défunt Giger, habituel préposé aux illustrations de
Triptykon.
Construit initialement dans sa première partie pour figurer sur le fondateur Into the
Pandemonium (le théâtral et somptueux Rex
Irae - 1987), album éclectique autant génial qu'incompris en son temps, et ayant inspiré une quantité astronomique de groupes trop longue à détailler, le
Requiem de
Fischer a connu sa suite avec la partie finale
Winter, sur l'album définitif
Monotheist (2006), chant du cygne d'un groupe ô combien référentiel. Restait la partie centrale à composer, que l'on imagine fruit d'innombrables heures passées dans le cerveau de son géniteur. Le boss du Roadburn, très apprécié de
Fischer, eut l'idée de provoquer l'artiste en lui proposant une représentation live unique de ce
Requiem, une fois terminé. Projet maintes fois repoussé pour de multiples raisons, l'occasion de boucler la boucle pour le leader de
Triptykon/feu
Celtic Frost était venue, la cinquantaine bien avancée. Le Metropole Orkest fut choisi pour son ouverture d'esprit afin d'accompagner le groupe au complet, enrichi pour l'occasion d'une vocaliste hors pair, Safa Heraghi, qui a la lourde tâche de succéder à Claudia Maria Mokri qui officiait sur Into the
Pandemonium, ex-icône ayant donné naissance à nombre d'interventions de vocalises féminines au sein de la musique metal.
C'est ainsi que sous un parterre de fans à l’émotion palpable, sûrs d'assister à un événement exceptionnel, la scène du Roadburn voit l'orchestre d'une bonne vingtaine de personnes être entouré des 5 musiciens de
Triptykon, sobrement vêtus et à l'attitude concentrée. Dès les premières notes de Rex
Irae, l'émotion envahit l'auditeur, frissons garantis pour le fan de l'album sorti en 1987. Rarement une pièce musicale aura su combiner musique classique et parties gothico-extrêmes baroques. Heraghi et
Fischer atteignent une complicité vocale élevée et le titre, grandiose, est tiré vers le haut par une préparation orchestrale que l'on devine optimale, si l'on connaît le perfectionnisme de son auteur. Sur la partie finale,
Winter, bien connue des fans d'un album unanimement acclamé lors de sa sortie et devenu référentiel depuis, est parfaitement retranscrite, avec la lourdeur requise pour achever l'oeuvre.
Entre les deux, la partie nommée Grave
Eternal, centrale et longuement développée, dépassant la demi-heure, constitue la principale découverte de cette sortie. Elle est à la fois plurielle et marque une rupture avec ce qui précède et ce qui suit. Plurielle car elle est composée de plusieurs séquences donnant la part belle à des instruments assez différents, utilisés en façade plutôt qu'ensemble, bien que cette notion soit assez relative. On y distingue une première partie majoritairement basée sur des instruments à vent orchestraux mis en valeur de manière cohérente, à la manière d'un orchestre classique (on pense à Berlioz), puis un passage où V. Santura tutoie le savoir-faire de Roger Waters (Pink Floyd), de toute beauté, mais aussi des cordes mêlées aux parties de basse écrasantes de la toujours sobre Vanja Slajh sur sa partie finale. Des plages qui auraient pu être plus homogènes, mais vivantes et réussies, portées par un orchestre au diapason. Néanmoins, l'oeuvre pêche par longueur dans la partie consacrée aux percussions, inspirée de la musique liturgique et de la world music, qui pourra paraître ennuyeuse aux oreilles non initiées.
Dead Can Dance n'est parfois pas loin, mais sans en atteindre la profondeur ni l'intensité. Dommage. Au rayon critiques, notons également l'absence d'un thème fort, susceptible de créer du liant entre les parties, qui du coup paraissent assez décousues, voire inégales, avec des ruptures un peu brusques qui auraient parfois méritées d'être mieux liées entre elles, Rex
Irae en constituant le sommet inégalé.
Ne boudons pas notre plaisir, d'un éclectisme rare, brillamment mis en scène même si par trop décousu, l'ensemble s'écoute (et se regarde) avec des montées en émotions au gré des moments forts du triptyque.
Requiem est l'oeuvre d'une vie pour un musicien hors pair, dont l'oeuvre prend ici une dimension grandiose, magnifiée par un concert remarquablement interprété, pont entre plusieurs genres, encore, pour un roi dont le soleil loin d'être mourant illumine encore la scène depuis près de quarante ans. Chapeau l'artiste !
Excellente chronique Jérôme. Ça me donnerait presque envie de me replonger dans Into the Pandemonium, album que je n’aime pas du tout, hé hé. En tout cas les références à Pink Floyd et Dead Can Dance sont attirantes.
Immense live. Immense.
N'ayant pas toujours l'album en dur (le coffret sera posté des US le 12 juin, génial les précommandes). J'ai sacrifié au téléchargement du lien qui allait avec.
Verdict: c'est pas un truc qui va souvent tourner mais putain il y a de très bonnes choses. la dexième partie n'étant pas familière n'ayant jamais été gravée sur album avant (au passage les adaptations de Rex Irae et Winter sont superbes) se veut par moment hyptonique (en espérant qu'au fil des écoutes ça ne devienne pas chiant) pour s'achever sur un final de toute beauté. Du coup le fait que cette deuxième partie ne soit sortie que pour l'orchestre directement sans passer par la case album peut expliquer le manque d'homogénéité que je ressens aussi.
Je n'avais pas lu la chro avant l'écoute mais les références à Berlioz, Pink Floyd et Dead Can Dance sont parfaitement pertinentes.
J'approfondirais à réception du coffret avec les visuels en support parce que brancher le PC sur la chaine c'est pas mon truc. Mais c'est planant, plus sur un registre "gothique" que Metal GG Warrior évoluant dans sa tessiture grave et non écorchée avec la dernière partie du deuxième mouvement et le Winter qui prennent aux tripes.
Encore une pierre de plus au profond respect que je porte à cet artiste
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