Archspire est typiquement le genre de groupe que l’on adore ou que l’on déteste. Evoluant dans un death très technique extrêmement moderne et synthétique, son dernier effort,
The Lucid Collective, avait repoussé les limites de la rapidité à un niveau à peine croyable, séduisant un large public en quête de sensations fortes mais laissant pas mal de vieux deathsters sur la touche. Que l’on apprécie ou pas le style des Canadiens, il est clair que ce mélange de brutalité et de mélodies à la fois oniriques et spatiales forme un tout à la personnalité unique que l’on reconnaît dès les premières notes. Et pour son troisième album,
Relentless Mutation, le quintette de
Vancouver ne change pas sa recette, mieux, il l’améliore, parvenant à sonner à la fois plus brutal, mélodique et cohérent tout en jouant encore plus vite (oui, vous avez bien lu!) durant ces trente petites minutes.
Bon, par où commencer les éloges ? Peut-être par le plus évident : c’est un fait, Oli Peters est un chanteur extraordinaire, et sa performance tient plus de la prouesse que de la simple prestation vocale: les mots sortent de son gosier à une vitesse hallucinante, rappelant inévitablement les rafales d’une mitraillette (l’exercice est flagrant sur l’intro un brin scolaire de Calamus
Will Animate, avec des déflagrations de batterie qui rappellent volontairement le son d’une arme à feu), et honnêtement, il me paraît difficile d’égaler un tel débit, proprement extraterrestre (au hasard, essayez voir de vous entraîner sur la lyrics vidéo du même titre. M’voyez ?). Evidemment, derrière, les sikos suivent, avec notamment un batteur au jeu fourni qui parvient à tenir ce rythme inhumain en envoyant des salves d’une rapidité monstrueuse (les accélérations assassines de The Mimic Well) et en imposant des cassures schizophrènes dont les gratteux et le bassiste s’accommodent avec une facilité déconcertante, ce dernier se permettant quelques envolées du plus bel effet, aussi virtuoses que touchantes , rappelant parfois les copains de
Beyond Creation... en trois fois plus rapide (
Human Murmuration, Calamus
Will Animate).
Vous l’aurez compris, le mot technique prend ici vraiment tout son sens, avec des musiciens à la dextérité exceptionnelle qui se plaisent à jouer une musique complexe et torturée à une vitesse folle, mais le plus incroyable dans tout ça, c’est que le tout parvient à rester à la fois brutal, efficace, accrocheur et mélodique. Oui, ça paraîtrait presque indécent, mais ce bordel supersonique sonne auant qu’il arrache la tronche (écoutez voir les saccades erratiques de Involontary Doppelgänger et les accès de vitesse hystérique, à la violence débridée, de Remote
Tumour Seeker, maîtrisés au millimètre près),
Archspire n’oubliant pas d’incorporer de la mélodie dans cette débauche de décibels, tant dans les soli qui dégueulent de notes éblouissantes, que dans certains passages plus posés au toucher jazzy (le superbe break aérien de Involuntary Doppelgänger, l’intro de
Human Murmuration, les plages intrumentales planantes de
Relentless Mutation, qui laissent la part belle à la fretless, A
Dark Horizontal). Durant quelques courts instants de paix, on pourrait presque croire écouter du
Cynic, jusqu’à ce que la batterie sulfateuse, les syncopes de six cordes et le growl mutant de Peters ne reviennent nous mettre la tête à l’envers.
Oui, bien sûr, le son est très synthétique, plastique et mécanique (peut-être encore plus que sur
The Lucid Collective, c’est dire !), mais celà est volontaire, collant parfaitement au style futuriste et SF du quintette si judicieusement incarné par la magnifique pochette signée Eliran Kantor.
Archspire fait un death metal ultra moderne et léché aux forts relents core qui dégage une ambiance très froide et cybernétique, et il est clair que les puristes, adeptes d’un vieux death à l’ancienne, risquent de faire la gueule en déplorant ce manque de noirceur et de rugosité dans la musique des Canadiens. Ceci dit, musicalement parlant,
Relentless Mutation est littéralement inattaquable, et réussit l’exploit de faire encore plus fort que son phénoménal prédécesseur. Vous rêvez d’un hybride qui mélangerait la dextérité mélodique et torturée de combos comme
Obscura,
Beyond Creation et
Gorguts à la célérité supersonique et l’intensité d‘un
Origin? Précipitez-vous sur cette nouvelle tuerie d'
Archspire,
Relentless Mutation étant ni plus ni moins l’une des tueries tech death les plus exceptionnelles qu’il m’ait jamais été données d’apprécier en 32 ans d'existence. Quoi, vous êtes encore là? Foncez l'écouter, tornon de tabernacle !
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