C'est au cœur du si foisonnant registre metal symphonique à chant féminin qu'espère, à son tour, évoluer ce discret quartet originaire de Wangen bei
Olten, une commune suisse du canton de Soleure. Disposant d'une riche expérience scénique à l'échelle locale et européenne depuis près de deux ans déjà, le combo helvétique souhaite désormais et légitimement étendre le champ de son auditorat. Aussi a-t-il récemment orienté ses efforts en studio, réalisant tout de go son premier album full length «
Reflections of a Nightmare » ; une galette généreuse de ses 43 minutes sortie chez le puissant label italien Rockshots Records, témoignant d'un enregistrement de bon aloi parallèlement à un léger surmixage de l'instrumentation et des finitions encore sujettes à caution.
Dans ce dessein, le présent message musical se place dans un rock'n'metal mélodico-symphonique doublé d'une touche atmosphérique et dark gothique, dans la lignée de
Nightwish (première période),
Xandria (première mouture),
Delain,
Draconian, ou encore
Autumn. Ce faisant, le collectif suisse nous livre un set de compositions à la fois vitaminé, volontiers enjoué, un tantinet énigmatique, délicat et romantique, recelant un bel élan d'inspiration de ses auteurs. Souvent calée sur le schéma oratoire devenu classique de la Belle et la Bête, la troupe ne s'y est pas réduite exclusivement. Aussi, suivons sans plus attendre la frontwoman Seraina Schöpfer, le guitariste/growler et orchestrateur Christian Geissmann (
Majesty Of silence, ex-Proxima), le bassiste Jan Thomas (Rainforce, ex-Pÿlon) et le batteur Frank Fritschi dans leurs pérégrinations...
Quand il se plaît à ensanglanter les fûts, le combo parvient le plus souvent à maintenir nos sens en éveil, nous immergeant alors volontiers dans un océan de félicité. Ainsi, acheminé par de délicats arpèges au piano, disséminant un refrain catchy mis en exergue par les caressantes inflexions de la sirène, l'entraînant et ''xandrien'' « The
Maze » ne mettra pas bien longtemps à encenser le tympan. Dans cette énergie, tout en déversant leurs riffs massifs le long d'une rythmique à l'inaltérable vivacité, les toniques et ''nightwishiens'' « Everytime » et « Nightchild » glissent tous deux sur une sente mélodique immersive à souhait. Si l'effet de contraste oratoire est sauvegardé, on regrettera par ailleurs, dans un cas comme dans l'autre, un manque cruel de relief du champ acoustique, les instruments ainsi combinés formant un ensemble éminemment compact, voire indifférencié.
Lorsque le pas se fait moins pressant, nos acolytes trouvent à nouveau les clés pour nous rallier à leur cause. D'une part, on retiendra « Incomplete », mid tempo aux riffs crochetés et au léger tapping à la confluence entre
Nightwish et
Delain, à la lumière de ses grisants gimmicks guitaristiques et surtout de ses couplets finement ciselés que relaie un enivrant refrain. D'autre part, dans l'ombre de
Xandria, avec un zeste atmosphérique d'
Autumn, et enjolivé par les fluides modulations de la déesse, le mid tempo syncopé «
Defy Every Storm » aspirera prestement le pavillon. En outre, sa basse claquante, les insoupçonnées accélérations de son corps orchestral et son infiltrant cheminement d'harmoniques contribueront à rendre la seyante offrande des plus magnétiques. Mais c'est surtout le ''nightwishien'' « Unireverse » qui, d'un battement de cils, nous happera le plus aisément, et ce, pour ne plus nous lâcher jusqu'à l'ultime mesure. Une sémillante offrande, dotée d'une esthétique mélodique difficile à prendre en défaut, corroborée par les sinueuses et cristallines patines de la maîtresse de cérémonie. Peut-être bien le gemme de l'opus...
Parfois, l'atmosphère s'obscurcit d'un cran, nous plongeant alors dans de ténébreuses et anxiogènes contrées. Ce qu'illustre précisément « Falling with a
Crown », mid tempo dark gothico-symphonique à mi-chemin entre
Draconian et un
Within Temptation estampé « Enter ». De par son climat souffreteux, un tantinet chaotique, entretenu par un duo mixte en voix de contrastes confondant de sincérité, le démoniaque effort ira jusqu'à nous glacer les sangs. Tant ses soudaines montées en régime que ses riffs corrosifs et son tapping bestial se révèlent être des armes efficaces pour nous faire plier l'échine.
Dans un souci d'ouverture du champ des possibles, et comme pour nous offrir une petite respiration, la troupe place à mi-parcours de son méfait un bref et cinématique instrumental. Ainsi, sous couvert d'arrangements ''nightwishiens'', « Prologue » glisse sur d'enveloppantes et ondoyantes nappes synthétiques corrélativement à des roulements quasi métronomiques d'un tambour martial. Un exercice de style rondement mené et qui sied particulièrement bien à nos compères.
Toutefois, plus déroutants et techniquement plus complexes, certains espaces d'expression éprouveront quelques difficultés à recueillir la totalité de l'adhésion. C'est dire qu'en dépit de ses qualités, le propos n'ira pas sans accuser l'un ou l'autre bémol ; à commencer par « Little
Red » ; frétillant up tempo dark power symphonique au répétitif cheminement d'harmoniques, concédant de persistantes linéarités mélodiques et des rampes de claviers aux oscillations cycliques et à l'incertain positionnement. Dans ce champ de turbulences, au demeurant bien habités, nos deux tourtereaux peineront à relever la sauce d'un plat résolument indigeste. On ne retiendra pas davantage «
In Flames », mid tempo gothico-symphonique à la basse vrombissante et aux gimmicks rageurs. Un tenace sous-mixage des lignes de chant, d'inutiles ponts technicistes et une évanescente mélodicité sont autant d'éléments plaçant cette offrande, elle aussi, dans l'ombre de ses voisines de bobine.
En guise de message de bienvenue, nos acolytes nous livrent ainsi une seyante, pulsionnelle et sensible offrande, le plus souvent propice à un headbang bien senti. Diversifiée sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, la galette laisse également entrevoir un bel élan créatif de la part de ses concepteurs. Témoignant d'un réel potentiel technique et d'un joli filet de voix féminine, le combo devra cependant affiner en les fluidifiant ses lignes mélodiques pour espérer impacter plus largement le chaland, et s'éloigner quelque peu de ses modèles identificatoires pour affirmer son identité artistique propre. D'autre part, il lui faudra encore affûter son ingénierie du son et rendre bien plus accessibles les roboratives phases technicistes ayant émaillé certaines de leurs compositions.
Sans prétendre jouer les foudres de guerre, au regard de la qualité de ses arrangements instrumentaux et de la délicatesse de ses variations rythmiques, ce premier essai se révèle néanmoins apte à générer quelques émotions difficiles à endiguer, souvent requises par l'aficionado du genre. Aussi, selon votre humble serviteur, en dépit de ses irrégularités et relatifs bémols, le combo suisse détiendrait-là une belle carte à jouer pour s'imposer à terme parmi les sérieux espoirs du metal symphonique à chant féminin. Ne serait-on alors qu'aux balbutiements d'une histoire au long cours ? L'avenir seul nous le dira...
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