Lorsque l'envie d'amener son art à son apogée se manifeste, il en résulte un intense désir d'indépendance.
Luca Turilli, principal fondateur et compositeur du groupe
Rhapsody (of fire), éminent inventeur du Hollywood
Metal, possède cet intense désir de toujours repousser les limites de sa création. Après la scission du groupe des géniaux Italiens en deux entités :
Rhapsody of fire et
Luca Turilli's Rhapsody, les fans ne furent pas divisés pour autant. D'un côté,
Rhapsody of fire, avec son
Dark Wings Of Steel, orienta tous les regards vers la formation du guitariste qui, muni de son
Ascending to Infinity présenta une musique plus ambitieuse et colossale que jamais. Le roi Turilli régnait sur le
Power Symphonique, et toutes ses ouailles guettaient avidement l'horizon lors de l'annonce de
Prometheus. Il faut aussi préciser que l'événement se fit attendre. Annoncée en 2014, la sortie de l'album fut décalée d'une année entière, tandis que le guitariste promettait une musique ambitieuse, cinématographique, dramatique, épique et profonde. L'excitation était à son comble, jusqu'au jour fatidique où deux titres furent dévoilés...
"Rosenkreuz" et "
Prometheus" eurent l'incroyable pouvoir de faire disparaître toute curiosité et toute attente. En effet, les deux titres, bien qu'académiquement parfaits et sans anicroches, font preuve d'une platitude extrême et rarement entendue chez le génial Italien. Alessandro s'enferme dans des aigus lassants et redondants pour porter des refrains certes, très bien composés, mais bourrés de gimmicks façon Turilli. La rythmique est soporifique, la batterie enchaîne des breaks aussi passifs et convenus que dans
Dark Wings Of Steel, tandis que la guitare est quasiment absente, se contentant de battre avec mollesse la mesure.
Bien sûr, le travail accompli au niveau orchestral est déroutant de professionnalisme et la puissance et l'efficacité déferlent parfois dans nos oreilles, comme sur la fin du refrain de "
Prometheus", par exemple, où les arrangements prennent une ampleur rarement entendue. Mais, la plupart du temps, les symphonies se contentent d'amplifier les lignes de chants, comme pour cacher l'inspiration défectueuse sous des tonnes de cuivres, de choeurs et d'arrangements électroniques.
Ainsi, à la sortie de
Prometheus, en ce mois de juin, les fans se pincent les lèvres d'appréhension. Que nous reste-t-il à espérer du nouveau méfait du guitariste ? En principe, beaucoup de choses : Une coopération avec l'orchestre symphonique Cappelen Orchestra and Choir, comme au temps de Symphony Of Enchanted Lands 2. Des invités comme
Ralf Scheepers (
Primal Fear),
Dan Lucas (
Karo) et
David Readman (
Pink Cream 69), 7 mois de composition, 3 mois de production, 50 jours de mixage... Bref, des tonnes de promesses, mais dans les faits...
Dans l'ensemble, on a affaire à un
Power Symphonique façon Turilli extrêmement ambitieux, à l'espace sonore encore plus chargé que dans le précédent album. Mais il semblerait que l'ambition se soit faite au détriment de l'inspiration. Prenons comme exemple "
King Solomon
And The 72 Names Of
God". Le titre du morceau nous promet un intense voyage dans les contrées du Hollywood
Metal ambitieux, épique, percutant, intense et agressif, comme lors de l'âge d'or de
Rhapsody of
Fire. Pourtant, c'est un titre aux atmosphères orientales mille et une fois convenues : chant féminin suraigu, riff chirurgical, guitare sèche lointaine, chant mystérieux...
Bien sûr, dans les faits, nous sommes encore face à un Symphonique de haute volée, mais affreusement académique. Chaque chose est à sa place, ne se permettant aucun débordement, tant et si bien que l'on se demande si le mot "metal" a encore sa place. Comme au temps de "
Triumph Or
Agony".
Il en est de même pour le morceau d'ouverture "Il Cogno Nero". Le talent du guitariste pour composer des riffs d'une précision extrême semble avoir été définitivement rangé au placard, au profit de parties orchestrales d'un grand niveau d'exigence, mais portées par une guitare déprimante de neutralité. Même si, encore une fois, la magie peut saisir une partie des auditeurs, tant les lignes vocales peuvent être poignantes.
Pire encore, parfois, la musique peut se montrer plate, molle, mais aussi affreusement niaise. "Il Tempo Degli Dei", qui s'axe autour d'un travail orchestral et vocal en béton s'imposera comme le titre le plus dispensable jamais composé par la formation. La guitare se contente de vulgaires offensives, et le refrain est sucré à s'en détruire les dents. Les stratagèmes du guitariste pour sauver la misère à coups de tours de violons et d'imposantes chorales ne prennent plus sur un air aussi indigne de son talent (désespérant lorsque l'on se rappelle que le bonhomme est l'auteur d'un certain "
Reign Of Terror"...).
Que nous reste t-il à se mettre sous la dent ? Que le lecteur se rassure partiellement,
Prometheus se propose de nous livrer deux titres d'un niveau d'originalité astronomique : "One Ring To Rule
Them All" comptant les épopées de l'Univers de Tolkkien, et "
Yggdrasil", le célèbre arbre où s'est pendu le Dieu scandinave
Odin par curiosité sur la vie et la mort des mortels.
Le premier cerne avec maestria le côté sombre, enchanteur et poétique du monde du célèbre écrivain britannique. Après un "My precious..." murmuré par une étrange voix (oui, ça, on s'y attendait), une introduction magistrale suivie d'un chant enchanteur met nos sens en ébullition. Un pré-refrain purement vocal achève de nous renverser de notre chaise, tant le niveau technique est élevé, et tant on devine le travail en studio qui a dû être cauchemardesque. Le reste sera une succession plus que cohérente d'envolées orchestrales immersives à souhait, de ponts vocaux charmeurs et de solos qui rappellent le bon vieux temps...
Le second opte pour une introduction envoûtante aux violons qui se montrent enfin communicatifs et qui accomplissent un travail de symbiose parfait avec les guitares, belles et bien présentes cette fois. Les mélodies transportent la magie des anciennes oeuvres du guitariste, et l'auditeur retrouve enfin les frissons tant désirés, et toujours ces solos, dignes de "The
Frozen Tears Of Angels". On notera un refrain final qui nous évoquera "Clash Of The Titans" et qui posera la cerise sur le gâteau d'un titre de haute, très haute, volée.
On touche à la fin, mais nul doute que le lecteur trépigne d'impatience pour un petit aperçu du titre épique final : "Of Michael The
Archangel And Lucifer's Fall part 2 :
Codex Nemesis" (oui, c'est juste le titre). Continuité logique du titre final de l'album précédent (vous m'épargnerez la peine de l'écrire, c'est le même), le morceau nous propose 18 minutes de pur bonheur. Sans surpasser ou être surpassé par son prédécesseur, il en est la parfaite suite. Reprenant la même recette, sans sombrer une seconde dans la facilité, il nous balade par divers changements de rythmes et d'atmosphères. Inutile de dire que ce serait pure hérésie que de tenter de décrire pareille pièce d'orfèvre. L'auditeur aura au moins le soulagement de constater que le génial guitariste a gardé son talent pour composer des morceaux aussi longs que prenants.
Ma besogne touche à sa fin. Concrètement, que penser de ce
Prometheus ? Dans l'ensemble,
Luca Turilli est un homme voyant toujours plus loin que ses limites. Il y a dans sa musique une furieuse ambition, une irrépressible envie de transcender son art. Malheureusement, ce ne sera pas pour cette fois. Même si tous les moyens et les efforts consentis ont été mis au service de l'album, l'ambition et la détermination ne peuvent, à elles seules, nous satisfaire. Trop académique, bourré de gimmicks, et faisant parfois abstraction du metal au profit d'une grandiloquence à la grandeur rarement atteinte, l'album peut décevoir comme il peut subjuguer, à l'image de "
Triumph Or
Agony". Ce n'est pas pour autant que l'avenir de
Luca Turilli's Rhapsody est en péril, car
Prometheus n'est autre qu'un détour sur un parcours semé d'embûches. Egarement ou raccourcis, ça, l'avenir nous le dira...
Ha je n'avais pas la prétention de changer ton barème je pense qu'il a été murement réfléchi, et oui un concept intéressant peut donner un résultat chiant, (Je connais très bien ce livre je l'ai lu dans le cadre de mes études et j'ai découvert qu'il y avait quelque chose entre l'ennui et la mort^^) j’exprimais juste l'idée que si cet album est de certains points de vue inférieur à ce que Turilli à fait par le passé il est aussi d’une grande compléxité a tout points de vue et que c'était ce qui me fascinait dans cet album.^^
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire