Quel est le rapport entre le Moyen-Âge, le
Hard Rock et un arbuste aux vertus médicinales ? La réponse est
Wytch Hazel, groupe anglais dont le nom signifie hamamélis (ou noisetier des sorcières), et dont le fondateur se plaît à penser que si la NWOBHM était apparue il y a 600 ans, il aurait été la formation préférée des headbangers de l'époque des Plantagenêt. On commence mal, j'aime pas les Plantagenêt, dynastie anglaise (d'origine angevine, les traîtres) qui nous a déclaré la guerre de 100 ans. Enfin bon, soyons cléments : ils sont britiches, nobody's perfect.
On a quelques raisons d'être indulgent. Ceux qui auront la curiosité de se pencher sur ce premier album à la pochette d'une sobriété à la limite de l'indigence vont découvrir une musique à l’exceptionnelle fraîcheur, forte d'une attachante personnalité. S'il n'est pas exempt de défauts, le bien nommé «
Prelude » augure une intéressante progression de ces petits jeunes surdoués (là, je triche, je connais leur 2e opus).
Colin Hendra, fondateur et compositeur du groupe, est à la fois un amateur éclairé de musique médiévale et de la
Renaissance, fan de Rock-Folk Prog à la Jethro Tull et fondu de NWOBM. Pour ceux qu’effrayerait les deux premières influences, disons d'emblée que la 3e les discipline dans un Folk-
Hard où ne s'expriment que les instruments classiques du
Metal, guitare, basse et batterie. Et si la première inspire à Colin des explications auxquelles ne comprend rien l'analphabète en solfège que je suis (encore moins en anglais), rassurez-vous, ça sonne très bien à l'oreille. Ah oui, j'oubliais, Colin Hendra se revendique chrétien : sans affilier son groupe au « White
Metal » (y officient protestants, catholiques et athées), sa foi n'est pas sans influence sur son songwriting.
Quand Bad
Omen Records signe Witch Hazel, le groupe a 5 ans d’existence, deux splits et un EP à son actif. Le matériau enregistré sur «
Prelude » est déjà ancien et en partie publié. La formation a eu le temps de tourner et de faire modestement connaître une musique évoquant un mix entre
Thin Lizzy et
Ashbury, emportée par la voix chaleureuse et enthousiaste du guitariste-chanteur-fondateur-compositeur Colin Hendra. Une voix qui est vraiment un atout en or et que les conseils avisés du producteur Ed Turner ont permis d'épurer et.de rendre plus percutante.
Si l'album est très plaisant, il n'est pas exempt de faiblesses ; commençons donc pas celles-ci.
Première faute de goût, le titre éponyme du disque est un instrumental. Joli au demeurant, introduit acoustiquement sur le lourd rythme d'une pavane du XVIe siècle. L'électricité s'en mêle et accélère la cadence, mais nulle prouesse technique, aucune inspiration marquante n'en fait le phare qu'un titre éponyme se doit d'être pour un album.
Une bonne partie du disque se complaît dans un mid-tempo un peu trop sage, pour ne pas dire paresseux... Ça commence dès le 2e titre,
Fight, dont les belles mélodies manquent un peu de peps, pour s'amplifier par la suite : l'emphase un peu mollassonne de Mighty
King gâche un peu la mayonnaise et si le suivant,
More than Conquerors, récupère un peu de tension dans la rythmique, son refrain pâlichon ne convainc pas. We Shall Reign cumule les deux défauts précédents, avec en plus un break alangui qui achève de casser le rythme : il est vrai que c'est pour être secoué juste après par un pont lourdement scandé qui introduit un des plus beau soli de l'album, très réussi dans son esprit folk.
Dès lors, le placement de la ballade presque entièrement acoustique Psalm, en plein milieu de ce relâchement de la cadence, n'est pas des plus judicieux. C'est fort dommage car ce joli titre Folk-Rock (voire Folk tout court) au solo enjôleur et empreint de délicatesse et de retenue se retrouve au creux de la vague et achève de faire tomber le soufflé. Paradoxalement, c'est la seconde ballade,
Dark Ages, qui réveille l'auditeur : plus électrifiée, des lignes vocales tendues et un tempo plus marqué nous font retrouver l'intensité perdue.
Place au meilleur, à présent. On a évoqué les influences les plus prégnantes, Lizzy et
Ashbury ; on a souligné la voix formidablement attachante de Hendra, officiant surtout dans le milieu de gamme mais capable de soutenir des notes élevées (
Freedom Battle). Sans faire d'étincelles particulières, la section rythmique du bassiste Neil Corkery et de la batterie de
Jack Spencer (aveugle et multi-instrumentiste) remplissent au mieux leur office. Les parties de guitare menées par Colin Hendra et Matt Gatley sortent sans conteste du lot. Que ce soit en riffing ou en soli, plus qu'une virtuosité démonstrative, c'est leur complicité constante et leur à-propos invariable qui viennent rehausser jusqu'aux titres les plus faibles.
On peut souligner aussi les intros toujours très réussies et des mélodies prenantes, souvent d'inspiration Folk mais généralement bien innervées de
Hard Rock. Après, les parties Folk sont-elles judicieusement dosées, cela ressortit plus du goût de chacun : pour ma part, je n'ai rien à y redire. Enfin,
Wytch Hazel parvient à concilier souffle épique et enthousiaste gaîté, qui se mue en sérénité sur les titres plus intimistes comme Psalm.
L'opener
Freedom Battle inaugure en fanfare ces brillants atouts. Plein d'allant, excellent dosage entre thèmes folk et riffs solides, refrain enflammé, bon break en notes piquées, bon solo, ambiance ardente : que du bon. On regrettera peut-être des paroles un peu simplistes, qui s’accommodent plus facilement de la grandiloquence manowarienne que de la finesse de
Wytch Hazel, mais là c'est vraiment pour chipoter.
Les deux derniers titres sont des musts, absolument imparables. L'éponyme
Wytch Hazel nous emporte avec son riff saccadé et son refrain exalté, dont on reprendra les « oh oh oh » triomphaux ; on appréciera le bref break acoustique servant d'introduction à un long solo lizzien à deux guitares.
Et puisqu'on parle de Lizzy, l'album se termine de façon fracassante sur un We
Will Be Strong juste parfait, qui n'est pas sans présenter un certain cousinage avec, excusez du peu, un
Emerald. Sur le martellement d'une batterie guerrière, une guitare nerveuse entonne le thème récurrent du titre, très irish spirit ; la mélodie est entraînante et sans faiblesse, les twin guitars du solo sont somptueuses et pleines de prestance épique. Emblématique, le morceau emporte une pleine adhésion.
S'il n'est pas le parfait coup de maître, «
Prelude » est un coup d'essai hautement prometteur. Son Folk-
Hard très personnel regorge de positivité ; son sens de l'épopée fraîche et joyeuse tranche vigoureusement dans un style où l'on cultive plutôt le tragique et l'agressivité. La bande à Colin Hendra porte en pleine lumière un style novateur et original : on en conviendra, ce n'est pas si facile ni fréquent dans le
Hard Rock contemporain.
Quel bonheur d'avoir découvert ce groupe en ta compagnie sous le cagnard de Toreilles !!!.. vraiment une bonnes trouvaille !
Merci pour la chro JL! Je vois - sans jeu de mot - que tu avais déjà mentionné en 2019 que Jack Spencer était aveugle. Je viens de l'apprendre pour ma part. Y'a t'il à ta connaissance d'autres exemples de musiciens aveugles dans la sphère métal?
Tiens, quelle surprise. Des musiciens aveugles, hein? Dans le Metal, j'en connais beaucoup de sourds (c'est tout ceux que j'aime pas, ah ah!), mais des aveugles, non. Gilbert Montagné, Stevie Wonder, mais on est assez loin du Metal, là.
Celà dit, Jack Spencer ne fait plus partie du groupe. Et j'ai été assez déçu de la dernière sortie de Wytch Hazel, "IV-Sacrament", qui tourne en rond sans apporter rien de neuf et ne sort pas de titre vraiment marquant. Et avec une batterie passable, d'ailleurs. J'en reste au 3, pour l'instant.
Cela ne t'étonnera pas, j'adore le nouvel album :-)
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