Pour nous empoisonner l'existence en cet an de disgrâce 2020,
Lucifer a choisi de s'incarner en un vicieux petit bout d'ARN. Les traditions se perdent, et c'était mieux avant : quitte à brûler en enfer, mourir sans sacrement dans un lit de réa m’apparaît beaucoup moins glamour que de céder à la tentation face à quelque succube de la plus capiteuse espèce. Accueillons donc sans réserve le retour des chevaliers du Christ aux blanches tuniques, armés d'intentions fort résolues à l'encontre du Malin.
La bande à Colin Hendra nous revient avec un album tout entier voué à l'exécration de l'Ultime Ennemi, accentuant sans ambiguïté son affiliation déjà transparente au White
Metal.
Satan n'a qu'à bien se tenir, on n'aura finalement pas besoin de vaccin. Bon, je me moque, c'est facile et c'est pas bien, en plus d'être très stupide : je vous l'affirme sans détour, si les preux moines guerriers de l'hamamélis interprétaient les cantiques de l'église près de chez moi, c'est tous les jours que l’indécrottable athée que je suis irait à la messe.
Wytch Hazel nous avait régalé avec ses deux premiers albums : l'aguichant «
Prelude » empli de promesses que venait plus qu'exaucer un captivant « II : Sojourn » à la maturité bien affirmée. Avec ce « III : Pentecost », on hésite à parler de progression exponentielle, mais la pente de la courbe est tout de même bien raide. La perfection n'est pas de ce monde, soit, mais il va me falloir développer des trésors de jésuitisme et de mauvaise foi pour lui trouver des défauts. Complètement sous le charme, je ne suis pas sûr d'y arriver.
La jaquette est digne de l'album, superbe d'élégante sobriété. En léger contre-jour devant une végétation brûlée par le soleil estival, cette pierre tombale érodée accolée à une épée plantée en terre en guise de croix est sans doute en harmonie avec l'idiosyncrasie de Colin Hendra : la vie est un combat et la mort n'est qu'un passage, plus porteur d'espérance que d'angoisse. Mais derrière cette sereine pochette, c'est bien la vie qui bouillonne, heurtée, foisonnante et victorieuse.
Pour ceux qui prennent le train en marche,
Wytch Hazel est un groupe anglais de Lancaster qui bat les planches depuis 2011 pour le plus grand bonheur des spectateurs qui les ont croisés. Ils pratiquent un
Hard Rock chaleureux et guerrier, classieux et enthousiaste, puisant son inspiration dans un très large spectre, disons de la musique de la
Renaissance à Iron Maiden en passant par
Wishbone Ash,
Thin Lizzy et
Ashbury. Avec ce 3e album, on a quelques scrupules à encore invoquer des influences, car ce que fait ici
Wytch Hazel, c'est désormais une bonne fois pour toutes du
Wytch Hazel. Le dosage est différent, un peu moins Folk, un peu plus Heavy, mais fermement ancré dans la finesse et la musicalité qui sont propres au
Hard Rock des 70'. Surtout, « III :Pentecost » offre à
Wytch Hazel un ticket gagnant pour accéder au
Valhalla du
Metal.
Contrairement aux albums précédents, on ne discerne aucun titre en retrait dans les 10 morceaux égrenés par « III : Pentecost ». J'avais émis des réserves sur les instrumentaux des deux premiers albums, pas assez marquants pour prétendre se passer de la voix chaude et riche de frère Colin. Ici, la langoureuse quiétude de Sonata passe crème, avec son violoncelle et ses claviers qui cèdent progressivement la place à une guitare d'abord acoustique puis électrifiée lorsque intervient la batterie ; la progression est convaincante et la brièveté du titre (3') entretient l'émotion.
Les ballades étaient un autre point de faiblesse de
Wytch Hazel ; quand elles étaient réussies, c'était en recourant aux artifices un peu facile de l'acoustique et du Folk Rock (Barrow Hill de «
II:Sojourn »). Je n'ai guère qu'une légère critique à apporter à
Reap the Harvest, ce sont les quelques secondes d'intro où le violoncelle reprend le thème éculé de la Marche Funèbre de Chopin. Par bonheur, il est vite remplacé par un piano nostalgique, lui-même effacé par de puissants power chords. Alors là, oui, on a une véritable power ballad
Metal, convaincante et débordant d'intensité. Plein de gravité et de fragilité, le break vocal chanté presque a capela par Colin est poignant : « Death is coming, I will not be afraid », tu parles qu'il a comme tout le monde les chocottes, mais avec humilité, il sait le faire transparaître derrière la résolution du propos.
The Crown est quant à elle plus classique, toute de douceur et de sérénité.
Pour le reste, si «
II:Sojourn » offrait déjà un matériau exceptionnel, celui de « III : Pentecost » vient à le surpasser avec aisance. On retrouve le même entrain, la même agressivité joyeuse portée par des musiciens de grande classe, les riches mélodies qui s'impriment immédiatement dans la tête, rehaussées de breaks flamboyant d'efficacité, les refrains qui ne demandent qu'à se laisser entonner. Tout cela est pourtant magnifié par la qualité qui caractérise le mieux ce 3e album : une omniprésente harmonie bien captée par la production d'Ed Turner aux studios Stationhouse de Leeds.
Parfaite harmonie entre des musiciens impressionnants de cohésion : tout est dosé pile poil et personne ne prend une place indue. La section rythmique est impeccable, entre le jeu puissant et vif de
Jack Spencer, le batteur aveugle, et celui, plus discret, d'Andrew Shackleton (tiens, ils ont encore changé de bassiste). La voix de Hendra est plus solide et attachante que jamais, convaincue à la limite de la possession et maîtrisant superbement ses poussées dans les aiguës.
Suprême harmonie dans le jeu de guitare d'Alex Haslam et Colin Hendra qui s'épaulent dans une parfaite complémentarité. Presque oublié, le jeu classique du duel, d'ailleurs il y a peu de véritables soli (
Spirit and
Fire), le lead est plus dans l'enjolivure. Que ce soit dans le riff sec et tendu, dans les fins arpèges ou dans le traitement des passages mélodiques, les deux six-cordistes restent dans un fructueux esprit de collaboration. Quant à eux, les claviers bien dosés jouent un rôle majeur dans l'établissement des ambiances et des émotions, tour à tour orgue d'église, piano ou prenant des tonalités de Hammond.
Un même sens de l'harmonie frappe aussi dans l'agencement des morceaux. Mettre un titre en exergue est mission impossible, ici c'est comme dans le cochon, tout est bon. On appréciera l'ardente vivacité de He is the
Fight, la solennité de
Spirit and
Fire, l'exultation défiante de I Am Redeemed. ; l'inquiétant mid tempo de
Dry bones secoué par les hurlements de Hendra, la suave profondeur d'un
Archangel aux scintillantes facettes et débordant d'énergie positive ; la glorieuse confiance d'
Ancient of Days introduit par Deidre Trueman déclamant le livre de l'
Apocalypse. Tout l'album déborde d'un épique optimisme qui réchauffe le cœur.
Cette année bien morose aura donc été illuminée d'un vif rayon de soleil, la divine surprise de « III : Pentecost » où Hendra et ses acolytes sont transcendés par la grâce : tels, justement, les apôtres touchés par l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte. Je voyais le paradis chrétien comme un endroit bien ennuyeux, mais si c'est ça, la musique des sphères et le chœur des anges, je vais peut-être devoir réviser mon opinion.
@Phiphi : Mort de rire ! Après, je blague sur le contenu chrétien de la livraison, mais c'est juste pour déconner. J'ai vraiment le plus grand respect pour cette formation à la personnalité affirmée.
Je suis moi-même plus athée qu'une tasse et grand bouffeur de curés devant l'Éternel (ainsi de leurs homologues des marques concurrentes), mais il est vrai que je reconnais à ces jeunes gens une sincérité et une authenticité assez touchantes en fin de compte. Peut-être même vais-je faire passer leur CD sur le dessus de la pile dimanche prochain, ça me fera toujours une excuse pour sécher la messe.
Je confirme superbe album. Il se dégage quelque chose de mystique et d'apaisant je trouve
J'avais lu et vu 1 chronique sur YT particulièrement excellente sur Sacrement IV, mais la curiosité m' a poussé à lire sur SOM celle--ci.
Fort bien redigée et décrivant habilement le style 70's finement ciselé du groupe, j ai donc acheté le 33T.
Si les influences sont remarquables, elles sont pleinement digérées et saupoudrées dans les morceaux sans que l on se dise tient mais c est tel solo de.... ou tel passage dans....
L'harmonie y est permanente et les morceaux prenant.
Wytch Hazel delivre ici 1 fort bel album.
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