Les Finlandais de
Shade Empire ont toujours eu un gros penchant pour le sympho, que ce soit dès le début de leur carrière avec le terrible "
Sinthetic", bombe cosmique de black electro sympho boostée aux stéroïdes, ou avec le magnifique et récent "
Omega Arcane" qui aura marqué le monde du black/death symphonique au fer rouge. Sorti en 2013, il fait sans doute partie des meilleurs opus de cette décennie, dégageant autant de beauté, d'émotion, et d'atmosphères dramatiques que de brutalité et d'intensité. Nul besoin d'affirmer que son successeur se sera fait attendre. Et pourtant, ce dernier est arrivé rapidement, sans véritable promotion baveuse ni insoutenable effet d'attente. C'est donc avec une certaine appréhension que nous accueillons cette année ce "
Poetry of the Ill-Minded". Appréhension, oui, car après une tuerie telle qu'"
Omega Arcane", nous nous attendons logiquement à une suite digne de ce nom. En plus de cela, le chanteur Juha Harju (
Chaosweaver,
Ajattara...) s'est sauvé pour laisser la place à un certain Henry Hämäläinen.
Dès le début de "Lecter (Welcome)", on sent que les choses se passent très différemment. Le son est tout d'abord plus épuré et moins imposant. Ensuite, on est tranquillement mené par une introduction qui s'éternise. Alors oui,
Shade Empire a souvent pris son temps, mais il dépasse un peu les bornes cette fois-ci puisqu'il lui faut quasiment trois minutes pour décoller. L'atmosphère est mélancolique et se dote de plans symphoniques qui rappelleraient presque certains morceaux de "
Sinthetic". Les guitares tentent de nous séduire en décochant mélodies et agressivité, guidées par une batterie en forme. Mais la suite s'annonce plus nébuleuse : le refrain se dote de la même ambiance que l'intro, accompagné d'un chant clair au timbre immature. Harju savait être émotif et catchy mais le petit nouveau semble ici ne pas être à son aise...
Shade Empire prend une direction très particulière et favorise les rythmes mid tempo aux relents romantiques. On ne retrouve guère la rage qui faisait partie intégrante des opus précédents. Et s'il essaie de récupérer le lyrisme et le dramatisme d'un "
Omega Arcane", difficile de retrouver cette force et ce sens de la mélodie qui nous prenaient aux tripes à chaque piste. Ici, c'est bien composé et les symphonies sont très belles, mais on manque de dynamisme et de liant, comme si les morceaux s'enchaînaient sans but précis. On passe de l'un à l'autre sans grands rebondissements, sans coups de théâtre qui nous feraient bondir de notre siège. Les nostalgiques de "
Sinthetic" ou les adorateurs d"
Omega Arcane" savent exactement de quoi je parle.
Il faudra alors se contenter d'influences
In Flames sur le melodeath de "The Wanderer" ou de relents
Dimmu Borgir de "Drawn to Water", qui s'essouffle très rapidement, et oublier le manque d'énergie des plans orchestraux. On se retrouvera aussi avec quelques expérimentations, comme l'entrée en scène d'une trompette proposant des plans jazzy un peu délirants parfois inappropriés comme sur "The Wanderer" ou "Thy Scent". On avait déjà vu ce genre d'incursions chez
Behemoth, ou pour rester dans le sujet chez les Hongrois de
Sear Bliss, mais ces trompettes étaient introduites de façon cohérente. Ici, c'est un peu le bazar ...
Difficile de trouver une piste sortant du lot, à part le magnifique "
Anti-Life Saviour" présenté comme un single il y a un petit moment maintenant. Long de dix minutes, il se développe avec brio et nous offre d'incroyables moments de beauté. Basé sur le discours du Diable dans le Paradis Perdu de Milton, on retrouve cette alternance entre douceur/agressivité, atmosphères éthérées et lourdeurs. Si bien que l'ensemble aurait très bien pu figurer sur "
Omega Arcane", comme s'il s'agissait d'une piste non choisie. S'il fallait retenir une chanson, ce serait bien celle-ci.
Pas besoin de tourner autour du pot, ce "
Poetry of the Ill-Minded" est loin de surpasser "
Omega Arcane". Ce n'est pas cette année que nous aurons une autre pépite de black/death sympho de la part de
Shade Empire. On dirait que les Finlandais se sont mis la pression après les critiques dithyrambiques de leur précédent effort. Ils ont particulièrement soigné l'aspect épuré et romantique des parties orchestrales mais ont oublié l'émotion, la vélocité du rythme, et le tranchant de leurs guitares. Ce type de black atmo pourrait ravir les amateurs du genre. Mais pour les habitués du groupe, c'en est...décevant. Sommes-nous trop exigeants ou est-ce vraiment une baisse de régime de notre sextet finlandais...?
Je chroniquerai juste pour le plaisir, à l'occasion, c'est ce que je ferai. Malheureusement je n'ai pas d'autres choix que de remettre l'opus dans son contexte, autant en ce qui concerne le style en général que le reste de la discographie...
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