De l'eau a coulé sous les ponts depuis les premiers pas du quartet italien. On se rappellera de leur tâtonnant mais néanmoins envoûtant opus «
The World Within » réalisé en 2009, soit deux ans tout juste suite à la création du combo milanais. Aussi, nous reviennent-ils en 2011, plus déterminés que jamais à en découdre avec la féroce concurrence agitant le metal gothique progressif à chant féminin. Et ce, à l'aune d'un second album full length répondant au nom de «
Pleasures and Fear » ; plantureuse offrande d'une durée de 51 minutes sortie, cette fois, chez Unexploded Records. Esr-ce à dire que le groupe trans-alpin aurait désormais changé son fusil d'épaule ?
Si l'on se réfère au line up, il n'aura pas changé d'un iota. En revanche, quelques mutations d'un point de vue logistique se sont opérées, affectant à la fois le style et la qualité de la production d'ensemble. Ainsi, à la barre, on retrouve : Emiliano Sicilia à la guitare, à la programmation, aux growls et aux screams (et non plus simplement aux choeurs) ; Enrico Cassano à la basse et aux choeurs, et aujourd'hui à l'ingénierie du son (Stam Studios Milano) ; Fulvio Torresani à la batterie, aux percussions, et depuis peu aux claviers, à la programmation et, lui aussi, à l'ingénierie du son (
Tower Studios) ; sans oublier la frontwoman Pamela Manzo, dont le sensuel grain de voix rappellera celui d'Harry Hägglund (
Passionworks). On comprend alors que nos acolytes ont inséré une touche dark plus lisible à leur propos rock'n'metal gothique progressif originel, les rapprochant alors de
Draconian ou de
Tristania quant à l'atmosphère sombre, voire gorgonesque, qui s'en dégage. Sans omettre une touche doom dans la lignée de
The Flaw et
One Without ou encore l'empreinte atmosphérique gothique d'
Autumn (seconde mouture), toutefois plus présentes sur leur précédente offrande.
Par ailleurs, le collectif rital a pu compter sur les talents du claviériste Alessandro Brambilla (en remplacement de Danilo Di Lorenzo (
Dama)) et du programmeur Stefano Cerrato, en qualité de musiciens additionnels. Cette étroite collaboration contribue à conférer une instrumentation samplée luxuriante et mieux maîtrisée qu'elle ne le fut naguère. De plus, le message musical bénéficie d'un enregistrement plus seyant, d'un mixage plus équilibré entre lignes de chant et instrumentation et les enchaînements s'avèrent moins flottants aujourd'hui qu'hier. Une minutieuse mise au point technique que l'on doit à l'expert doigté d'Ettore Rigotti, réalisée au The
Metal House, à Turin, en Italie. En guise de trait d'union avec son passé, le groupe a à nouveau fait appel à la large palette du graphiste Marco Hasmann, ce dernier nous octroyant une subtile jaquette d'obédience fantastique tout de bleu vêtue. C'est dire que le groupe a élevé d'un cran le niveau de ses prérogatives, qu'il a souhaité faire évoluer son art, sans pour autant tourner le dos à son passé. Avec quelques surprises à la clé... Mais, allons plutôt explorer la cale du navire, en quête d'éventuels trésors...
Dès les premières mesures de la laconique et rugissante entame «
Pleasures and Fear », on pressent que le voyage va s'effectuer sur des charbons ardents, ce que ne laissait présager l'introductif effort. Impression confirmée par « Until I
Die », « The Way You Are » et « Made of Steel », trois sanglants et captateurs up tempi aux riffs roulants dans la droite lignée de
Draconian, où les claires patines de la belle font écho aux screams déchirants de son comparse. Dans cette énergie, on n'éludera pas davantage les tubesques «
Never Lose Myself » et «
My Bitter End », orgasmiques coulées de lave aux efficaces refrains, qu'on ne quittera qu'à regret. Au final, pas une seule seconde pour nous remettre de nos émotions sur cette salve d'ogives dont nul n'aurait subodoré l'existence il y a encore quelques mois.
Pas de doute, on est bel et bien entré dans une nouvelle ère...
Lorsqu'il ralentit un tantinet le rythme de ses frappes, le collectif italien parvient à nous retenir plus que de raison, nous faisant par là-même renouer avec un pan de son passé. Ainsi, on ne pourra se soustraire au galvanisant « Dispositions », mid/up tempo gothique aux relents doom à mi-chemin entre
The Flaw et
One Without. En outre, un jubilatoire picking à la lead guitare infiltre une piste tortueuse, néanmoins dotée de refrains immersifs à souhait, habilement négociés par le duo mixte en voix de contrastes.
Quand le combo touche aux longues plages progressives, il surprend par sa faculté à varier ses jeux rythmiques, ses atmosphères et surtout ses effets. Ce que laisse transparaître la fresque « From a Darkened Sky » aux faux airs de
Tristania. Et ce, même si l'on tendrait à se perdre au beau milieu d'un fourmillement instrumental dévolu à une complexe technicité. Dans cette tourmente, on appréciera aussi bien le fin legato à la basse que les stupéfiantes montées en puissance de la rythmique ; tout comme le flamboyant solo de guitare à mi-morceau ou encore les breaks suivis de saisissantes reprises sur un engageant refrain. Bref, un secteur inédit et qui sied à merveille à nos quatre mousquetaires.
Dans le périlleux exercice de reprise de tubes, nos acolytes parviennent non moins à tirer leur épingle du jeu. Aussi l'entraînant «
Frozen » de Madonna prend-il un tout autre visage. En effet, d'inspiration dark gothique, ce méfait nous mène en de chaotiques contrées ayant pour corollaire de visqueuses tourbes, dans une atmosphère crépusculaire, soit, à mille lieues de la version pop fm de la chanteuse italo-américaine. En outre, l'ensemble jouit d'arrangements instrumentaux de fort bon aloi, d'insoupçonnés et opportuns changements de tonalité, parallèlement à un sculptural échange entre interprètes. Une démonstration de la faculté du groupe à transfigurer la version originale d'un hit, lui conférant ainsi une singulière et non moins seyante alternative.
Force est d'observer que la troupe a fait évoluer son projet prog dans une direction dark encore inédite mais parfaitement sous contrôle, apte à autoriser un élargissement de son auditorat. Débordant d'une énergie dévorante, cette galette jouit à la fois d'une ingénierie du son affinée et de la féconde inspiration de leurs auteurs ; ce que laissent entrevoir les rigoureuses et sémillantes séries d'accords dont peuvent se prévaloir les 8 pistes du généreux opus. On aurait peut-être souhaité une palette plus étoffée des possibles, l'absence d'instrumentaux et de ballades se faisant cruellement sentir. Mais rien qui ne soit de nature à altérer le plaisir procuré par ce tourbillon de saveurs exquises. Bref, une œuvre frondeuse et racée, à effeuiller et assimiler, avant sa définitive adoption...
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