Aujourd'hui totalement tombés dans une inexplicable oubli duquel, sans doute, jamais plus il ne s'extrairont, les allemands d'
Heavens Gate n'auront en aucune circonstances su conquérir (exception faites du Japon et de l'Allemagne), au fil des années et des œuvres, un public fidèle adepte de sa musique pourtant remarquable. L'injustice est d'autant plus criante et indu que le travail de ce groupe aura toujours été de qualité. Preuve en est ce
Planet E. qui, à l'aube de cette année 1996, démarre un nouveau cycle dans son cursus artistique. Bien décidé à ne pas se laisser cloitrer dans un univers musical étroit, Thomas Rettke et ses acolytes vont quelques peu délaisser leurs influences les plus évidentes (
Helloween,
Judas Priest, Iron maiden...) afin de nous proposer une musique en totale rupture avec les codes étriqués d'un Heavy
Metal, Heavy Speed
Metal traditionnelle. Enfin en totale rupture, pas tout à fait.
Heavens Gate garde, en effet, une essence Heavy, Speed et
Metal très prononcé à laquelle il rajoute quelques desseins clairement plus entreprenant. De telles sortes que si un admirable terminated world possède une trame nerveuse dans la construction de ces couplets; ces refrains très Rock et son court break chorale sont en opposition avec cette énergie inhérente aux musiques Heavy. De même qu'un remarquable planet earth au préambule incantatoire, aux superbes refrains aux allures de suppliques et aux magnifiques violons contrastant avec l'agressivité de ces couplets vient bousculer nos convictions. Ou qu'un excellent black religion dont les passages arabisant et les chœurs adoucissent la virulence d'un titre exalté. C'est dans l'expression de l'ensemble de ces contrastes que ce
Planet E. affirme certaines de ces qualités admirables. Mais c'est aussi dans la difficulté à saisir ces oppositions que l'œuvre aura eu du mal à séduire les adeptes les plus conservateurs du groupe.
Et puis il y aussi ces morceaux dont l'audacieuse ambition, clairement affichée, nous offre de délicieux titres dont chaque instant est un enchantement. Ainsi noah's dream au prélude a cappella, alternant ensuite des passages rapides à des parties plus posées, des breaks acoustiques, au chorus d'inspiration que n'aurait pas renié Queen ou au groove redoutable à des plans véloces, pour finalement s'éteindre soudainement au bout d'un temps passé trop vite.
The children play est la ballade de l'album et elle constitue, sans aucun doute, l'un des plus beaux exercice du genre qu'auront écrit ces musiciens. Un titre tout simplement émouvant.
L'impression générale qui se dégage de cette œuvre s'inscrit clairement dans une volonté encline à adoucir un propos simplement énergique.
Heavens Gate tente de s'essayer à l'art du contraste et le moins que l'on puisses dire est que ces musiciens réussissent, une fois encore, à nous convaincre. Tout ici est fait de disparité confrontant une séduisante douceur à une force plus brute. Même les chants de Thomas Rettke, autrefois toujours aigus et écorchés, s'évertuent ici à être, parfois, plus sensuelle et légèrement plus claire.
S'il fallait encore une preuve supplémentaire attestant ce désir de mêler délicatesse et vigueur, le choix des reprises que le groupe aura décidé d'inclure dans ce
Planet E. en est assurément une. Reprendre, en effet, This Town ain't Big Enough for
Both of Us des Sparks (Kimono My House (1974)) et Animal de Dalbello (Whomanfoursays (1984)), deux morceaux très loin des sphères
Metal, n'est pas anodin.
Il y a également le choix des thèmes abordées. Clairement ceux-ci sont plus concernés, plus adultes, moins propices à l'amusement. On sent une maturité dans ces écrits dont certains résonnent comme un appel au secours (planet earth., the children play, black religion...).
Heavens Gate affine donc son orientation musicale en délaissant son Heavy
Metal, Heavy Speed
Metal au profit d'un Heavy moins systématiquement traditionnel alliant son énergie à celle d'éléments mélodiques divers, tantôt Rock, tantôt
Hard Rock, tantôt même emprunté à d'autres formes musicales (Pop, Musique du Monde, musique Tzigane...). Le résultat est nécessairement déconcertant pour tous ceux qui ne parviendront pas à ouvrir leurs esprits et qui resteront partisans de ce que fit autrefois ces allemands. Toutefois, quoiqu'en pensent les puristes têtus adeptes de l’éternel conformisme, ce
Planet E. est un album riche, variée, incroyablement nuancée. Un album extraordinaire, en somme.
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