Mus par un élan d'inspiration renouvelée, les
Pirates du vaisseau franco-italo-autrichien reviennent hanter les mers quelque deux années suite à un enthousiasmant album studio, «
Pirates », qu'ils déclinèrent en une élégante version orchestrale, «
A Pirate's Symphony », en 2023. Dans une même dynamique, et pour faire suite aux captivantes aventures musicales de «
Pirates », nos cinq belligérants nous gratifieront d'un effort de même acabit, deux ans plus tard, répondant au nom de «
Pirates II -
Armada », signé, tout comme ses aînés, chez le puissant label autrichien
Napalm Records. Ce faisant, les 12 pistes que compte ce second chapitre de la saga ''
Pirates'' constituent-elles un arsenal suffisamment dissuasif pour espérer voir l'imposante caravelle naviguer sereinement dans un océan metal symphonique où nombre d'opposants parmi leurs pairs sévissent encore ? Ayant ancré leur projet dans une ère nouvelle à l'instar du précédent effort, parés de ce nouvel élan, nos cinq flibustiers iraient-ils jusqu'à nous octroyer quelque inédite sonorité, histoire de nous bousculer un peu plus encore dans nos certitudes ?
A bord de l'imposant navire nous accueille l'équipage de la précédente traversée dans sa totalité, à savoir : Clémentine Delauney (
Exit Eden, ex-
Whyzdom, ex-
Serenity...), chanteuse aux cristallines inflexions, suivie du puissant vocaliste et claviériste Michele Guaitoli (
Temperance,
Overtures, ex-
Kaledon...), du fin guitariste Christian Douscha, de l'expérimenté bassiste Herbert Glos (
Dragony), sans oublier l'inamovible Thomas Caser derrière les fûts. De cette étroite collaboration naît une œuvre metal mélodico-symphonique à chant mixte à la fois bouillonnante, solaire, épique, un brin romantique, techniquement aussi élaborée que sa devancière, laissant entrevoir un paysage de notes aussi singulier qu'enivrant, doublé, là encore, d'une grisante touche celtique. Sans doute le parterre d'invités requis pour l'occasion n'est-il pas étranger à cet état de fait, lorsqu'on sait que se trouvent embarqués : Lukas Knoebl (
Illuminata, Aeonata, guest chez
Xandria,
Dragony,
Serenity...) et Simon Edward Willis (feu-Cult Of
Apophis) aux orchestrations ; Felix Piccu, dit ''Felix Heldt'' (producteur et vocaliste de Dominum) à la guitare acoustique et aux orchestrations ; Sandro Friedrich (guest chez
Beyond The Black,
Exit Eden,
Sabaton) à la flûte, au duduk et à la cornemuse ; Robert Kovačič (Evnar, ex-Black Diamond, ex-
Obduktion...) aux percussions tribales. Excusez du peu !
Ce set de composition se voit, à son tour, mis en valeur par une mise en musique des plus exigeantes. Produites et enregistrées, elles également, par Felix Heldt, les 53 minutes de l'opus ne concèdent pas l'ombre d'une sonorité parasite tout en nous octroyant une saisissante profondeur de champ acoustique. Par ailleurs, mixage et mastering ont, là encore, été laissés aux soins de Jacob Hansen, producteur, ingénieur et pluri-instrumentiste danois, connu pour avoir été sollicité par
Epica,
Avantasia,
Evergrey,
Imperia,
Delain,
Pretty Maids,
Diabulus In Musica,
Arch Enemy parmi tant d'autres, pour la production de certains de leurs albums. Aussi, la rondelle bénéficie-t-elle d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation et de finitions passées au crible. Témoignant ainsi d'une production d'ensemble coulée dans le bronze, ce frais arrivage nous place dès lors dans des conditions optimales pour effectuer cette nouvelle traversée en eaux profondes, que l'on espère ponctuées d'îles enchantées. Mais embarquons sans plus attendre à bord de la caravelle ; nos cinq redoutables corsaires, sabres en main, nous y attendent, prêts à se jouer de toute tentative de résistance à l'assimilation de leurs riffs...
Le collectif ainsi constitué redémontre, tout d'abord, sa capacité à engendrer d'entêtantes séquences d'accords, susceptibles de rester durablement gravées dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon, à commencer par ses plages les plus abrasives, Ainsi, passée la brève, soyeuse et frissonnante entame cinématique, « To Those Who Choose to
Fight », alors mise en exergue par le pénétrant vibrato de la sirène, les éléments ne sauraient tarder à se déchaîner. Ce qu'atteste déjà son voisin de bobine, « The
Land of the Free », mid/up tempo power symphonique aux riffs acérés et pourvu de virulents coups de boutoir, dans la droite lignée atmosphérique du précédent effort. Livrant d'insoupçonnées et galvanisantes montées en régime du corps orchestral, laissant également entrevoir un fin picking à la guitare acoustique, signé Felix Heldt, et porté par un duo oratoire au firmament, le sanguin manifeste ne se quittera qu'à regret. Dans cette énergie, on ne saurait davantage esquiver ni l'entraînant «
Monsters » ni l'effervescent «
Armada », tant pour leurs refrains catchy encensés par nos deux vocalistes patentés que pour la qualité des arrangements instrumentaux dispensés. Enfin, on pourra se sentir plus volontiers bringuebalé par le tempétueux up tempo «
Hellfire », eu égard à ses riffs en tirs en rafale adossés à une frondeuse rythmique et à ses inaliénables coups d'olives. Et le sauce prend, là encore, sans tarder.
Dans une dynamique similaire, en réponse à un souhait communément partagé de diversification atmosphérique de son message musical, l'inventif combo nous amènera à esquisser un pas de danse chaloupé aussi intarissable qu'inattendu, et ce, dans une ambiance de fête de
Pirates donnée sur le ponton de leur colossal vaisseau. Ainsi, sous-tendu par des percussions tribales en liesse, signées Robert Kovačič, maintenant parallèlement une cadence soutenue tout en voguant sur une sente mélodique des plus souriantes, le jovial et immersif « Tonight I’m Alive » génère une énergie aisément communicative.
Lorsque le convoi instrumental ralentit un tantinet sa cadence, c'est d'un battement de cils que la troupe trouve les clés pour nous assigner à résidence. Ainsi, tant au regard de l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre que de la qualité de ses finitions comme de son interprétation, l'engageant et ''delainien'' mid tempo «
Collide » pourra engendrer un headbang subreptice et quasi ininterrompu. Dans cette veine, le félin et néanmoins cadencé « Magic of the
Night », quant à lui, happera le tympan non seulement par son refrain immersif à souhait mais également par des changements de tonalité aussi invitants qu'inattendus. Mais là n'est pas l'argument ultime de nos terreurs des mers pour asseoir leur défense et se jouer des nôtres...
Quand ils en viennent à tamiser leurs éclairages et à feutrer leurs ambiances de douces sonorités, nos cinq
Pirates nous adressent par là même leurs mots bleus les plus sensibles. Et il y a fort à parier que, sous l'impact de la forte charge émotionnelle générée, une petite larme viendra perler sur la joue du chaland. Ce qu'illustre, d'une part, «
Ashes to the Sea », une ballade cinématique et romantique jusqu'au bout des ongles, que n'auraient sans doute reniée ni
Nightwish ni
Kamelot. Glissant le long d'une radieuse rivière mélodique sur laquelle se calent les poignantes empreintes de deux vocalistes en parfaite harmonie, alors escortés de chœurs en faction, et voguant sur d'ondoyantes nappes de claviers que l'on croirait issues d'un générique d'une grande production hollywoodienne, l'instant privilégié comblera assurément les attentes de l'aficionado de moments intimistes au moment même où il fera plier l'échine à plus d'une âme rétive. On ne saurait davantage occulter la power ballade « Underwater » eu égard à ses orchestrations pétries d'élégance, signées Simon Edward Willis, et à ses gammes pianistiques d'une confondante délicatesse dispensées par Michele Guaitoli ; magnifiée par les célestes modulations de la déesse, l'émouvante sérénade poussera assurément à une remise en selle sitôt la dernière mesure envolée.
Mais, à l'image du précédent mouvement, nos acolytes iront jusqu'à se transcender à la lumière de leurs pièces en actes estampées metal symphonico-progressif. Ce que prouve, d'une part, le cinématique et ''kamelotien'' «
The Dead of the Sea », qui, au fil de ses 7:15 minutes d'un parcours riche en rebondissements, ne relâchera pas son étreinte d'un iota. Epique et romanesque à la fois, cette sémillante fresque se cale concomitamment sur une mélodicité toute de fines nuances cousue qu'emprunte un duo que l'on croirait alors comme touché par la grâce. Et ce ne sont ni le fringant solo de guitare ni ses enchaînements intra piste ultra sécurisés qui démentiront l'agréable sentiment d'être aux prises avec l'une des pièces maîtresse de l'opus. Par ailleurs, des vents d'une force inouïe viennent fouetter le tympan sous le joug du démoniaque « Where the Sky and
Ocean Blend » ; d'une durée similaire à la piste sus-mentionnée, cet ample et théâtral mouvement laisse entrevoir un break opportun que viendra prestement balayer une bondissante reprise sur la crête d'un refrain endiablé et des plus accrocheurs. Bref, un moment de pure jouissance auditive, histoire de refermer le chapitre avec les honneurs.
Au final, nos acolytes nous livrent un propos à la fois solaire, éclectique, profondément émouvant, et ne manquant ni d'allant ni de panache. Et s'il se place dans le sillage atmosphérique de son illustre devancier, le cadet ne s'y est pas réduit exclusivement ; ce dernier nous octroyant quelques instants de bravoure parfaitement assumés, et relevés de main de maître par nos
Pirates, c'est dire qu'à l'aune de cette offrande, le combo a, une fois encore, laissé libre cours à sa créativité, non sans quelque surprise à la clé. Et la magie opère, bien souvent. Encensé par un duo en voix claires des plus enveloppants et en parfaite symbiose, ne concédant pas l'once d'un bémol ni d'une frustrante zone de remplissage, et se greffant parallèlement sur une ingénierie du son de fort bonne facture, ce second mouvement de la saga ''
Pirates'' autorise dès lors son écoute d'un seul tenant.
Des sources d'inspiration toujours plus discrètement inscrites dans le message musical délivré, une heureuse fusion de sonorités d'hier et d'aujourd'hui, des mélodies désormais plus délicatement ciselées et un poil plus ensorcelantes, des arrangements orchestraux on ne peut plus rutilants, une technicité instrumentale parfaitement huilée et un trait de plume d'une finesse que pourraient leur envier bien de leurs homologues, sont autant d'armes dont peuvent se targuer nos terrifiants corsaires pour espérer faire trembler l'ennemi, d'où qu'il vienne. Inscrit dans le prolongement stylistique de son démoniaque aîné, le diablotin ne multiplie pas moins ses facéties tout en déployant un charme ravageur, une personnalité vive, sensible et singulière, le rendant particulièrement liant. Bref, un retour tonitruant des
Pirates, synonyme d'invitation à un voyage aussi frémissant qu'étourdissant...
Note : 17,5/20
J'ai commandé le reste de leur discographie et recevrai donc les 8 précédents la semaine prochaine. Je ne connaissais qu'à partir de Deep & The Dark, alors j'ai hâte de voir ce que ça va donner au vu des multiples changements de line-up :)
Très bonne critique ÉricB4 comme toujours, personnellement j'ai un gros problème avec ce groupe me concernant, au début de chaque chanson c'est envoûtant ça me plaît et vers le milieu je trouve ça chiant et je n'ai jamais su vraiment pourquoi... Sûrement que c'est à cause du fait que je n'ai jamais vraiment su apprécier le power metal qui sait...
La seule musique que je trouve vraiment parfaite c'est Melancholy of Angel qui sonne très Nightwishienne avec Anette.
@ Ensiferum93 : Excellente initiative! Tu apprécieras certainement les albums qui te manquent, et, au vu des changements incessants de line-up, il y a aura, à n'en pas douter, des albums qui te toucheront plus que d'autres. Pour ma part, concernant les premiers opus, j'ai un petit faible pour "Trinity", où j'ai apprécié notamment les prestations de Melissa Ferlaak. Quand tu auras épluché la discographie complète du groupe, je serai curieux de savoir quels albums auront ta faveur!
@Sephiroth26 : merci pour le compliment! Est-ce que ton décrochage en milieu de morceau concerne toute la discographie du groupe? N'y aurait-il pas certains titres qui passent globalement mieux que d'autres? C'est peut-être davantage lié à un problème de structure ou même de style, comme tu l'indiques, que de mélodie ou de technique? Sinon, tant pis, il faudra malheureusement faire l'impasse sur ce que propose ce groupe qui, je pense, a peu de chances de changer radicalement de style.
Merci pour la chronique je trouve cet album également très réussi et supérieur à son prédécesseur ,la production est magistrale. 17 voir 18/20 sans hésiter.
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