«
Phantom, second album du groupe, est sans aucun doute le disque qui assoira BTM comme un membre de l'élite métal internationale. »
Cette phrase, plus ou moins judicieusement disposée dès le deuxième paragraphe de la biographie présente dans le Presskit reçu par Dooweet, m’interpelle. Par qui a-t-elle été rédigée ? Dooweet ? Le groupe ? Un autre ?
Betraying The Martyrs, qui ne connaît pas ? Révélés en 2011 par «
Breathe in Life », les Parisiens ont grillés énormément d’étape pour directement s’imposer dans l’écurie Coreuse américaine qu’est Sumerian Records. «
Breathe in Life » avait été une découverte sympathique, sans plus, ni plus ni moins marquante que la plupart des autres sorties Coreuse, le sextet prenant place dans un style sur codifié, à base d’un
Metal touchant à tous les
Core existant et désirant transmettre un message positif, d’où l’appellation lue un peu partout de «
Metal Chrétien ».
Je n’ai rien contre le groupe, mais s’il y a une chose que l’on ne peut qu’observer sans être d’une totale mauvaise foi, c’est bien tout ce côté mercantile et marketing, suintant la rentabilité facile, que cela soit dans le look archi-étudié du groupe ou son côté gentil garçon hurlant de l’amour et de la paix. BTM bénéficie d’une aura extrêmement importante auprès d’une large frange du public adepte de ce Metalcore sans trop de réflexion destiné à l’headbang . Je me rappelle d’un article lu il y a un ou deux ans. Il traitait du fait qu’il était impossible pour un groupe de tirer un coup en tournée et dans les commentaires, une personne avait cité que cet article était faux, car lui et son groupe n’avait aucun soucis pour ça. Le tout en signant qu’il bossait avec les BTM.
C’est une anecdote assez inutile, sur le fond, mais elle sera symptomatique d’une chose que j’écris sur quasiment TOUS les albums de
Core qui sont passés par mes oreilles. BTM ne déroge pas à la règle et cet album n’a en soi pas de défaut du strict point de vue de l’écoute. C’est fort, c’est relativement varié (bien qu’un peu longuet), la production à l’américaine se fait ressentir par l’énorme puissance dégagée de l’ensemble (et ce côté également trop égalisé). Mais voilà, le groupe ne déroge pas à la question classique : dans quelle direction allons-nous ?
Ecouter «
Phantom », c’est éteindre son cerveau et se réfugier dans une douillette couverture d’un
Deathcore gentillet, codifié et cliché. « Jigsaw » ne déroge en rien. Si l’intro massive et blastante engage direct des hochements de tête, le premier break nous fera lourdement souffler. On rentre en moins d’une minute dans le rang, et l’apparition de Victor ne changera pas grand-chose. Alors oui, son chant clair est bien plus intéressant que sur le disque précédent, qui avait tendance à rapidement tourner en rond. Mais mince… Il chante bien ! Alors pourquoi vouloir à tout prix caser des intonations mielleuses dans le tout ?
Après, « Jigsaw » est relativement complète pour vous décrire ce que sera l’album. Les passages extrêmement massifs, les breaks utilisés à outrance, ces « ohééé » bien classique… Non, ce qui permet de différencier les pistes, ce sont l’omniprésence de nappes symphoniques. Les synthés prennent toute la place, rien que sur le commencement de « Where the World Ends » et son duo chant clair/piano sera une constante sur de nombreuses autres pistes de l’album. Pourtant, on trouve des fragments passionnants, cette utilisation judicieuse du clair sur des refrains ambiancé, notamment. De l’autre côté, Aaron n’en sera que plus plat, ne variant pratiquement jamais ces growls et gardant une agression vocale linéaire et ennuyeuse. Grandiloquence mise à part, les refrains de « Walk Away » transgresseront l’ambiance distordue des couplets pour une voix claire et des chœurs beaucoup trop prononcés dans une symphonie appuyée par un éléphant.
Loin de vouloir nous proposer qu’un monolithe de
Core réchauffé, les musiciens s’essayent à un registre Post-Rock et Post-
Core sur la jolie instrumentale « L’abysse des Anges », tout en progression et en maîtrise pour rajouter de nouvelles sonorités sans déchirer ce voile atmosphérique envoûtant. Toujours sans parole, «
Afterlife » préférera une ambiance céleste, fait de piano et de chœurs avant de laisser la batterie emmener une atmosphère tribale et martiale. Troisième interlude, « Your Throne » n’usera que d’une aura bruitiste et d’un très bref duo violon/piano pour introduire la piste suivante.
« Our
Kingdom » et rien de plus. Des cris, de la saccade, du rentre-dedans, des growls plats et une voix claire en total décalage. L’atmosphère plus symphonique, extrêmement masquée par la musicalité d’ensemble, ne ressortira jamais, de même qu’un solo sacrifiant l’émotion pour une technique trop réchauffée. Quand le groupe essaye de remettre de leur brutalité sur la table, «
Phantom »-titre se met en place, délivrant une ambiance constamment basée sur la batterie double et des guitares racoleuses pour mettre un chant clair à la frontière du mielleux et de l’agréable. Quant à la présence de Gus Farias (
Volumes), nous pourrons davantage comparer cela à un caméo plus qu’un véritable featuring… Toujours sans finesse, « What’s Left of You » a le mérite d’offrir des plans de guitare assez intéressants et des coupures orchestrales relativement enthousiasmantes…
« Legends
Never Die » demeure sympathique sur ses distorsions très lourdes et son atmosphère guerrière poussée par des claviers bien mis en valeurs. De bonnes idées jalonnent tout ça, comme ce passage mélodique sur une double très rapide. Derrière, « Lighthouse » est un morceau plutôt bien équilibré, de son démarrage symphonique à sa montée crescendo, de ses chœurs grandioses accompagnant Aaron, des breaks soudains, fréquent, mais bien maîtrisé et une disposition plus qu’intéressante de parties orchestrales et coreuses.
Si «
Closure Found » ne sert strictement qu’à gonfler le temps d’écoute par son aspect chaotique ennuyeux et ses breaks téléphonés jusqu’à sa conclusion en beat électronique, plusieurs pourront tiquer sur l’étonnante reprise de « Let It Go », présente dans le Disney « La Reine des Neiges ». Le tempo extrêmement mélodique, son côté refrain radiophonique et véritablement sans véritable folie, ce titre n’est qu’un pavé de plus à mettre sur le cas d’un groupe ayant probablement tout compris à la façon de rentabiliser sa musique plutôt que de lui donner une existence propre.
Il y a ceux qui viendront commenter pour me dire que « ce disque est de toute façon géniale en live », comme à chaque fois. Ce à quoi je répondrais « certes ». Mais là n’est pas mon but, sinon je me contenterai de vous dire « c’est tout caca, mais ça passe bien sur scène ! ». Oui, le groupe doit sans doute bien gérer ses ambiances en live, mais là n’est pas mon souci. D’un strict point de vue musicale, ce disque est bon, il y a des bonnes mélodies, des musiciens parfaits dans leurs rôles, vraiment doués comme il faut, et deux vocalistes plutôt complémentaires pour un duo plus que classique entre voix gutturale et chant clair.
Mais voilà, c’est exactement la même chose que pour des dizaines, voire même des centaines d’autres groupes du style. « Oui, mais aujourd’hui, l’originalité est quasiment impossible à faire ressortir », ce à quoi je répondrais « certes » également. Mais il y a deux critères fondamentaux dans ma manière d’observer un groupe. Il y a l’originalité et la personnalité. On peut faire une musique déjà entendu, mais en y apposant sa patte personnelle, ce « moi » qui donne une toute autre envergure à la musique. Donc non,
Betraying The Martyrs ne sera jamais un « membre de l’élite du
Metal International ».
Betraying The Martyrs n’est qu’un groupe de
Deathcore parmi tant d’autres, à la différence qu’ils disposent d’un coefficient marketing bien supérieur leur permettant de vivre en ne faisant probablement que ça. BTM a tout compris. Et c’est désespérant.
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