Dans le flot des reformations multiples issues des années 80, on peut distinguer les franches réussites, les resucées sympathiques, et les inutiles redites. Comment un groupe peut-il changer en se réinventant ? Quelle recette fonctionnera si ça n'a pas (trop) marché avant ? Comment retrouver l'énergie et l'inspiration des débuts ? Quels ingrédients pousser ? Lesquels laisser de côté ? Comment sonner authentique sans paraître daté ? Toutes ces questions, chaque groupe se les pose avant, pendant, et après leur reformation, souvent avec une minorité des membres d'origine, comme dans le cas présent.
Necronomicon (à ne pas confondre avec ses multiples homonymes) avec le rescapé Volker Fredrich (guitares, chant) aux commandes, sort un nouvel album qu'on attendait pas vraiment, faute à un retour mitigé en
2012 (
Invictus, chroniqué dans ces pages).
Necronomicon, dans les années 80, c'est un groupe de thrash allemand, pas génial ni vraiment insipide, avec une petite aura maléfique sympathique (pochettes des débuts en noir et blanc, des titres à l'inspiration "evil", un son underground à souhait, un peu comme les Anglais de
Deathwish). Loin des maîtres
Kreator, Sodom ou
Destruction donc, qui ont su progresser au fur et à mesure de leurs sorties, à la fois en qualité de composition et en dextérité musicale, capitalisant ainsi sur leurs turbulents débuts. Le premier album éponyme restant finalement le plus cohérent, encore aujourd'hui. Rien de réellement marquant, donc. Parfois pour savoir où l'on va, il faut savoir d'abord d'où l'on vient. Ce dicton, qui s'adapte à beaucoup de situations, résume finalement assez bien
Pathfinder... Between Heaven and Hell, à la pochette digne d'un film d'héroïc-fantasy, assez inhabituelle pour le groupe.
Ainsi, après l'intro parlée, digne d'un vieux
Manowar, enchaînée avec une ligne de basse très doom-metal, le ton est donné. La mise en place progressive du titre, léchée et privilégiant la puissance, fait place à un thrash classique et plutôt mid-tempo, comparable aux morceaux les moins énervés des récents Sodom/
Destruction. Les refrains, gros point fort du disque, sont mémorisables facilement, et permettent une lisibilité plutôt agréable. Toutefois, l'album, dans sa globalité, reste sur des titres assez convenus, et souvent peu marquants. "We Are The League", aux faux accents de mauvais
Venom, rate sa cible. Le riff Slayeresque de "
Betrayed" peine à convaincre malgré sa double grosse caisse toutes voiles dehors. La voix nasillarde de Fredrich ne facilite pas non plus les choses, restant souvent calée entre Schmier et Tom Angelripper. Comme en sus on a parfois l'impression d'avoir déjà entendu les moments les plus marquants (le refrain de "
Betrayed"), on sort des écoutes répétées de ce
Pathfinder plutôt frustré, un peu à la manière des
Whiplash de l'année 97 (l'album Sit Stand Kneel Pray), quand celui-ci se prenait pour
Megadeth.
Plutôt mid-tempo, le groupe propose des moments fort sympathiques tout de même ("
Inside The Fire", sans doute la composition la plus convaincante, avec un travail sur les guitares réussi dans les enchaînements), et enfile des riffs comme un évadé de prison les prostituées à Barbès. Plutôt longues, les compositions sont construites avec soin, et les soli souvent savoureux (celui qui ouvre "
Reborn", très bon morceau, mélodique, et à la ligne de basse mise en avant bien trouvée). Tout ceci fera forcément enrager le thrasher exigeant, tant
Necronomicon pourrait éviter les lieux communs (le poussif "Under The Gun", sauvé par son superbe solo ou le longuet "Alone In The
Dark", anecdotique et au final grotesque).
Retour pas franchement convaincant donc, pour les Allemands. Un peu trop propre eu égard à ses débuts, un peu trop conforme à ses illustres aînés, un peu trop convenu aussi,
Necronomicon sauve les meubles, mais pas la décoration. Les longues compositions (aux intros travaillées) recherchées mais peu marquantes en dehors des titres cités, ne font pas mouche à chaque fois et le groupe a semble t-il perdu l'énergie des débuts. Un album de thrashmetal académique, à tendance mélodique et constitué de rares moments forts (rajoutons la mélodie ouvrant "Monster", fort réussie, enchaînée avec un thrash incisif et typiquement teuton sur ce titre convaincant). Malheureusement, l'album n'est pas homogène en morceaux de cette trempe.
Necronomicon se chercherait-il encore ? Entre thrash allemand dans des racines encore palpables ("
Farewell To A Friend") et une recherche mélodique pas si éloignée d'un
Metal Church, par exemple, le groupe devrait demander au personnage de la pochette quel chemin choisir.
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