Telo Delenda Est
«
Vile, bastion d’infortunes, poussière d’excréments, ô Toulon, cour des miracles, vierge un instant, martyre pour l’éternité. Mère éprouvée, capitulante suceuse du mal, tu as choisi la chute à l’abandon. Eclairée à la bougie, lavée par le sang de tes enfants sacrifiés, tu renaitras de tes cendres pour incarner la capitale du Concilium. Perle noire, aux reflets vermeils, témoin de Sa Grandeur et Toute
Puissance. Ta survie passe par une nouvelle allégeance. Relève-toi Souillure, ton Maître te l’ordonne. Concilium regnat. »
1993, Toulon, une révolte couve depuis quelques temps dans les bas quartiers. Une bande de trompe-la-mort se laisse enivrer par un style de musique encore bien tapi dans l’ombre, à l’abri des regards indiscrets, et du music business. Parmi eux, deux frères répondent à l’appel. Après avoir erré quelques temps dans un groupe de death con-venu, Bloody
Ritual, les futurs
Black Christ et Over
Lord Nasty Metatheos décidèrent de prendre les rênes de leur destin, en créant leur propre dragon. Depuis lors le noyau dur, et fratricide, n’a cessé d’enflammer le cœur de
Blessed in Sin. Alors qu’ils connaissaient une montée en puissance jusqu’à
Odes Obscures, le travail de sape des autorités, d’un pays en manque d’ennemis déclarés, allait porter l’estocade à un brillant avenir.
Melancholia, premier album très contrasté en fit les frais. Exploit dans la tempête, il n’en demeure pas moins affaibli par le départ de la moitié du groupe. Mais de tels esprits tourmentés ne pouvaient en rester là.
Second souffle infernal, Par le Sang du Christ (Opus Luciferi) dévoile le feu secret à ses humbles serviteurs. Il requiert persévérance, détermination et esprit de sacrifice. Il dresse une série d’obstacles avec ses déclamations grandiloquentes, ses vagues de claviers baroques, ses voix trafiquées, ses intermèdes acoustiques, et ses silences, qui a de quoi faire fuir les plus fidèles apôtres de l’Art Noir, adeptes d’une pureté qui confine trop souvent au minimalisme sans âme. Ces filtres absents de
Melancholia deviennent ici des arcanes.
Véritable
Grimoire aux mille facettes, source de rituels d’invocation tournés vers l’outre-monde, cet opus se présente d’abord comme une ivresse d’incantations animant une partition, qui se construit au gré de formules aux airs de sortilèges. Cette architecture sonore emprunte ses fondations aux Dieux grecs, et à
Rotting Christ en particulier, dont le Thy Mighty Contract, ne semble pas avoir laissé indifférent les anges de la
Mort du Concilium. Elle fut enrichie d’influences heavy (NWOBHM) et thrash (allemand), à l’origine d’un univers aussi riche qu’original.
Le rôle des claviers est prépondérant. Leur articulation tranche, car ils ne font pas que s’intégrer à merveille sans jurer, ni verser dans une solennité outrancière. Ils portent l’ensemble avec maestria, rappelant les grandes heures d’
Odes Obscures. Ils participent d’un équilibre qui aurait tendance à reléguer la guitare à l’âge de pierre, si
Black Christ ne savait pas comment nous retourner le cerveau en deux accords. A l’inverse de la rugosité viscérale et guerrière de KN et SV, initiée par LF, BIS flamboie de mille et une nuances, qui seraient dans la Nature synonyme a minima d’interdiction d’accès, au mieux de danger de mort… Le mid tempo règne en maître ici afin de distiller des atmosphères troublantes qui ne se répètent jamais deux fois. Les architectes ont construit leur labyrinthe avec une intelligence redoutable afin de séduire et prendre au piège de jeunes âmes en quête d’un retour à la Source. Elle seront dupées et souillées, mais leur sacrifice ne sera pas inutile et servira au Grand Œuvre.
Cette œuvre tire une grande partie de sa force du talent déclamatoire de O.L.N.M. en fusion avec la qualité de composition de
Black Christ. Démonstration s’il en était besoin de la dévotion de cette fratrie. La multitude de voix, d’intonations, d’anathèmes en malédictions, auréolent une œuvre à la noirceur palpable. Les variations opérées empêchent de relâcher l’attention du profane qui ne comprend que rarement les choix parfois extravagants effectués, qui finissent par donner toute sa puissance, son identité et son sens à une œuvre qui tisse des liens étroits avec le théâtre. Pris entre le feu des vagues de claviers, et celui des variations vocales, cet album baigne dans une vision occulte baroque et exaltante, qui n’est pas sans rappeler certains précurseurs italiens (
Mortuary Drape,
Necromass,
Opera IX,
Cultus Sanguine…).
Par le Sang du Christ (Opus Luciferi) ne se consomme pas comme les autres albums de son genre. A chaque écoute il dévoile un peu plus de son éclat, vous retourne encore et encore, et finit par vous consumer à petit feu. Le prix à payer pour accéder à une réalisation qui nous échappe ici-bas. Chaque titre représente un chapitre qui ouvre le potentiel de l’apprenti, une fois affranchie des règles d’un environnement mortifère et liberticide, qui n’a de cesse de vous spolier force, volonté d’auto-détermination et capacité de choisir en pleine conscience. Déchirez le voile d’une réalité préconstruite pour vous conduire à la réalisation. Il n’y aura point de salut ni de pardon pour ceux qui oseront car ils n’en auront plus besoin.
Telo Delenda Est
Merci pour la chro! Inconnu BIS pour moi, évidemment.
J'ai lu les paroles, plutôt intriguantes, et si j'ai bien pigé, ça chante en francais, anglais ... et latin. Sacré boulot.
La description musicale que tu proposes dans ton texte me donne envie d'en entendre quelques titres. A condition que ces suppots de Satan se trouvent sur YT :-)
Très bonne chronique sur un très bon groupe, un groupe captivant !
Ce genre de chroniques, c'est le genre de chronique qui me fait continuer d'aimer lire les écrits de tel ou tel chroniqueur. Partir dans des métaphores, surtout avec des sujets ésotériques, c'est risqué. Mais ici, ça marche très bien, en tout cas sur moi. Je ne sais pas si tu comptes chroniquer Eritis Sicut Dii dont je suis encore plus fan, de la même manière, mais ce serait assez classe.
En tout cas, merci.
Un jour, ce monde verra s'accomplir la prophétie d'Henochiel : les dépouilles de Christ et de Marie seront jetées en pâture aux vautours et aux porcs.
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