« Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu t'a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?
La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point de peur que vous ne mouriez.
Alors le serpent dit à la femme : Vous n'en mourrez point ; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.
La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence ; elle prit de son fruit et en mangea ; elle en donna aussi à son époux, qui était auprès d'elle, et il en mangea. »
La Bible, Genèse 3 1:5
Blessed in Sin se forme à Toulon en 1993 à l’initiative des frères de sang
Overlord Nasty Metatheos (chant) et
Black Christ (guitare) qui tous deux officiaient jusqu’alors au sein du combo death metal Bloody
Ritual. Pratiquant un black metal mélodique à claviers notamment influencé par le heavy metal classique et la scène grecque des légendaires
Rotting Christ,
Thou Art Lord et autres
Varathron,
Blessed in Sin concrétise sa créativité via quelques gigs locaux et la sortie de diverses démos telles «
For the Dark Victory » (
1994), «
A Tribute to Euronymous » (live, 1995) ou encore «
Odes Obscures » (1996). Après une mise en sommeil forcée de quelques années suite à la fameuse affaire du cimetière central de Toulon de juin 1996,
Blessed in Sin revient plus fort que jamais avec la parution en 2000 de son premier album «
Melancholia » partiellement écrit derrière les barreaux. Dès lors vénéré par les uns, haï par les autres (envieux de son statut culte ?) et surveillé par la DCRG par rapport aux activités extra-musicales de ses membres, le groupe provençal complète en 2001 sa discographie via la publication d’un split partagé avec ses frères d’armes
Kristallnacht et Seigneur Voland (« Gathered Under the Banner of Concilium ») et celle d’un deuxième full length intitulé « Par le Sang du Christ (Opus Luciferi) » sur
Nihil Voces. Après la sortie d’un EP superbement intitulé «
Honor the Anus of Mary » en 2004, le mythique
Blessed in Sin reprend du service en décembre 2013 avec «
Eritis Sicut Dii » ; troisième album édité par le label germanique
Obscure Abhorrence Productions.
Le
Serpent tentateur, le fruit défendu et l’apprentissage de la connaissance divine par le profane ; tels sont les thèmes mystiques autour desquels semble s’articuler le concept de cette nouvelle offrande liturgique des hiérophantes de Toulon répandue parmi les hommes après neuf longues années de silence. Introduit par l’ambient ritualiste « Eko », «
Eritis Sicut Dii » éructe à la face du monde au travers du sublime «
Hierophant » qui mélodique notamment grâce aux claviers de
Belial et marqué par des structures heavy dans la pure tradition de
Blessed in Sin s’avère être magnifiquement ponctué par les envolées lyriques d’Helea. Dans un style comparable trahissant également le sens inné du riff du guitariste/compositeur
Black Christ, relevons le vindicatif « Prometheus (The Breath of the
Dragon) » au break subtilement mélancolique, pertinent symbole de la richesse musicale du combo azuréen mais aussi l’orgiaque « Uda Gub Babilim » ; redoutable ode à la sacramentelle et divine luxure voyant pour l’occasion
Overlord Nasty Metatheos partager ses vocaux avec l’infernal Xaphan (
Finis Gloria Dei,
Enfeus Lodge, ex Seigneur Voland) qui pour l’anecdote a signé les paroles du titre de sa plume délicieusement subversive.
Plus tempérés et intimistes dans l’esprit, il conviendra d’apprécier le révérencieux « Opus Alchymicum » ; parabole du processus alchimique de transformation des métaux vils en or transmutable à l’homme dans sa quête de la Lumière, mais surtout «
Children of
Tiamat » ; magnifique pièce de plus de dix minutes et irréversible profession de foi des hiérophantes varois constituant musicalement un brillant alliage de riffs heavy et de lignes de claviers célestes, le tout dégageant indescriptiblement cette aura de complaisance « seuls contre tous » collant depuis toujours à la peau de l’iconoclaste et damné
Blessed in Sin.
Combo unique pour lequel la parole revêt autant sinon plus d’importance que la musique (son histoire ne le démontre-t-elle pas ?), Béni dans le Pêché propose également via ce troisième recueil de cantiques rebelles de nombreux interludes instrumentaux et lyriques permettant d’introduire solennellement les hymnes au Porteur de Lumière énoncés précédemment, mais également d’empreindre plus globalement le disque d’une atmosphère cérémoniale seyant à merveille l’univers sibyllin du groupe toulonnais. Ainsi, «
Aradia » précédant « Prometheus (The Breath of the
Dragon) » se voudra une prière incantatoire à la déesse du même nom, envoyée jadis ici-bas par
Lucifer pour enseigner la sorcellerie aux gens des campagnes. Notons également l’auguste « Henochiel (Révélation : La Femme Ecarlate) », annonce hiératique de ce qui doit advenir et qui rappellera sans doute à l’auditeur la démarche de teneur analogue intitulée « Henochiel ; Chapitre Dernier ; Révélations » sur l’effort de 2001 « Par le Sang du Christ (Opus Luciferi) ». Aussi, introduisant le véhément « Et le Fruit du Jardin Pourrit », l’initiatique « Bénies Soient…» constitue un enseignement précieux de la Déesse Miséricordieuse, reine de toutes les magies, mère de tous et de tout répondant aux patronymes d’Astarté, de
Lilith ou encore de
Tiamat. Divin sacramentaire finement équilibré entre morceaux de black metal mélodique et pistes instrumentales et lyriques donc, «
Eritis Sicut Dii » trouve son épilogue dans l’indicible « Paraphrase from the Stele of Revealing » officiant comme pour « Eko » dans un style des plus inattendus ; un hybride s’apparentant ici à un EBM ponctué de riffs metal indus. Preuve ultime de l’originalité et de la liberté créatrice d’un groupe indéniablement riche ancré tant dans les traditions d’hier que dans une volonté de pérennité par le cheminement.
Miroir de l’évolution naturelle et mystique de son géniteur de légende, «
Eritis Sicut Dii » s’avère être un opus particulièrement réussi proposant à l’auditeur un black metal mélodique marqué par des structures heavy et des passages subtilement mélancoliques ; indéniable marque de fabrique musicale de
Blessed in Sin. Démarche prosélyte aboutie à la thématique spirituelle recherchée, certes long et peut être complexe mais paradoxalement fluide à l’écoute, l’inspiré «
Eritis Sicut Dii » compense largement l’interminable temps d’attente de sa sortie chez un fan téméraire mais définitivement conquis. Vingt ans après le début de leur infection du monde telle une plaie d’Egypte et les obstacles des larves impures et autres bacilles dégénérés franchis, les hiérophantes azuréens sont finalement revenus prêcher la parole de l’Ange déchu parmi les mortels ; invincibles et en perpétuelle ascension vers les arcanes de la connaissance suprême. Lui l’irrévérencieux, l’authentique, moralement imperméable à la justice des hommes et à celle de Dieu ;
Blessed in Sin !
La notion du temps qui passe se retrouve suspendue pendant les écoutes nécessairement abusives des oeuvres de Blessed in Sin. Car on a beau croire que l'on connaît la Bête et ses créateurs, le temps investi à créer chacune de ses oeuvres, toutes ces années passées à écrire, composer, trier, puis jeter, et enfin recommencer pour accoucher en définitive d'un fragment du monolithe noir ne représente qu'un délai laissé aux initiés pour digérer lentement l'oeuvre précédente.
Beati in Peccatum célèbre, entre autre chose, le développement de la maturité, et ne s'embarrase d'aucun autre objectif que d'être certain d'avoir atteint le résultat visé, en cela Eritus Sicut Dii ne déroge pas à la règle. Le temps passant ne semble infliger aucun dommage, mais bien au contraire, affermit les convictions et intentions de la dyarchie fraternelle qui gouverne BIS.
Dans un monde qui s'émerveille au moindre développement technique, sous couvert d'évolution, Blessed in Sin telle une statue du Commandeur, revêtue d'un marbre blanc immaculé, ne cesse de s'opposer à un mouvement perpétuel annonçant le remplacement de l'homme, devenue simple marchandise consommable à la date de péremption fixe.
Cette nouvelle offrande n'a de sens que pour une poignée de valeureux hérétiques à la dévotion inébranlable. La qualité de l'oeuvre, la longévité du groupe, et l'intransigeante puissance rituelle, qui se dégagent de ce mouvement musical ne sont que quelques-unes des preuves que la présence du Malin est à l'oeuvre au sein de cette entitée. Un serment d'allégeance renouvelé, voilà comment je me représente Eritis Sicut Dii, mais dans le plus grand secret, car cela ne nous regarde pas, nous autres témoins passifs à la responsabilité inexorable. Nous aurons des comptes à rendre le moment venu, d'ici là, chantons, dansons et buvons à la gloire de S....
Merci pour ton retour SilentSoul. Dans un monde moderne continuellement dominé par la rapidité des flux, la fugacité de la consommation, la puissance stérile de l'effet d'annonce de l'instant et par l'hybridation physique et spirituelle de l'être humain vers une loque grise sans cerveau sans racines et sans âme ; un groupe comme BIS, sa notion du temps et de l'intégrité de la création artistique n'ont en effet leur place que dans le jardin secret d'un happy few initié conscient de détenir le Graal. Que celà perdure...
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