En cette année 2011, les terres chiliennes voient naître un groupe de metal alternatif insoupçonné à l'instar d'Egrégor. Cette petite formation initialisée par la chanteuse Magdalena Opazo, le guitariste Richard Iturra (Ripo) et le bassiste Alejandro Heredia, propose un discret EP auto-produit de trois titres évoluant sur dix-sept minutes de pistes à peine. Dans ces conditions, devrait-elle craindre les attaques de ses concurrents dans le secteur prisé du metal à chant féminin ? Difficile de se prononcer tant son univers musical est habité d'une patte ambient et roots singulière. Aussi, comment a-t-elle procédé pour creuser son sillon dans la vibe de l'authenticité ?
Le jeune combo a construit son œuvre au confluent d'une atmosphère folk, d'inspiration tribale locale, pour nous entraîner dans les méandres d'un metal éclectique, mêlant sonorités traditionnelles, progressivité rythmique et mélodicité nuancée. Difficilement classable, cette production est à considérer pour ce qu'elle est : simple mais efficace dans ses fondements techniques et avec ses particularismes harmoniques qui en fondent son originalité. Dénuée d'artifices ostentatoires, à l'image de l'artwork de la pochette, cette oeuvre a joué la carte de la sobriété instrumentale pour tenter de nous impacter. Aussi, suivons les pérégrinations temporelles du combo au fil du déroulement de la galette.
On sent déjà poindre les traces d'une marche initiatique à l'instar de l'entame « Hela ». Ce titre empreint d'authentiques sonorités est introduit par une mélodieuse et vaporeuse lead guitar en picking, suivie d'une batterie en toucher et quelques incantations féminines. Ces dernières deviennent progressivement plus puissantes, répétant inlassablement et sur la même tonalité « Hela », avant que ne surgissent du fond des ténèbres des chants masculins guerriers en arrière-fond. Des joutes orales mixtes se font jour et s'unissent en finalité avant de s'éclipser brutalement dans la brume synthétique venant clore cette première séance.
C'est dans une ambiance plus tourmentée que se poursuit le voyage. Ainsi, la fresque « Oyepse » délivre de beaux arpèges à la lead guitare, sur une rythmique soft et progressive. Et ce, avant que ne s'éveillent des riffs crochus et les inflexions chatoyantes et ondulées de Magdalena sur les couplets, celle-ci déployant davantage d'intensité sur les refrains. Un pont à la guitare s'installe alors pour calmer le jeu, précédant de justesse les incandescentes attaques vocales de la belle et une énergique reprise instrumentale d'ensemble. Ce qui peut rappeler l'univers d'
Elane. Le tout évolue crescendo avant une rupture brutale de la piste.
Le combo a aussi joué la carte des lunaires ambiances pour livrer son message. Sur l'intrigant « Ophir », un vent souffle sur les plateaux chiliens avant qu'une céleste nappe synthétique ne s'éveille, assistée d'énigmatiques inflexions un poil monocordes de la sirène. C'est alors qu'une rythmique souple se met en marche pour renforcer l'insaisissable chemin harmonique emprunté par les impulsions incantatoires de la belle. On a comme une impression d'un volcan encore assoupi qui aimerait cracher sa lave, mais qui, encore assagi, se retient de le faire. Curieusement, une lead guitare apparaît alors pour fermer la marche.
On ressort de l'écoute de cette petite rondelle à la fois enchanté par l'atmosphère envoûtante des espaces musicaux traditionnels et intrigué par quelques moments en suspension auxquels le tympan n'est pas forcément habitué. On est comme projeté hors du temps, dans un bain orchestral aux doux remous et dans un environnement vocal invoquant les dieux de leur puissance. Chaque morceau a sa sculpture particulière et renvoie à des émotions diverses en fonction du message musical qu'il contient. Ainsi, on oscille progressivement entre fascination, étonnement et plaisir des sens. On aurait souhaité en découvrir un peu plus encore pour mieux s'en imprégner par quelques titres supplémentaires.
La production ne souffre pas de défauts majeurs mais aurait mérité un mixage plus pointu et des enchaînements plus sereins. La qualité de l'enregistrement est, elle aussi, encore à parfaire, mais permet tout de même une écoute dans des conditions correctes. Les finitions devront aussi faire l'objet d'une attention particulière dans la suite de leur projet. Tablons qu'il s'agit là d'une œuvre initiale, avec sa signature artistique et quelques imperfections qu'il s'agira de gommer pour nous impacter encore plus largement.
Ainsi, pour une écoute de sensibilisation aux notes authentiques, avec un soupçon de modernité, du combo, pourquoi pas. Ce qui laisse le temps de s'imprégner de ces senteurs particulières avant de se lancer dans l'acquisition de ce produit. Avec un poil de maturité supplémentaire accolée à son projet, le combo pourra certainement nous convier à un voyage initiatique plus invitant encore. Nous ne pouvons que le lui souhaiter...
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