Disséquer l’art d'
Hollenthon sans consacrer quelques lignes au génie créatif de son fantasque maître d’œuvre, Martin Schirenc, s’apparenterait à une vaine tentative. Inspiré par un avant-gardisme certain, le brillant chef d’orchestre autrichien n’en est pourtant pas à son coup d’essai. En effet autrefois il proposa déjà sa conception toute personnelle au sein de
Pungent Stench, un groupe de
Death Metal atypique explorant les sphères d’un exquis mélange de voix gutturales, de musique aux riffs à la fois très Rock’n Roll, mais aussi très
Doom, en des œuvres aux tempos plutôt lourds. Un parcourt dans lequel il n'hésita pas, aussi, parfois, à entrechoquer des points de vue délicieusement provocants. Ainsi nous offrit-il le fruit de ses beaux et pernicieux efforts sur des albums aux concepts quelque peu dérangeants. Citons, par exemple, l’excellent Ampeauty qui, comme le jeu de mot de son titre le laisse supposer, est un manifeste à la gloire de la beauté de l’amputation.
Mais revenons donc à la genèse de l'aventure
Hollenthon. En
1994 Martin forme Vuzem qu’il rebaptisera avant l’enregistrement du premier opus, du nom d’un petit village autrichiens,
Hollenthon donc, dont il aime tant entendre la sonorité lui évoquant invariablement dragons et elfes. Ce premier effort sorti en 1999, et nommé
Domus Mundi, première ébauche du style du groupe, définira déjà le talent de l’esprit novateur de l’homme. Avec le deuxième sorti en 2001 sous le nom de With Villest Of Worms To Dwell, le groupe poursuit son exploration artistique de ce
Death Metal Symphonique où l’on retrouve les effluves de l’emphase d’un
Therion dans son approche la plus orchestrale, et des arômes plus
Death Metal dans ses chants et ses lignes de guitares. Dans une démarche artistique relativement proche, il est difficile de dissocier les travaux de ce groupe de ceux des Grecs de Septic
Flesh. Et ce même si
Hollenthon s’inscrit dans une vision résolument plus symphonique que celle du groupe hellénique. Du moins à l'époque. Cette divergence se traduit aussi par la mise en avant des orchestrations plus prononcées et l’absence de tempos typiquement
Death pour les Autrichiens, alors que Septic
Flesh n’hésite pas, quant à lui, à user de rythmes frénétiques et d’éléments mélodique plus succincts.
Avec cet
Opus Magnum,
Hollenthon est véritablement dans la continuité dès ses deux premières œuvres. Je dirais même que ce disque constitue une étape supplémentaire importante dans cette recherche musicale qui obsède tant Martin Schirenc. L’homme poursuit inlassablement ce périple et nous offre ici le résultat de son art décrivant les capacités de l’humanité à se détruire peu à peu.
Multipliant les pistes et les différentes orchestrations, l'on retrouve sur cet album le faste d’une grandiloquence intelligente dont chaque subtilité apporte l’effet escompté, emmenant irrémédiablement l’auditeur vers le plaisir indicible d’émotions aux horizons colorées et sombres. Ces contrées diverses inspirées, enlevées, construites dans une alliance d’opposition magnifiques d’univers culturels aussi différents (d'un côté ces instruments classiques doux et de l'autre cette âpreté propre au
Death, au Heavy, et, plus généralement au
Metal), donnent vraiment toute sa grandeur à cette œuvre. Dans une délicieuse collision, constamment déchiré entre la puissance et la beauté, cet accouplement hétéroclite donne naissance à sa quintessence au cœur des titres tels que On The Wing Of A
Dove dont l’apothéose finale est un tourbillon, mais aussi dans un exceptionnel
Ars Moriendi aux chœurs sublimes créant, en contraste à ces guitares agressives et omniprésentes, un climat obscurs et oppressant magistral. To Fabled A
Land et Son Of
Perdition, quant à eux, s'inscrivent dans une composition plus classique. Ils nous offrent un ressenti bâti sur des riffs et une ambiance plutôt plus lourde et pesante qu’a l’accoutumé, mais non sans cesser d’y incorporé délicatement des harmonies symphoniques, des chorus, des mélodies plus légères. Privilégiant encore une fois le brassage complexe séduisant, ces chansons donnent de la sorte, aussi, suffisamment de nuance à ce disque pour le rendre captivant. Au long de cette errance, déracinement de tous les instants, le périple nous fait magnifiquement divaguer. Un voyage que Martin Schirenc conclut sur la plénitude d’un Misterium Babel, et d’un The Bazaar, toujours assemblés sur ces contradictions musicales, mais embellis par des chants litaniques, des airs et des instruments orientaux dans une atmosphère qui nous donne le vertige. Un vertige aux senteurs de puissance, d’encens, d’épices et de hargne dosées avec raffinement.
Opus Magnum est donc un album riche dans lequel il est nécessaire de s’immerger totalement afin d’en ressentir toutes les saveurs. Cet ouvrage complexe, malsain, fort, puissant, beau et maîtrisé en tout point, consacre, sans aucun doute, le talent de l’esprit créatif de son compositeur virtuose.
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