La moiteur d’un salon enfumé par des guitares trop grasses, la rondeur alcoolisée d’une voix trop grave, l’atmosphère poisseuse d’un bar mélangeant forte odeur de nicotine et vapeurs d’alcool suffocantes. Vaguement et vainement, nous pourrons raccourcir l’atmosphère du Stoner à un mélange archi-sombre d’une ambiance Rock’n’Roll tapinant avec la lenteur éphémère du
Doom sur de longues lignes droites désertiques…
Mais voilà déjà plusieurs années et trois albums que les Français de
Bukowski se chargent de répandre cette énergie noire sur nos chères routes fleuries, déversant année après année leurs ambiances très huilées d’un
Hard-Modern-Rock à l’américaine constamment professionnel. « Hazardous
Creature » n’est pas vraiment resté dans les mémoires, tournant davantage dans la voie de la confirmation plutôt que de la quelconque prise de risque pour continuer petit à petit à se démarquer.
Pour le dire clairement, il y a deux écoles chez les auditeurs de
Bukowski. Ceux qui sont sensibles à cette ambiance chaude et hargneuse à la fois, et ceux qui trouvent que le groupe privilégie le gueuleton et l’apparence à la musique. Pour ma part, il n’y a guère qu’ «
Amazing Grace » qui a su me faire headbanguer comme rarement. Un « The Midnight Son » intéressant, mais beaucoup trop long m’avait déjà fait ralentir la cadence… Mais pour ce bien-nommé «
On the Rocks », les Parisiens intègrent cette fois définitivement le producteur et ex-
Watcha Fred Duquesnes à la famille Dottel (ce qui expliquera encore davantage ces jeux de guitares doublées (parfois triplées) plus harmonique) tout en remplaçant Niko par Timon derrière les fûts.
L’ambiance distordue, lente et grasse du Stoner résonne dans les premières notes de « The Smoky Room ». Les voix réverbérées des couplets participent grandement à cette ambiance droguée, perpétuée par la grosse basse de Julien, distillant une ambiance mystérieuse se brisant le temps d’un refrain explosif et hurlé avec classe par Mathieu qui sait tempérer le tout par quelques ponts mélodiques bien sentis.
La plupart des ambiances ne seront pas très différentes que ce dont le groupe nous as habitués depuis tant d’années, prenons par exemple le clip «
Winter’s
Master » qui, bien que plus rapide, offre un peu le même type de démarrage que le titre précédemment cité ou même qu’une poignée d’autres du groupe. On retrouve toujours une patte mélodique sur les refrains avec ce qui ressemble à des chœurs en fond, un break très ambiancé et progressif à la voix plus douce et une conclusion assez clichée qui hurle en balançant toujours plus de « boom boom grosse voix toussa toussa ». Idem pour « White Line ». Rock’n’roll manquant quelque peu de folie, sa patte entraînante, énergique et mélodique et sa lourde patte Stoner en fin suffira à le rendre satisfaisant dans le cheminement. Conservons le même état de forme pour « One
More Shade of
Grey » qui respecte les mêmes points qu’au-dessus. Toutefois, ce break très spécial au clavier (et à l’auto-tune ?) permettra tout de même de garder quelques points surprenants.
Quitte à parler de « surprenant », nous pouvons par exemple citer la plus aérienne « Condors ». Stridentes et noisy, pourquoi pas Post-Hardcore sur certaines inspirations, les guitares forment un mur très surprenant pour
Bukowski. Mais l’ambiance est terriblement prenante, la voix traînante permet d’affirmer encore plus ce rythme très malsain avant de devenir extrêmement prenant et atmosphérique sur un refrain surprenant et puissamment émotionnel. Tout aussi étrange, l’atmosphère sombre et gothique de « Scarecrow » surprendra l’auditeur. D’un tonnerre et d’une pluie torrentielle, une voix d’outre-tombe s’élèvera avant de laisser Mathieu hurler comme jamais. Peu habitué à une telle ambiance, il faut reconnaître que le chanteur excelle dans ce déferlement de violence. Si certains risques de trouver cette piste complètement hors de propos, il est nécessaire de reconnaître qu’elle apporte une nouvelle corde au groupe, bien complété par un break orchestral rappelant le type de singeries dont nous ont habitués des groupes comme 6h33, par exemple.
Mais entre surproduction et juste ce qu’il faut, où en est-on ici ? Très partagé. On caresse une certaine surdose sur « Hearing
Voices ». Ça tape, ça gueule, ça va vite… La recette en devient même parfois indigeste. Cela n’en fait pas un titre mauvais, mais le fera davantage rentrer dans le rang du titre « cool » et sans plus. «
Vampire » pousse le gros rock dans des riffs toujours prenants, offrant une belle complémentarité entre les cordes et la voix. Mais on est très loin d’un « Long
Cold Winter » qui est complètement dans le même style. Mais le génie interviendra sur « 1.3.3 (Artificial Heartbeats). Rock’n’roll quelques secondes puis, ce duo excellent entre basse vibrante et voix chuchotée offrira un résultat saisissant embrayant avec facilité sur un refrain excellemment remuant et dansant, qui gagnera petit à petit en intensité. « It’s fucking crazy » yep !
Bukowski ne serait pas totalement lui sans ses imparables ballades et ce n’est pas « Birth » qui dira le contraire. À l’appréciation de chacun, dont beaucoup risquent de la trouver très surproduite, ce titre à l’ambiance calme et mélodique offrira une longue pause de douceur et d’émotion bien servie par un Mathieu toujours plus précis dans ses interventions claires et émouvantes. Si la présence du piano se justifie, celle de violon (ou plutôt d’un clavier) sera probablement trop superficielle. Même l’explosion qui arrivera à la fin ne parviendra pas à retirer cette touche tant elle demeure attendue… Entre émotion et mièvrerie, la frontière est parfois mince. Un titre final comme « The Beginning of the
End » sera foutrement inattendu. Bonne ou mauvaise chose ? La question se posera. C’est très pop, très joyeux, rempli de chœurs entraînants… On se croirait à la fin d’un repas ou chacun y va de son chant pour donner une ambiance festive au tout. En dehors de ça, musicalement (gros plus pour la basse, très mélodique) et vocalement, tout tient la route. Mais est-ce que ça correspond à l’ambiance de
Bukowski telle qu’on se l’imagine ? Telle est la question.
S’il y a une chose que l‘on ne pourra jamais reprocher au groupe, c’est toujours cette ambiance transpirant le professionnalisme et l’ambition, exhalant encore davantage alors que le groupe assoit de plus en plus sa domination dans un style dont on n’aurait pas forcément parié en France il y a quelques années. Mais, à trop vouloir se démarquer,
Bukowski joue au funambule sur le fil de l’indigestion musicale. En témoigne un album qui, s’il est globalement très réussi, menace constamment de tomber dans un fourre-tout pouvant être très compliqué à la digestion…
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