Durant l’année 2006, «
Black Messiah » bénéficie d’un rare moment de stabilité. Zagan, le maître d’œuvre, a vu de nombreuses personnes porter avec lui son étendard. Cette fois, le line-up n’est pas entièrement bouleversé. On note juste le départ de Niörd à la basse (crédité sur l’album «
Of Myths and Legends » sous le nom de Njoerd), qui sera remplacé par Garm à la sortie du troisième volume des germains. De cette troisième offrande, il faudra bien sûr en parler ; il s’agit ni plus ni moins du chef d’œuvre de la formation. «
Of Myths and Legends » est réalisé suite aux premières tournées du groupe, soit près d’un an après la mise en vente de «
Oath of a Warrior », à l’époque signé chez Einheit Produktionen (petit label pour l’époque), qui a permis tout de même de faire rapidement connaître «
Black Messiah » dans le milieu pagan. Pour sa création suivante, l’ambitieux Zagan est parvenu à convaincre AFM, un label bien plus conséquent, privilégiant déjà d’un excellent réseau de distribution. C’est le début d’une union idyllique. La musique de la formation prend un nouveau tournant dans sa rapide évolution. Comparé à son prédécesseur, «
Of Myths and Legends » accueille davantage d’éléments folkloriques, ce qui va un peu au détriment de la dimension épique. Il peut également s’enorgueillir d’avoir une production de qualité. «
Black Messiah » nous promettait alors de goûter à l’or et aux Valkyries.
On croirait voir ces dernières s’accaparer de notre âme pour l’emmener au fier
Odin sur l’éblouissante introduction « In Remambrance ». Cette vision enchanteresse, certes quelque peu classique, fait figure de parfait résumé de l’œuvre en son intégralité. Passionnant, vivifiant, unique. Le morceau éponyme offre un florilège épique, d’une combativité hors norme. La guitare rythmique et la batterie maintiennent une tension qui ressemble à de l’acharnement, à une rage jouissive. Quelques passages pagan nous permettent parfois d’échapper à ce remous. Le titre égalerait presque le divin «
Howl of the Wolfs », nous emmenant lui sur des pentes enneigées, poursuivi par la majestueuse féérie, servi en second plan, et par le mordant du chant de Zagan, transformé en vil loup. Nous aurons là une belle rencontre avec de la symphonie, à juste proportion et dans des phases bien précises, mais aussi avec des riffs abrupts n’offrant pas la même complaisance.
«
Of Myths and Legends » s’illustre peut-être de manière différente par rapport à «
Oath of a Warrior ». «
Black Messiah » n’aurait pour autant aucunement renié les proportions épiques qui avaient traduit à la réussite du deuxième ouvrage des allemands. La part épique se retrouve notamment à forte proportion sur « Father of
War », nous faisant songer à du battle metal sur l’entame tellement il est éloquent. Néanmoins, le groupe finit très vite par s’attarder sur des une musique moins prononcée, prenant parfois un léger détour doomesque par ses guitares. Il faut attendre le refrain pour relancer efficacement la machine. Le morceau n’aurait été que simplement correct s’il n’y avait pas eu cet incroyable, mais court break traditionnel joué à la mandoline aux contours étonnement slaves. La meilleure initiative épique viendra avec l’envoutant « Erik, der Rote ». D’abord palpitant, annonçant l’épopée d’un des plus grands explorateurs de l’Histoire viking. Celle-ci nous parvient parcourant la rudesse des couplets et l’incroyable volupté du refrain. Nous croiserons même en chemin un petit solo heavy metal du meilleur effet. Nous vous avions promis les mythes et les légendes. Voilà chose faite.
L’ignorant sera sans doute dans l’expectative d’apprendre qu’un groupe de pagan metal a adapté une chanson issue d’un groupe disco, et pas des plus basiques. «
Black Messiah » va faire sienne le fameux « Moskau » des « Dschinghis Khan », combo des années 70-80 composé de membres de différents pays, et ayant eu beaucoup de succès en Allemagne après avoir atteint la quatrième place pour le compte de la R.F.A à l’Eurovision 1979. Le « Moskau » réadapté par Zagan & co coïncide avec l’apparition du clip sur internet en 2004 et la mort de Steve Bender en 2006, seul membre ouest-allemand de « Dschinghis Khan ». Si ‘on s’attarde ainsi sur cette fameuse reprise, prévue en plus en bonus, c’est qu’il s’agit tout bonnement d’une des meilleurs réalisations de «
Black Messiah », une version démentiel, guerrière, à des lustres de l’originale qui avait pourtant conquis en son temps la scène pop-disco . Zagan a pris le risque de mettre plus en retrait l’apport des claviers pour laisser pleine mesure au chant et aux guitares. Décidément, ils n’ont pas froid aux yeux et ne reculent devant rien.
Cette prodigieuse puissance qu’ils parviennent ainsi à recréer serait aux prises avec un lourd sentiment de tristesse, sur « The
Bestial Hunt of the Fenrizwolf ». On continue ici à s’isoler dans le froid de l’Est, en incorporant des airs de violon de tradition slave. Reproduisant le désespoir, l’hostilité où ont vécu et vivent encore certains peuples de l’
Europe orientale. Le groupe s’essaye sans demi-mesure aux airs traditionnels. La petite nouveauté chez «
Black Messiah » se fait jour y compris sur d’autres morceaux de l’album. Cela prend un visage folk pagan très allemanique sur le tonique «
Die Sühne des Feuerbringers », dégageant un très léger aspect redondant sur sa fin. «
Irminsul » confirme la tendance, nous honorant d’un très beau début baladeur soutenu par la folâtrerie d’un violon, puis l’impertinence des percussions Le reste fait au contraire davantage la démonstration de la vélocité teutonne, aux riffs tranchants. Les gens d’outre-Rhin ont beau demeuré de redoutables militaires, ils aiment comme nous festoyer comme nous le prouve le folk metal emballant de « Sauflied ».Nous passerons de la taverne populaire avec celui-là, au salon plus feutré avec «
Loki’s Tanz », sorte de compromis captivant entre le folk et le classicisme viennois, dominé avec dextérité par le violon de Zagan, véritable touche à tout, qui se permet de signer une grande majorité des compositions de l’opus.
Ceux qui croyaient et qui imaginent encore que l’œuvre essentiel de «
Black Messiah » repose sur «
Oath of a Warrior » se trompaient ou se trompent. Ils n’auraient pas prêté suffisamment l’oreille sur celui considéré comme son successeur. Manié d’une main de fer dans un gant de velours par sieur Zagan, «
Of Myths and Legends » mérite son nom et se permet d’offrir au pagan metal allemand certaines de ses plus belles perles. En 2006, on évoquait comme représentants du pagan allemand «
Menhir », «
Adorned Brood », «
Odroerir ». On commençait tout juste à mentionner «
XIV Dark Centuries », «
Minas Morgul », «
Thrudvangar ». D’autres ambassadeurs apparaîtront également au grand jour, adeptes d’une musique païenne volontiers mélodique. Ces meneurs sont nommés «
Equilibrium », «
Wolfchant » et «
Black Messiah ». Ces derniers connaîtront un plus grand succès que les autres cités. Dans leur cas, c’est l’audace et l’ingéniosité qui ont payé.
16/20
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