Il faut le reconnaître, le Portugal n’est pas particulièrement réputé pour sa scène extrême, et même si en évoquant le pays du porto, on pense tout de suite à
Moonspell, force est de constater qu’à part ce mastodonte, rares sont les groupes lusitaniens à avoir acquis une notoriété importante en dehors de leurs frontières. Et si dans une branche plus mélodique et gothique, les Ibères ne déméritent pas (citons entre autres
Moonspell,
Heavenwood et
Ava Inferi), la situation au niveau du death metal est loin d‘être florissante : autant les cousins brésiliens sont particulièrement prolifiques - et sauvages!- en la matière, avec une flopée de groupes tels que
Krisiun, Raebelliun ou
Nephasth, de même que les voisins espagnols peuvent se vanter de compter quelques formations de qualité comme
Avulsed ou
Haemorrhage, autant en ce qui concerne le Portugal, on n’est pas loin du néant en matière de metal de la mort digne de ce nom reconnu internationalement.
Eh bien, mesdames et messieurs, aujourd’hui, cela va changer! Réjouissez-vous, vous pourrez enfin sortir un nom de groupe de death portugais lors des dîners mondains, j‘ai nommé
Grog!
Vétéran injustement méconnu de la scène portugaise officiant dans la scène brutal death depuis 91 bien que n’ayant sorti qu’un seul véritable album auparavant,
Grog nous assène son bien nommé Odes te the Carnivorous en 2001 par l‘intermédiaire d‘un petit label français,
Shockwave Records.
Au menu, tripaille, cannibalisme, mutilations, membres dépecés et sadiques pervers et sanguinaires, tout ceci n’est pas très original me direz-vous, mais que cela soit bien clair,
Grog n’est pas un groupe de death brutal gore sans âme comme il en pullule des milliers, et cette galette a tous les arguments pour squatter un bon moment vos platines aux côtés des classiques de
Cannibal Corpse ou
Suffocation (dans une moindre mesure).
Le tout commence par une intro sombre et inquiétante où guitares grasses et syncopées et didjeridoo tribal aux échos graves et inquiétants fusionnent sur un fond de grognements et de borborygmes gutturaux. Ce titre éponyme porte bien son nom, à l’écoute des 35 premières secondes, on s’imagine dans une grotte sombre au fin fond de laquelle se déroulent des rituels païens sanglants et innommables. L’intensité monte petit-à-petit, se muant en un death lent et poisseux avec l’arrivée d’un riff lourd, de la batterie et de la voix d’outre-tombe de Pedro Pedra, s’emballant par la suite en un death furieux, rappelant immanquablement
Hammer Smashed Face de vous savez qui, visiblement la plus grande influence du groupe.
Sans crier gare, le tout s’enchaîne sur un
Corpse Reanimation qui résume à lui tout seul l’essence de
Grog : un riff lourd puis un déferlement death metallique d’une sauvagerie jouissive avec des riffs brise-nuques et entraînants joués à cent à l’heure, une basse qui claque et ajoute de la profondeur à l’ensemble (le début de Formicators
Delirium, le délicieux break de Cult of
Blood), une batterie déchaînée au son très clair, et un guttural effrayant doublé de voix black criardes pour renforcer l’impact sauvage de la musique. La recette est donnée!
Grog décélère rarement, la musique des Portugais reste brutale, primaire, entraînante et sacrément addictive, idéalement aérée avec quelques décélérations écrasantes, des chorus de guitares bien chiadés et quelques petits soli par ci par là qui peuvent parfois rappeler
Slayer.
Le groupe se montre particulièrement bon dans cette alternance de riffs syncopés à la lourdeur écrasante émaillés de larsens dissonants et soutenus par une double infatigable et les parties plus furieuses où les riffs de grattes, complexes et enchevêtrés mais toujours parfaitement audibles, s’accélèrent furieusement pour notre plus grand plaisir sous les blasts tonitruants de Rolando Barros. La musique est excellente, les dix pistes de la galette s’enchaînent sans temps morts (mention spéciale pour l‘excellent Cult of
Blood, qui en moins de 3 minutes, donne une parfaite leçon de death brutal, rapide, groovy et furieusement intense!), et même si les titres se ressemblent beaucoup, le plaisir reste intact tout au long des 36 minutes que dure cette galette, durée idéale pour ce genre d‘offrande.
Une particularité édifiante du groupe, qui le distingue de la masse des hordes de death brutal anonymes, c’est cette aura malsaine et poisseuse, ce côté possédé et sauvage que l’on ressent véritablement sur les compos, le tout aidé par un son au poil (assez roots mais mettant bien tous les instruments en valeur, un régal!) et un accordage des grattes très bas. De même,
Grog n’hésite pas à distiller certains soupçons de black dans sa mixture pour relever la furie de sa musique (le riff de
Dead art Collection, ces vocaux hurlés qui viennent appuyer le growl caverneux de Pedro Pedra), et si le tout reste extrêmement entraînant, groovy et d‘une sauvagerie primitive et décomplexée, vraiment death metal en somme, cette noirceur macabre et maléfique suinte par tous les pores de la musique.
Paradoxalement, la musique est très propre, les instruments sont extrêmement bien maîtrisés, et le technique des zicos est plus qu’honorable, mais on est à des années lumières de cette vague de death ultra technique aseptisée à l’exécution robotique et au son clinique. Non, avec Odes to te Carnivorous,
Grog s’adresse à la bête tapie au plus profond de nous, réveille nos instincts primitifs et nous exhorte à nous laisser aller à nos pulsions animales dans un joyeux carnage auditif. Vous voulez passer un bon moment sans vous prendre la tête, à vous démonter les cervicales en éclusant des bières sur une musique excellente? Vous voulez vous défoulez en rentrant du boulot et calmer vos nerfs fatigués à grands coups de fureur death metallique? Vous êtes un dangereux psychopathe qui cherchez la bande son idéale pour perpétrer un massacre sanglant à coups de hache ou de pic à glace? Foncez vous procurer d’urgence ce
Odes to the Carnivorous, vous ne serez pas déçus!
Merci pour la chronique de ce très très bon album injustement passé inaperçu lors de sa sortie.Petit bémol cependant, Haemorrhage s'écrit avec un seul m et non deux !
Merci pour ta relecture attentive et ton oeil de lynx! Je m'en vais corriger cette petite erreur de suite !
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