Aaaaah, les années 90, quelle belle époque ! Cette force spirituelle implacable, ce génie créatif, cette soif d’exploration et d’avant-gardisme musical, cette âme fière et indomptable, ces églises qui crament, la naissance des légendes norvégiennes, le règne sans partage de la Scandinavie sur l’art noir et occulte…
Pourquoi commencer cette chronique par ces quelques mots qui nous font faire un saut de près de 25 ans en arrière, me demanderez-vous? Et bien tout simplement parce qu'il semblerait que les trois membres qui composent
Nordjevel soient des nostalgiques de cet âge d’or du metal. Fondé en 2015 par la paire Doedsadmiral et Nord qui partageaient apparemment une vision et une approche identiques du black metal, de l’occultisme, et des origines païennes de la Norvège, le combo ne tarde pas à recruter la machine de guerre Fredrik Widigs à la batterie (officiant également dans
Marduk), et à composer ce premier album éponyme qui sera bouclé en quelques mois à peine.
Moins d’un an après sa formation, le trio norvégien est donc prêt à conquérir le monde avec son black rapide, racé, glacial et impitoyable appuyé par
Osmose qui se chargera de sortir son premier full length.
Qu’avons-nous donc au programme de ce premier album éponyme à la pochette magnifique ? Facile. Vous aimez les premiers
Marduk ? Vous aimez
Setherial ? Vous aimez
Naglfar ? Vous aimez
The Legion ? Alors vous serez en terrain connu, et il y a de fortes chances que vous appréciez
Nordjevel. On a le droit sur ces 45 minutes à un metal typiquement scandinave, aux riffs acérés et glaciaux, appuyés par une batterie à la vitesse hallucinante (merci Fred !), et à des vocaux particulièrement écorchés, le tout comme à la belle époque.
L’album s’ouvre sur un The Shadows of
Morbid Hunger dévastateur qui lacère les chairs et les âmes à l’aide de ces guitares pures et tranchantes que l’on croirait ciselées à même les glaciers norvégiens. D’une manière générale, le rythme est très soutenu, les riffs s’enchaînent, implacables et exécutés au millimètre, distillant quelques mélodies exaltées et épiques comme on les aime. La voix de Doedsadmiral, parfaitement écorchée, ajoute une touche glaciale et haineuse à l’ensemble, histoire de parfaire un tableau qui ressemble à s’y méprendre aux grandes fresques sauvages et rugueuses que les Suédois commençaient à esquisser dans les années 90. Car oui, si quelques passages lorgnent du côté d’
Immortal ou des premiers
Enslaved, et que le riffing sonne parfois norvégien, on pense plus dans l’ensemble à l’école suédoise, surtout grâce au jeu destructeur et terrifiant d’intensité de Widigs qui rajoute une brutalité sans concession à l’ensemble de ces 45 minutes. L’alternance de ces blasts implacables et sauvages et de ces mélodies impérieuses qui exhalent le souffle givré du Grand Nord font également penser à un groupe comme
Istapp.
Djevelen I Nord commence sur ce riff majestueux au feeling norvégien, avant que le mitraillage impitoyable de la batterie ne vienne déchaîner sur ce titre une vraie tempête de blasts. On alterne entre rafales impétueuses proprement irrésistibles portées par un batteur hallucinant de rapidité, et ralentissements de tempo sur ces riffs enneigés et sauvages à la beauté nostalgique, gonflant notre cœur d’une fierté païenne. The
Funeral Smell quant à lui, ferait presque penser au
Gorgoroth des débuts, avec un mid tempo énergique, ces riffs à la fois entraînants, groovy et irrésistibles, ces vocaux furieux et hurlés qui rappellent ceux de
Hat, et ce passage de guitare hypnotique à la pureté glaciale qui revient comme un leitmotiv lors des refrains.
L’album se termine sur une grande fresque épique de plus de dix minutes, Norges Sorte Himel, qui commence par quelques notes de claviers à la mélancolie gelée, avant d’enchaîner sur un riff fédérateur et grandiose relayé par un rythme tribal qui rappelle des tambours de guerre. Les choses sérieuses commencent dès 1,41 minutes, avec ces guitares traînantes et plaintives appuyées par ces riffs à la norvégienne, majestueux et exaltants, qui ne sont pas sans rappeler
Taake. On suit
Nordjevel dans la blancheur immaculée et sauvage des fjords, de la neige jusqu’aux genoux, la hache poisseuse du sang des ennemis à la main, le vent gelé soufflant dans nos cheveux le calme de la sérénité après la bataille. En milieu de morceau, un solo dantesque vient pleurer ses larmes gelées et relancer la marche guerrière en un mid tempo exalté, que certaines sublimes mélodies de guitares viendront magnifier, jusqu’au final hébété qui reprend la mélodie de clavier du début. Un superbe morceau, quintessence du black metal scandinave épique, qui vient clore en beauté ce premier album plus que réussi du trio norvégo-suédois.
Finalement, il n’y a pas grand-chose à reprocher à ces neufs morceaux d’une exécution parfaite et d’un feeling imparable, si ce n’est une certaine redondance et un côté parfois prévisible de l’ensemble étant donné que les structures des morceaux ont un peu tendance à se répéter. Aussi, il est évident que
Nordjevel souffre un peu la comparaison avec les Grands qui se sont illustrés avant lui, proposant en 2016 une musique certes impeccable mais déjà vue et revue depuis les glorieuses années 90.
Ceci dit, en tout état de cause, nos trois metalheads ont frappé très fort avec cette première réalisation, et devraient satisfaire tous les nostalgiques de cette période bénie du black ainsi que les amateurs des groupes précités. Il faut croire que les montagnes de Norvège recèlent encore bien des trésors, et ce n’est pas nous qui allons nous en plaindre !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire