Chroniquer un live, c’est pas toujours ce qu’il y a de plus excitant. Mais quand le groupe s’appelle
Avulsed, fête ses 25 ans et pratique un death brutal bien gras et groovy parfaitement calibré pour la scène, la sortie d’un double live enregistré à domicile, en l’occurrence le 19 novembre 2016 à Madrid, peut être intéressante. Et ça tombe bien, car ça fait un petit bout de temps qu’
Avulsed n’a pas enregistré un de ses concerts : depuis 1993 très précisément, autant dire que ça remonte !
Au niveau de la set list, les Madrilènes ont été malins, se contentant de jouer l’intégralité de l’excellent album/compilation
Deathgeneration sorti l’an passé, et y ajoutant le morceau Hidden Perversions de leur premier album ainsi qu’une version acoustique d’
Elegy for the
Rotting. Autrement dit, 22 titres pour deux heures de musique, soit un balayage complet sur 25 ans de carrière, faisant la part belle aux débuts du groupe. Ceci dit,
Avulsed n’étant pas exactement le genre de groupe qui se révolutionne d’un album à l’autre, l’ensemble de ce show est parfaitement homogène et compact, nous présentant ce que les vétérans espagnols savent faire de mieux : un death direct, gras, spontané et velu sans prise de tête ni fioriture. Pour ceux qui ne connaissent pas, on pourrait situer le combo espagnol pile entre les deux références que sont
Cannibal Corpse (le début de Sick Sick
Sex, Nullo), en moins technique et rapide tout de même, et
Six Feet Under, en moins basique et linéaire.
Comme on peut s’y attendre pour ce style de musique, les grattes sont bien grasses et ronflantes (difficile de distinguer la basse dans ce mur sonore d’ailleurs, sauf sur le début de Powered
Flesh, quel dommage!) et nous envoient leurs riffs qui tronçonnent et éclaboussent sans trop se poser de questions : on sent un concert authentique où le son n’a pas été retouché, et ça fait plaisir à entendre.
La plus grande différence d’avec le studio vient de la voix de Dave
Rotten, souvent considéré comme l’un des vocalistes les plus gutturaux du circuit : on se rend compte que le type est finalement humain, avec des growls plus raclés, glaireux et moins propres que sur album, et des aigus pas toujours très bien assurés. Il est d’ailleurs amusant de constater que le gaillard est un frontman très sympathique et communicatif, avec une « vraie » voix plutôt nasillarde lorsqu’il s’adresse au public, ce qui casse gentiment le mythe du boucher psychopathe que l’on se plait volontiers à imaginer dans tout groupe de death gore.
Cette remarque s’applique finalement à l’ensemble du show d’
Avulsed, les Espagnols se contentant de balancer une flopée de hits à un public entièrement acquis à sa cause, le tout sans se prendre au sérieux (les hispanophones pourront s’amuser à relever les Cabron, Puta Madre et Joder ! qui parsèment la galette, les autres se contenteront de compter les rots du frontman).
Ceci dit, le quintette a de l’expérience, et pioche intelligemment dans son répertoire un mélange équilibré de brutalité (Breaking Hymens, les début de
Addicted to
Carrion et Burnt but not
Carbonized) et de groove (
Carnivoracity, ultra basique mais d’une efficacité redoutable, avec ce riffing lourd et imparable qui nous lamine la tronche,
Horrified in
Repulsion avec ce rythme marqué et entraînant qui fait irrésistiblement taper du pied), alternant passages rapides et écrasants avec un savoir-faire qui n’est plus à démontrer, et on est finalement plus dans le mid tempo velu et brise nuques que dans le tricotage de manche et le blast à tout va. Le tout n’est pas parfait (un son un peu baveux, un chant parfois approximatif), mais reste délicieusement gras et visqueux (
Devourer of the
Dead fait presque penser à du Gronib’ par moments) et on sent que les zicos se font autant plaisir que les spectateurs, ce qui est bien le principal.
On déplorera juste la fin du live qui s’étire inutilement avec trois pistes parmi les plus longues de l’album, Dave
Rotten haranguant la foule en d’interminables laïus, et dans l’ensemble, un peu trop de blabla qui casse parfois le rythme de l’ensemble. De même, les puristes d’un death gore dit brutal feront peut-être la grimace à l’écoute d’un concert décidément bon enfant, véritable hommage aux opérations sans anesthésie, à la viande avariée, et aux films de série Z qui se déroule dans une parfaite bonne humeur. Un live bien sympathique en somme, certes pas inoubliable, mais qui nous rappelle à une bonne époque où le death metal n’avait pas besoin d’une technique inhumaine et d’une vitesse supersonique pour nous mettre une bonne claque.
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