C'était il y a cinq ans déjà.
Cinq ans que j'ai découvert Gris de par leur superbe album « Il était une forêt... », et c'était la première fois que je me penchais vers un genre de Black
Metal différent de ce qui se faisait chez les têtes de files du mouvement, issus de leurs baraques en bois et lotissements scandinaves, tout de noir et blancs barbouillés.
Gris, déjà même s'il reste dans le froid et la neige, change de longitude, change de continent et met un bon gros océan atlantique entre ses racines Black
Metal et son apport personnel de musique moins occultiste.
Adieu Vieille Europe, bonjour ancienne Nouvelle-France.
Car c'est au Québec et sur sa scène underground de
Metal extrême que l'on retrouve Gris, au milieu des comparses comme Sombres Forêt, ou encore
Monarque, développant une musique qui se différencie de leurs pairs (pères?) scandinaves par une propension à filer le mouron et à jouer plus sur l'aspect dépressif et négativiste plus que sur la haine et l'occultisme de nos brûleurs d'églises préférés.
C'est de manière anti-chronologique que je me suis mis à écouter «
Neurasthénie », album enregistré à l'époque où le groupe s'appelait encore
Niflheim. On m'a prévenu que la musique serait bien différente de leur second opus, mais j'ai décidé de faire fis de ces mises en gardes, ayant entière confiance en un groupe dont le talent m'avait sauté aux yeux si brutalement.
J'ai eu tort. Du moins c'est ce que j'ai cru à ce moment là.
Au premier abord, je n'ai pas reconnu Gris. Je n'ai pas reconnu ces structures travaillées, cette folie enchanteresse qui guide de la première à la dernière piste comme sur leur deuxième album...
J'ai été déçu. J'ai été choqué. Peut-être même anéanti. Et puis je me suis ressaisi.
Neurasthénie commence mal. Mal dans le sens où ca fait mal, véritablement. La composition est lente, répétitive, totalement dénuée d'envolées ou de passages épiques comme sur la suite de leurs travaux. La production est sale. Tellement sale que j'ai failli m'étouffer. Icare joue de la batterie aussi bien que moi: un poum tchack des plus basiques que ne pourraient même pas envier AC/DC, chante sous une nappe d'effets et de distorsion complétement dégueulasse, et me déprime partiellement tellement je trouve ça mou.
Neptune quant à lui ne semble pas aussi inspiré dans la composition. Les riffs, parfois beaux, parfois chiants, se suivent, se ressemblent, s'alternent, mais ne surprennent pas. Loin est le grandiose, loin est le magistral. Je me sens trahi, violé. J'arrête.
Quelques semaines ou mois plus tard, je retente l'expérience.
C'est toujours aussi mauvais. Mais j'ai changé d'avis. Je vais prendre ce disque pour ce qu'il est, à savoir un exemple flagrant de DSBM on ne peut plus classique. Je supprime même de moi l'idée que c'est Gris qui est à l'origine de ce disque, et je décide d'utiliser leur première appellation,
Niflheim, comprenant du même fait pourquoi le nom a changé entre temps.
Le résultat est... étonnant. J'écoute et à force de le réécouter, je finis par aimer ce que je considérais comme étant une daube infâme.
Gris était à l'époque un groupe jeune qui avait décidé de faire du Black
Metal, mélangeant le sombre et la noirceur des racines du genre à la dépression maladive que subissent ses deux géniteurs. Le Black
Metal étant une manière simple et efficace d'exprimer les idées les plus épaisses, il n'est pas incompréhensibles d'avoir voulu produire quelque chose de destructeur plutôt que de détruire quelque chose de créateur, à savoir eux-mêmes.
Le choix de la musique plutôt que l'abandon de la vie a été judicieux dans un sens car le talent bien que présent déjà aux prémices de leur travail ne pouvait que s'améliorer par la suite. Les mélodies de
Neurasthénie sont certes simplistes et peu travaillées, elles reflètent pourtant parfaitement le type de composition auxquels nous ont habitués les cadors du DSBM. Le but de
Neurasthénie n'était sans doute pas de faire quelque chose d'original et de magistral comme ils l'ont fait sur Il était une forêt... Mais sans doute de faire quelque chose de classique, de simple, d'expiateur afin de se plonger dans un univers musical, de se faire un nom et surtout de poser les bases d'un genre qui finira par devenir ce que l'on connait d'eux aujourd'hui.
Par deux fois donc, ce groupe m'a surpris. Alors il est certain que comparer le premier et le second album est une erreur que j'ai commise à ne surtout pas reproduire, d'ailleurs je ne recommande pas de les écouter à la suite de peur d'y trouver une scission trop grande, mais il n'empêche que...
Quand on développe la patience, l'attention nécessaire pour rentrer dans
Neurasthénie, avec ses répétitions, sa réverbération, sa production dégueulasse et ses trop nombreuses erreurs de jeu... Et bien on arrive à vivre cet album. On arrive à y voir de la tristesse, du désespoir, de la noirceur, de la saleté et du vide... Beaucoup de vide.
Et c'est en ça que réside la beauté: que l'artiste par sa musique puisse transmettre les sentiments, sensations et idées qu'il y met.
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