En 2007 Gris nous avait quitté avec le magnifique "
Il Etait une Forêt...", une œuvre noire, brute de décoffrage, faite de saturations de guitares poussées à leur maximum, de cris de douleurs et de haine. Le groupe déversait sa colère et sa honte d'appartenir à l'espèce humaine. L'album est très rapidement devenu une référence du SDBM pour tous les amateurs du genre. Le groupe nous avait annoncé un retour en 2010 avec un soit disant album nommé "L'Alchimiste" mais celui-ci n'a jamais vu le jour et le groupe ne donna plus aucun signe de vie, à part pour nous annoncer une collaboration avec Sombres Forêts et la création de "Misere Luminis" en 2009. Tous les espoirs de voir la création d'un nouvel album semblaient donc perdus. Jusqu'à cette année 2013 qui se veut annonciatrice du grand retour de Gris et de son nouvel album "À L'Âme Enflammée... A L'Âme Constellée".
Qu'est donc devenu le groupe après six ans d'absence ? Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps, Gris nous a sorti avec ce nouvel opus l'album de l'année en matière de black metal. Je dois toutefois vous avertir qu'une entière attention de la part l'auditeur doit être portée sur l'écoute de l'album pour l'apprécier pleinement et plusieurs seront nécessaires pour en distiller toutes les subtilités. Avec "À L'Âme Enflammée... A L'Âme Constellée", Gris est devenu plus mature et a mis de côté les lamentations criardes de "
Il Etait une Forêt..." et évite ainsi la facilité du côté dépressif et ado mal dans sa peau. Cet album se veut beaucoup plus atmosphérique avec la constante présence d'instruments à cordes tels que le violon. Il suffit d'écouter l'intro "L'Aube" pour s'en rendre compte. Il fait débuter l'album comme se terminait "
Il Etait une Forêt..." avec "La
Dryade", avec quelques accords acoustiques et ce violon qui ajoute une note folklorique. Le calme avant la tempête qu'est "Les Forges", morceau fleuve de quatorze minutes, nous rentrons enfin dans le vif du sujet avec l'apparition de la saturation et des cris de douleur. Mais nous constatons que le côté Black s'est lui aussi assagi. La guitare est sans cesse doublée du violon, les voix moins agressives pour les oreilles, la haine fait donc place à la poésie. Les passages agressifs restent à chaque fois de courte durée pour faire place à des plages atmosphériques et acoustiques beaucoup plus longues.
Gris a donc totalement changé de visage et nous offre un album de plus de 80 minutes au cours desquelles l'ennui ne se fait jamais sentir tant celui-ci est varié avec des interludes acoustiques placés de telle sorte que les oreilles de l'auditeur peuvent se reposer avant une nouvelle déferlante de douleur. Le tout reste encré dans la mélancolie extrême. Gris nous dépeint sa vision de l'être humain, des émotions que l'on peut ressentir, la joie suivie des regrets pour finir en haine. Des espoirs qui se terminent en déception. Cet album est à écouter d'une traite tant les morceaux s'enchainent à la perfection. Gris a réussi le pari de marier la lumière à la musique la plus noire possible.
Avec "À L'Âme Enflammée... A L'Âme Constellée", les limites du Black
Metal et de toutes les musiques extrêmes en globalité ont été repoussées. Mon coup de cœur ira sur le morceau "seizième prière", le chant y est si désespéré, son authenticité est palpable, loin de tous ces groupes qui font du Black par intérêt, Gris vous fait partager sa douleur, nous avons aussi mal que lui, nous pleurons en même temps que lui. La tristesse n'a jamais été aussi belle, aussi pure et aussi bien retranscrite. Même ceux qui ont été rebutés par la soit disant niaiserie de "
Il Etait une Forêt..." sont obligés d'être touchés à un moment ou l'autre de cette album. On ne peut même plus le qualifier de Black
Metal, Gris a inventé un nouveau genre que l'on ne peut qualifier. L'avant guardiste a toujours été un style destiné à sortir des sentiers battus, Gris l'a osé et nous pouvons tous l'en remercier. Il nous a sorti une œuvre dont personne ne peut ressortir indemne.
Une fois rentré à l'intérieur, l'auditeur est comme retenu prisonnier, impossible d'en ressortir durant ces 80 minutes, une prouesse pour une telle durée et ce qui nous vient à l'esprit à la fin de ce périple est la question "c'est déjà terminé?" Toutes les pièces forment un tout et la première écoute risque d'être un peu difficile à digérer, mais si l'on accepte d'ouvrir son esprit et d'y accorder toute son attention, le voyage commencera et en revenir n'en sera que plus difficile. Je ne mettrai pas la note parfaite car beaucoup de personnes pensent qu'aucun album ne la mérite, et pourtant ce "À L'Âme Enflammée... A L'Âme Constellée" la mérite amplement ne serait ce que pour avoir eu l'audace de sortir des sentier battus et de nous offrir cette œuvre d'une richesse inégalée et d'une infinie beauté.
edit : C'est vraiment au niveau des vocaux que ça change, je les trouve bien plus perçants dans Il était une forêt, plus déchirés.
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