Si vous suivez un peu l’actualité de Season of
Mist, vous savez certainement que le label français a décidé de rééditer tous les albums de la discographie du duo américano colombien
Inquisition agrémentés d’un nouvel artwork signé Paolo Girardi. C’est au tour de
Nefarious Dismal Orations, quatrième album de la formation, de sortir en ce mois de mai 2015, dont la splendide nouvelle pochette, bien plus blasphématoire, rend mieux compte de l’art satanique du combo, nous décrivant une scène infernale digne de la Divine Comédie de
Dante.
Une intro grésillante semblant provenir d’un vieux film d’horreur nous accueille et fait doucement monter la tension pendant une minute, avant que le premier blast, terriblement lourd et mat, ne vienne exploser nos oreilles, appuyant un riff lobotomisant à l’épaisseur opaque et occulte : c’est
Ancient Monumental
War Hymn qui démarre réellement, et c’est parti pour 46 minutes d’un black à la fois violent, mélodique, envoûtant et malsain dont seul
Inquisition a le secret. Lors des breaks plus lents, les guitares se font particulièrement dissonantes, nous engluant de leurs harmonies poisseuses qui nous possèdent de leur noirceur hypnotique.
La musique d’
Inquisition a finalement assez peu changé depuis le premier album, toujours aussi facilement identifiable, avec en premier lieu le chant toujours aussi spécial de
Dagon, véritable marque de fabrique du groupe, résonnant comme une litanie grave, rauque, sèche et coassante et baignant les neuf morceaux de cette offrande dans un occultisme étouffant et d’autant plus terrifiant que la voix est presque posée, calme, comme déterminée à mener son rituel innommable jusqu’au bout, quelles qu’en soient les conséquences ( elle est plus décharnée et incantatoire que jamais sur
Strike of the
Morning Star, morceau par ailleurs assez simple basé sur quelques riffs efficaces et une double pédale omniprésente).
Pour le reste, on reconnaît ces riffs simples mais extrêmement graves et sombres, terriblement efficaces et envoûtants, renforcés par ce son titanesque qui nous immerge dans les profondeurs des abysses, ainsi que cette batterie infatigable qui alterne blasts et mid tempi lugubres.
D’ailleurs, on remarquera qu’
Incubus a pris du galon, martyrisant ses futs avec une vitesse et une précision redoutable, et d’une manière générale, les nouveaux morceaux sont plus rapides et plus violents que sur les albums précédents : certains passages font presque penser à du
Belphegor (c’est flagrant lors de certaines parties de blasts à la lourdeur écrasante, et plus précisément sur
Ancient Monumental
War Hymn lorsque, dès 4,10 minutes, les invocations de
Dagon sont doublées de ces éructations death proprement terrifiantes qui rappellent beaucoup la bestialité vocale d’Helmuth).
Oui,
Inquisition a indubitablement radicalisé sa musique (ces cris d’horreur et de souffrance qui nous déchirent les tympans à la fin de
Nocturnal Gatherings and Wicked Rit), une influence thrash venant même parfois pointer le bout de son nez (le début de ce même morceau avec ce solo hurlant et bordélique qui sent bon l’urgence, le court et tonitruant
Infernal Evocation of Tourment). On pense parfois à
Immortal, autant pour ces vocaux lugubres et grinçants que pour ces riffs simples effectués en allers retours hystériques et ce rythme déchaîné qui nous entraînent dans un blizzard glacial et maléfique (les riffs furieux et le matraquage impitoyable du titre éponyme).
En revanche, ce regain d’agressivité se fait au détriment des mid tempos magiques et envoûtants si caractéristiques du groupe, qui, bien que toujours présents, se font moins diaboliquement irrésistibles : hormis l’excellent
Ancient Monumental
War Hymn, il faut attendre le quatrième titre
Through the Infinite
Sphere Our
Majesty Shall Rise pour avoir un titre majoritairement mid tempo avec ces quelques plages atmosphériques et lancinantes où les guitares grésillent délicieusement, nous berçant de leurs mélodies aussi noires qu’astrales. Disons que d’une manière générale, si le duo est plus direct dans sa musique, il est un peu moins prenant et intense dans les ambiances qu’il développe et fatalement plus linéaire (un titre comme Before the Symbol of
Satan We
Vow and Praise, bien qu’assez bon, est plutôt dispensable). Ceci dit, Where
Darkness Is
Lord and Death The Beginning nous sert également ce riffing si particulier à la beauté hébétée, qui nous assomme littéralement par sa lourdeur plaintive, mélange de bestialité et de mélancolie imparable. Même si le titre est un peu long, les parties blastées restent mélodiques grâce à ces riffs majestueux, puissants et désolés à la fois, et à un certain groove désabusé appuyé par l’écho sourd de la double pédale.
Inquisition montre ainsi qu’il n’a pas perdu son savoir-faire et qu’il continue à propager un art noir malsain, envoûtant et inspiré dont lui seul a le secret. Peut-être un peu en-dessous des albums précédents, Nefrious
Dismal Oration n’en est pas moins une franche réussite, une de plus dans la discographie d’
Inquisition qui réalise jusqu’ici un sans-faute. Si vous ne l’avez pas déjà en votre possession, il serait dommage de passer à côté de cette réédition: n’attendez pas de mourir pour profiter de l’Enfer !
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