Né en 2011 du projet du pluri-instrumentiste et vocaliste Jesus Pinilla, avec le concours de la chanteuse Maria Jose Martos, le combo madrilène encore peu connu sur la scène metal locale nous ouvre ses portes. Pour nous livrer son message musical, celui-ci œuvre dans un metal atmosphérique gothique empreint à la fois de romantisme, de mélancolie, de mysticisme et de noirceur crépusculaire, dans le sillage de
Draconian et de Blutengel. Registre metal d'appartenance auquel s'ajoutent quelques traits jazzy et pop-rock, conférant à ce propos toute son originalité. Aux fins d'un travail minutieux et intensif en studio, ce n'est que deux ans plus tard que sortira des cartons leur premier effort, à l'aune de «
Mystery Timeline », modeste album full length de 8 titres déroulés sur un ruban auditif de 34 minutes, distribué par le label
Metal Hell Records. La qualité de l'enregistrement ainsi que celle du mixage sont de bon aloi, peu de notes résiduelles venant gripper la machine, même si quelques finitions auraient mérité plus d'attention. Mais, pour un premier jet, le groupe s'en sort honorablement, nous poussant à effectuer notre parcours auditif jusqu'à son terme.
D'une part, le collectif ibérique a opté pour une dynamique rythmique soutenue pour nous livrer ses premiers accords, ce qui semble lui avoir réussi. Ainsi, au fil d'une succession de riffs rageurs coalisés à une rythmique vrombissante, le sombre et énergisant « Turn Me on », non sans rappeler
Draconian, laisse évoluer de sémillants et inaltérables gimmicks à la lead guitare conjointement à de coupantes lames synthétiques. Une lourde atmosphère nous envahit alors, mêlant une insoutenable torpeur et d'énigmatiques aspérités. Parallèlement, les vénéneuses inflexions en voix de gorge disséminées par Jesus sont relayées par les claires impulsions de sa comparse, pour un subtil jeu d'ombre et de lumière, au final. Pour sa part, l'entraînant « Let Your Desires » prend de faux airs de Theatre of
Tragedy pour nous happer, notamment par ses refrains catchy à souhait. Ce faisant, les fines et puissantes volutes de la déesse finissent par atteindre leur cible, celle de nos émotions, sous-tendues pour cela par un tracé mélodique d'une précision d'orfèvre. Les nappes synthétiques confèrent à ce titre gothique une touche électro dans le carcan d'
Amaranthe, contribuant à renforcer l'impact de la foudre s'abattant sur nous.
Lorsqu'il ralentit la cadence, le groupe nous conduit en de mélancoliques paysages de notes, non sans charme. Ainsi, le mid tempo « What Dreams
Hide » déploie des riffs graveleux étreignant une lourde rythmique, dans une atmosphère mélo-gothique au cheminement harmonique infiltrant. De déchirantes et aériennes patines oratoires de la sirène se combinent avec naturel au climat délétère et un poil enigmatique, mais au sillon mélodique jamais déroutant, de la pièce. Une petite pépite à appréhender et à adopter au fil des écoutes. D'autre part, le mid tempo aux accents pop-rock «
Enchantment » déploie ses couplets effilés alternant avec des refrains immersifs. De captateurs arpèges au piano escortent une souple rythmique, secondée par des riffs en tapinois. Sans être un foudre de guerre, ce titre s'avère être un bien agréable instant, imprégné du doux filet de voix du maître de cérémonie, derrière lequel s'insinuent quelques accords finement travaillés à la lead guitare. Enfin, une rythmique syncopée et soft assistant le poignant duet nous introduit à l'univers mélancolique et planant de « Conversations with Myself ». De larmoyants couplets suivis de refrains emplis de sensibilité nous parviennent et entre lesquels s'intercalent un passage jazzy ainsi qu'un petit solo de guitare bien amené.
Mais là où nos acolytes se sont montrés les plus à leur aise concerne les moments intimistes, permettant de nous livrer leurs mots bleus, selon des modes d'expression différents. Ainsi, délicate et très apaisante ballade quasi automnale, « Maybe » s'offre aisément à nos tympans alanguis. Dans cette trame empreinte de volupté, le duo mixte évolue de concert, en parfaite osmose, le long d'aériens couplets et de coulants refrains, sur une immersive rythmique en low tempo. Un moment éminemment romantique, où de jolies gammes au piano s'infiltrent au sein d'un délectable pont mélodique, interrompant à peine nos deux vocalistes qui, bien inspirés, n'auront que peu de mal à nous cueillir dans leurs filets. Dans cette veine, mais d'une autre manière, une empreinte vocale d'une profondeur abyssale et quasi linéaire nous mène à l'atmosphère lunaire de « Grand
Mystery », ballade aux subtiles variations de tonalité, avec quelques séries de notes jazzy en substance, renforcées par de sulfureuses rampes au piano. Toutefois, on comprend mal l'intérêt du placement d'un riffing progressif en fin de parcours, en plus de nous imposer une brutale césure en clôture d'acte. Enfin, un guitare/voix masculine claire entame « Timeline », saisissante ballade atmosphérique feutrée et soulignée par une section rythmique empreinte de légèreté et une lead guitare d'inspiration brit pop. Exercice rondement mené et propice à l'adhésion même si une impression de déjà vu émane des entrailles du refrain.
On ressort de l'écoute de la galette imprégné d'une douce lumière à l'aune de ses huit pistes, oscillant entre dynamique rythmique, mélancolie romantique et rayonnement harmonique. Les insoupçonnées variations contenues dans chacune de ces portées attirent irrémédiablement le pavillon, conférant ainsi au message musical son substrat. Par ailleurs, la technicité est éprouvée sans pour cela envahir la toile de son omniprésence, tout se faisant en touche, en nuances, avec un souci permanent d'unicité instrumentale et vocale accolé au propos. Pour l'heure, on découvre une première mouture qui, malgré quelques petits défauts de production n'entamant en rien le plaisir que l'on peut éprouver à la parcourir, en appellera probablement d'autres. Un travail artistique et technique de qualité et agréable à effeuiller qui devrait trouver son public, dont celui inspiré par ce registre metal. Affaire à suivre, donc...
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