S'il est des formations désireuses de prendre le temps nécessaire à la pleine maturité de leurs gammes et de leurs arpèges, ce duo espagnol serait assurément du nombre. En effet, créé voilà onze ans par le pluri-instrumentiste et vocaliste Jesús Pinilla, avec le concours de sa comparse, la chanteuse au gracile filet de voix Maria Jose Martos, le combo madrilène nous gratifiera deux ans plus tard d'un poignant et romantique «
Mystery Timeline », que deux autres années sépareront de l'intimiste «
The Most Attractive Force », ses deux premiers albums studio. Il faudra alors au chaland patienter la bagatelle de huit années supplémentaires avant de lui livrer son troisième et présent opus, «
Collapse », signé, comme ses aînés, chez
Metal Hell Records. Ce faisant, les 10 pistes que compte le méfait permettront-elles au collectif ibérique de se muer en un redoutable opposant face à ses challengers, toujours plus nombreux à affluer dans cette arène ?
Plus encore, les 47 aériennes minutes de son ruban auditif lui autoriseront-elles dès lors l'accès au rang de valeur confirmée du metal atmosphérique gothique à chant mixte ?
Dans la lignée de ses devanciers, ce troisième mouvement estampé rock'n'metal atmosphérique gothique se fait à la fois ombrageux, mélancolique et romantique. Un poil plus sombre que son prédécesseur, cet opus y adjoint une touche électro pour le moins inattendue, tout en conservant les coloratures pop-rock et progressives d'hier. Ce faisant, des sources d'influence aussi éclectiques que
Lacrimas Profundere,
Beseech,
Theatre Of Tragedy,
Darkwell,
The Birthday Massacre,
The 69 Eyes et
Draconian parsèment le présent méfait. Conformément à ses exigences propres, la production d'ensemble demeure soignée mais nullement aseptisée : à nouveau produit, enregistré, finement mixé et mastérisé par Jesús Pinilla, ce troisième élan témoigne, à son tour, de finitions passées au peigne fin. Alimenté de sonorités inédites, cohabitant alors avec des vibes d'hier et de naguère, ce message musical ne serait-il pas à considérer comme un heureux trait d'union entre passé et présent, comme pour mieux préparer l'avenir ? Une exploration minutieuse des lieux s'impose...
A l'aune de son aînée, c'est sur une cadence mesurée que s'effectuera pour l'essentiel le parcours de cette galette, non sans pépites disséminées sur notre chemin. A commencer par « The Colour of This
Night », avenant mid tempo metal gothique aux riffs épais et aux effluves électro gothique, au carrefour entre
Lacrimas Profundere,
Theatre Of Tragedy et
The Birthday Massacre ; simultanément doté d'un refrain immersif à souhait mis en exergue par un duo mixte en voix claires en parfaite symbiose, d'insoupçonnés et grisants clapotis synthétiques et d'un flamboyant solo de guitare à mi-morceau, l'enivrant effort ne se quittera qu'à regret. Un poil plus enfiévré, « Wickedness » s'offre, lui, tel un engageant mid/up tempo metal électro gothique dans la veine coalisée de
Lacrimas Profundere et de
Beseech ; pourvu d'enchaînements intra piste ultra sécurisés et de frissonnantes rampes de claviers, encensé, en prime, par les poignants médiums du vocaliste patenté, le ''tubesque'' effort ne saurait davantage être éludé. Et comment ne pas se sentir porté par les vibes enchanteresses de « Permanent Regression » ? Ce ''beseechien'' mid/up tempo syncopé aux grisants gimmicks guitaristiques se voit encensé par de sensuelles impulsions masculines auxquelles répondent, un peu tardivement, certes, d'angéliques patines féminines. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans sa manche...
Lorsqu'ils en viennent à flirter avec le progressif, nos acolytes ne se sont guère avérés plus malhabiles, loin s'en faut. On pourra, en premier lieu, opter pour «
Distant Times », intrigant low tempo atmosphérique gothique aux touches progressif et dark dans le sillage coalisé de
The 69 Eyes et de
Draconian ; pourvue de couplets finement ciselés relayés chacun d'un entêtant refrain, mis en relief par les fluides oscillations du maître de cérémonie, l'aérienne et souffreteuse offrande poussera assurément le chaland à une remise du couvert en fin de parcours. Dans cette énergie, on ne saurait davantage esquiver «
Collapse », low tempo graduel empreint de mystère et voguant sur d'ondulantes nappes synthétiques. Non sans renvoyer à la fois à
Draconian et à
The Birthday Massacre, cette plage, apaisante en apparence, se cale sur une mélodicité toute de fines nuances cousue sur laquelle se greffent les angéliques ondulations de la déesse dans lesquelles se lovent les limpides volutes de son comparse. Et la magie opère, une fois de plus.
Quand les lumières se font un tantinet plus tamisées, nos compères trouvent à nouveau les clés pour nous retenir plus que de raison. On retiendra, tout d'abord, « The Colour of This
Night II », ballade gothique aux riffs grésillants et d'une infinie délicatesse, à mi-chemin entre
Beseech et
Darkwell ; mis en habits de lumière par les cristallines et troublantes modulations de la sirène, aériens couplets et entraînants refrains glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Emprunte de romantisme, la soyeuse offrande n'en recèle pas moins d'inattendues et poignantes montées en régime du corps orchestral. Et la sauce prend, in fine. « Remember », elle, se pose telle une ballade atmosphérique d'une sensibilité à fleur de peau, à la confluence de
Darkwell et
Draconian ; l'enivrant effort retiendra le féru de moments intimistes tant par l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre qu'au regard des chatoyantes ondulations d'un duo bien habité et de ses délectables gimmicks guitaristiques. Enfin, « Everyone of You » se pare quant à elle, d'un joli slide à la guitare acoustique. Une ballade atmosphérique gothique pétrie d'élégance se dessine, où l'on regrettera cependant tant l'inopportunité que la longueur d'un break à mi-morceau, atténuant, de fait, la portée émotionnelle de la tendre aubade.
En dépit de ses mérites, l'un ou l'autre bémol atténueront, de fait, la portée de ce message musical. Difficile, d'une part, de retenir « Based on
True Events », énigmatique et lascif low/mid tempo aux riffs crochetés dans le sillage de
Lacrimas Profundere ; malgré des séries d'accords finement esquissées, sa lente mise en condition et quelques linéarités mélodiques empêcheront l'éthéré méfait de se hisser au niveau de ses voisins de bobine. Et que dire de «
Hope », mid/up tempo syncopé éthéré et délicat dans la mouvance commune de
The 69 Eyes et de
Lacrimas Profundere ? Déversant des schèmes d'accords en proie à une tenace répétibilité et se calant sur un sillon mélodique peu oscillatoire, et, en dépit d'un final en crescendo bien amené, l'accroche peinera à s'opérer. On passera donc son chemin, une fois encore.
Au final, à l'aune d'un opus développant des harmonies aussi subtiles que pénétrantes, et aux fins d'écoutes circonstanciées, le combo ibérique parvient à nouveau à nous prendre dans ses filets. Diversifiant ses phases technicistes comme ses lignes de chant, reposant à son tour sur une ingénierie du son de bon aloi et dévoilant quelques sonorités vierges de toute incursion de la part de ses auteurs et des plus invitantes, cet effort n'aura pas tari d'armes pour asseoir sa défense. Concédant toutefois l'une ou l'autre baisse de régime, voire quelques zones de remplissage, et en dépit de louables prises de risques, cette offrande ne pourra supplanter sa devancière. Bref, un troisième message musical à la fois enivrant, intrigant et d'une sensibilité à fleur de peau, qui, s'il s'avère moins aisément immersif que son aîné, est néanmoins susceptible de placer nos acolytes parmi les valeurs confirmées de leur registre metal d'affiliation. Affaire à suivre...
Note : 14,5/20
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