Trois années après nous avoir gratifiés d'un vibrant « Presentiment », son premier album full length, et quelques dix années suite à sa création, le groupe hongrois revient dans les rangs, non sans une certaine prudence. Le temps pour l'expérimenté sextet originaire de Szeged de peaufiner la qualité de ses enregistrements et d'ajuster son mixage. Et ce, à l'aune de cet EP 3 titres dénommé «
Monuments » ; troisième auto-production, d'une durée de 23 minutes, dont nous ne retiendrons que la version hors titres bonus, la seule disponible pour l'heure, dans cette analyse.
Si le groupe évolue encore dans un metal gothique progressif aux relents dark, dans la veine de
Draconian ou
Trail Of Tears, il adjoint cette fois une touche folk dans le sillage d'
Eluveitie, un zeste d'
Evanescence dans ses passages tamisés et un virage plus rock qu'auparavant. C'est dire que sans tourner le dos à ses fondamentaux, la troupe a cherché de nouveaux espaces d'expression à son art et une orientation alternative à son projet. Pour ce faire, le line up a subi une légère refonte, le fondateur, guitariste et chanteur Dömötör Gyimesi s'étant à nouveau entouré de Mária Csányi-Molnár (soprano), János Mayer (claviers), tout en y agrégeant les talents de Krisztina Baranyi (violon), Péter Gilián (en remplacement de Gergő Drahota à la basse), Tamás Tóth (succédant à Jenő Miklós
Godó à la batterie), et Diána Czirkó (flûte), sollicitée pour l'occasion.
Pour nous remémorer quelques gammes d'un passé magnifié, avec néanmoins d'inédites variations stylistiques, le combo nous livre une intéressante proposition à la rythmique plurielle, où se marient des voix que tout semble opposer. Ainsi, l'éponyme «
Monuments », instant torturé et progressif dans la lignée de
Draconian, doublé d'une touche free jazz, ne se laisse dompter qu'aux fins de plusieurs écoutes circonstanciées. Ce faisant, ce plantureux méfait attire le tympan par sa capacité à alterner de puissantes attaques de riffs acides et quelques passages plus en retenue, mis en exergue par un fin legato à la guitare acoustique, un violon tourmenté et de gracieux arpèges au piano. Et ce, tout en offrant une insoupçonnée, et somme toute plaisante, triangulation vocale entre un duo mixte en voix claires et des growls glaçants. Et la magie finit par opérer...
Comme il nous y avait déjà sensibilisés, et non sans un bel élan d'inspiration, le groupe nous livre cette fois un pléthorique manifeste d'une durée et d'une densité orchestrale et vocale encore inédites. Dotée de fins harmoniques, mis en habits de lumière par un violon virevoltant, la fresque progressive «The Passing
Faith in
Others » aux faux airs de
Trail Of Tears, avec un soupçon de
Eluveitie, impose 12 minutes d'un spectacle à la fois épique, évanescent et romantique, où des choeurs enveloppants et un violon enjoué sont à l'honneur. Mêlant d'énergisants et complexes ponts techniques où hurlent les guitares saturées et quelques moments feutrés d'inspiration folk, cette offrande sait cultiver ses contrastes rythmiques et panacher ses accointances instrumentales. Et ce, pour nous offrir un voyage au long cours dans le temps et ménager ses effets de surprise. Et ce ne sont pas les siréniennes incantations féminines qui manqueront de nous retenir.
Lorsqu'il nous livre ses mots bleus, comme il l'a déjà démontré par le passé, le collectif hongrois parvient à nous aspirer dans son sillage sans avoir à forcer le trait. Ainsi, à la lumière de couplets ouatés relayés par d'enchanteurs refrains à la fine mélodicité, on restera rivé jusqu'à la note ultime de « Drop the Curtain » ; somptueuse et touchante ballade atmosphérique progressive que n'aurait nullement reniée ni
Evanescence, ni
We Are The Fallen. Bref, une sensible et troublante offrande où ni les cristallines modulations de la sirène, ni même celles de son comparse en voix claire, et encore moins le sémillant solo de guitare, ne rateront leur cible, celle de nos émotions les plus intimement enfouies.
On redécouvre donc un groupe qu'on pensait, à tort, éteint, ou, pour le moins, en perte de vitesse et qui, en l'espace de trois morceaux, a démontré tout le contraire. En outre, le sextet hongrois a témoigné de quelques prises de risques parfaitement assumées, d'une ouverture élargie de son horizon artistique et d'un potentiel technique et mélodique difficile à prendre en défaut. Sans oublier un petit supplément d'âme transpirant par tous les pores de la menue rondelle. On regrettera toutefois de devoir se contenter d'une si frugale offrande de la part d'une formation qui, pourtant, n'avait tari ni d'inspiration, ni d'allonge sur son précédent opus. On espère simplement ne pas devoir patienter encore trois longues années avant l'octroi d'une prochaine livraison. Wait and see...
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