Direction la République Fédérale d’Allemagne pour l’enregistrement de ce premier album de
Sortilège. Pour les plus jeunes ou les Martiens, la seconde guerre mondiale se sera soldée sur le plan géographique par une scission en deux de l’Allemagne avec une partie Est sous influence de l’
Union Soviétique et une partie Ouest adhérant à la Communauté Economique Européenne. Deal avec Madrigal en poche, nos 5 jeteurs de sorts s’enferment donc au Hermès Studios, parce qu’ils le valent bien, sous la houlette de Peter Lat.
Le résultat se déguste d’abord visuellement, au travers d’une pochette signée Philippe Druillet, dessinateur fameux de l’époque Pilote et
Metal Hurlant, géniteur entre autres de Lone Sloane. Une fois posé sur la platine, l’objet de toutes nos attentes auditives bénéficie d’un son clair et puissant où l’on distingue tous les instruments.
Seul petit bémol, le mixage sur certains titres s’avère approximatif mais ne boudons pas notre plaisir.
Sortilège revient avec un menu de choix, de type gastronomique mais pas trop copieux.
L’apéritif par définition s’arrose d’un bon titre speed rentre-dedans comme « D’ailleurs » propulsé par un lead de guitare de Didier Demejean en béton armé et une ligne de basse qui éclabousse de la tête aux pieds. Instruments bien en place, le premier solo est exécuté avec fougue et la voix de Zouille se rappelle déjà à nos bons souvenirs. Un coffre bien en souffle et des paroles abordant des thématiques surnaturelles et imaginaires. Appréciez « Sur l'autel noir des sacrifices, un mortel y subit des sévices, le ventre ouvert et le thorax béant, relié à une machine, d'ailleurs, on lui pompe son énergie, d'ailleurs, on lui enlève sa vie, d'ailleurs, à tous il aura servi » qui ne laisse pas le moindre doute sur l’envie carnassière du groupe. Brève entame de 2 minutes 32 qui s’avère être le point commun de la partie pêchue de l’album.
« Civilisation perdue » part aussi très fort avec un Stéphane Dumont qui tricote avec vélocité toutes les gammes de sa six-cordes et nous offre un solo hyper Démonstratif mais juste. Le riffing de locomotive dont le brasier de la chaudière est entretenu avec sérieux par un Daniel Lapp bien mis en avant va très vite engager la motrice fumante sur une voie de garage, interrompue en plein élan au bout de 2 minutes 12. Christian Augustin aura eu à peine le temps de chauffer son organe. Tiens, tiens, le prix de l’heure de studio en Allemagne était-il au-dessus des moyens du manager de
Sortilège ?
On retrouve ce goût de trop peu sur le mid-tempo « Légende » à peine plus long et ne parvenant pas au seuil des 3 minutes. Le riff pourtant râpeux et la cavalcade de la quatre cordes auraient mérité un peu plus d’espace. D’un autre côté, la concision évite de sombrer dans des longueurs indigestes et permet d’apprécier la pointe d’accélération proposée par Bob
Snake sur son roulement de double grosse-caisse et le solo presque brouillon mais si intense de son frère guitariste.
Cherchant à se rapprocher de la performance de son benjamin notamment sur un nouveau solo digne des plus grands, Bob
Snake lâche les chevaux en introduction de « Cyclope de l’Etang » d’un mini solo où son kit en prend plein les peaux. Le riff glisse avec rectitude sur le fil d’une histoire contée par le divin chanteur, toutes vocalises dehors. Daniel Lapp aplanit à nouveau tout doute sur sa capacité à ravager les steppes de Mongolie sous la lame de sa basse terrifiante.
Je sens pointer une once d’inquiétude en vous. J’y arrive, ne vous inquiétez pas. Ben oui, comment chroniquer
Métamorphose sans faire allusion au chant hors catégorie de Christian « Zouille » Augustin. A lui tout seul, il emporte la timbale !
Après la chanson à texte, il invente, non sans perfidie, le titre à voix ! Comme ses glorieux ainés, Ronnie James
Dio ou Rob
Halford, le timbre de son organe vocal se reconnait à la première note et transfigure le banal en pièce d’anthologie.
Commençons en douceur avec « Majesté ». En deux temps trois mouvements, ce titre heavy servi admirablement par les 4 musiciens est sublimé par les interventions d’un Zouille conquérant et orgasmique. La basse monstrueuse de Lapp et le solo à rallonge de Stéphane Dumont s’accouplent avec délice à la magnifique voix d’un chanteur hurlant des « Majesté » plus intenses à force que le titre approche de son terme. Encore des paroles savoureuses : « le verdict est rendu, ils seront tous déchiquetés, par les tigres repus, qui protègent sa majesté, dans un carnage atroce, sous le regard réjouit de leur père, les animaux féroces, en terminent avec les chairs ». Combien d’entre nous auront pris leur micro imaginaire bien en main et tenté un playback maladroit à l’écoute de ce titre.
L’enchainement avec « Hymne à la
Mort » coule de source. Dès l’amorce, le chant et les chœurs donnent le ton à ce morceau heavy d’excellente facture. Les deux guitares crachent leur lead massif sur une section rythmique mixée à l’avantage de la basse sur une batterie un peu trop étouffée. Christian Augustin parsème les 5 minutes 30 de sa verve et de sa montée dans les octaves sans pour autant écraser complètement la mélodie. Stéphane Dumont délivre un modèle de solo trahi par un feeling moins évident, dû sans doute à l’impatience de sa jeunesse.
La pièce maitresse de cet album restera ce « Délire d’un Fou » transcendé par le feeling énorme et la technique sans faille de Zouille, sorte d’arme fatale de la griffe
Sortilège. Après des dizaines d’écoute à l’époque et tout récemment encore en préparant ce papier, comment ne pas être hypnotisé par les couplets et ce refrain vous transformant en un dictateur de pacotille à la Charlie Chaplin, seul, casque sur la tête, plongé dans le noir et poing serré, arrachant avec force « le Monde entier, à ma botte, à ma botte » de votre gorge en ébullition ? Une mélodie simple, un zeste de nervosité rythmique, un solo stellaire, Zouille reprend le manche après le break dans un duel amical avec la guitare cosmique de son compère soliste avant de laisser retomber le calme. Enorme titre à classer au firmament du heavy-metal gaulois.
Peut-on pour autant déjà penser à un groupe coupé en deux ?
D’un côté, les frangins Dumont associés à Daniel Lapp et Didier Dem pour produire des morceaux de heavy-metal intenses et racés, tant dans la maitrise des instruments que leur impact mélodique. Et de l’autre un chanteur, soliste dans l’âme, détenteur du feu nucléaire lorsqu’il commence à ouvrir le bec.
«
Métamorphose » qui clôture admirablement ce premier LP tenterait à prouver le contraire. Lorsque les ingrédients sont correctement assemblés, la mayonnaise prend d’autant plus facilement. L’osmose parvient à se faire entre un front-man assurant des parties vocales en lead hors du commun et des musiciens doués pour dénicher la mélodie qui restera gravée dans vos cerveaux pour un long moment. L’instrumental « Nuit des Limbes » rappelle avec malice que
Sortilège ne repose pas que sur une voix, aussi incroyable soit-elle. Il apparait bien trop court et s’arrête lorsque le propos musical devient intéressant. En s’en dispensant, les autres titres auraient bénéficié peut-être d’un peu plus de longueur. Pêché de jeunesse sans doute.
Ou bien début de voie d’eau sur le navire
Sortilège ?
Didier –
Novembre 2013
Il suffit que je tousse
Pour qu’immédiatement vous soyez broyés
Très bon album et pochette de Druillet (sublime! )
Salut les mecs super album une réédition serait la bien venu.
j'ai justement acheté la réédition de 2017 avec en bonus les titres en 1er mix et cd bonus version anglaise. C'est exactement le genre de réédition qui me déplait, des bonus qu'on écoute peu et la version anglaise est très dispensable
Formidable ce groupe, et se sont recomposés, vus au Hellfest cette année, ils sont en concert à Rouen ce 29 octobre...avis aux fans
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