De ses débuts dans un deathcore symphonique attrayant à un metalcore moderne et mélodique, la carrière musicale de
Make Them Suffer est une véritable attraction à sensations fortes. Néanmoins, ce dépassement de soi et cette quête d’authenticité n’ont pas toujours été concluants pour la formation australienne. Lors de son basculement entre un death aux atmosphères éthérés (
Neverbloom,
Old Souls) et un metal alternatif/core dont l’accessibilité, l’harmonie et le chant clair priment (
Worlds Apart), nous avons pu observer une certaine friabilité qui avait été jusqu’à présent utopique. Fort heureusement, cette passe quelque peu délicate fut éphémère pour le collectif puisque leur dernier disque en date
How to Survive a Funeral affichait un compromis intéressant entre la brutalité de ses premières ébauches et la délicatesse de ses dernières réalisations.
Depuis, les Australiens avaient été plutôt discrets avant finalement d’annoncer au bout de trois ans et sur leurs réseaux sociaux une signature auprès de la maison de disques Shaptone Records. Cet engagement s’est suivi juste derrière de la publication d’un nouveau titre nommé
Ghost On Me avant que le combo retombe dans le silence. Il faudra attendre une année supplémentaire pour que le second titre Epipath soit divulgué et plusieurs mois encore avant la présentation du troisième et dernier single
Oscillator et l’annonce d’un nouvel album éponyme. Lors de cette longue période, la lineup du groupe s’est vue être chamboulée suite au départ de sa claviériste et chanteuse Booka
Nile, immédiatement remplacée par Alex Reade (Drown This City).
Un « nouveau départ » est donc amorcé pour notre vaillante troupe, un tour de piste qui va rapidement s’avérer glissant et dangereux. La principale raison de ces dérapages concerne les compositions en elles-mêmes puisqu’au travers des onze mélodies, on ne constate pas vraiment de manœuvres ou de renversements de la part de l’écurie. Ses membres sont en pilotage automatique et ne se soucient guère des conditions extérieures. Qu’il s’agisse des premières échappées comme Weaponized ou des dernières combines telles que
Ghost of Me, les principes sont les mêmes à savoir des couplets virulents aux riffings acérés, aux vocaux impétueux et aux sonorités électroniques percutantes. Les refrains sont quant à eux davantage dans la mélodicité et le cristallin notamment grâce aux synthétiseurs ainsi qu’à un chant clair rassurant.
Presque sans exception, tous les titres prennent cette même direction au point parfois d’en devenir grotesque. Le quintet force parfois son agressivité lors de riffs autoritaires ponctués de breaks pour accentuer ce sentiment de lourdeur comme c’est le cas sur un
Mana God qui laisse peu de place au répit. Il s’agit d’ailleurs de la seule chanson qui ne présente pas de chant clair, ce qui aurait pu être un sacré atout si les guitares n’étaient pas aussi limitées dans leur riffing et si les vibrations électroniques n’étaient pas autant exagérées. L’esprit cybernétique est de temps en temps tellement au cœur des instrumentaux qu’il devient complexe de différencier les cordes aux claviers. A l’écoute du final Small Town
Syndrome, on est en droit de se questionner sur la nature du son, s’il s’agit bien de guitares ou de réverbérations électroniques.
Pourtant, au milieu de ces ressemblances souvent risibles, des éclairs ingénieux s’abattent au sein des compositions. Sur le premier couplet d’
Oscillator, l’extrait purement électronique presque trap par moments part d’une intention louable, d’une mise en place d’une ambiance assez mystérieuse et intrigante. Si l’expérimentation est minime, elle permet tout de même au morceau d’être un peu plus prenant.
Les rares instants atmosphériques à l’instar des pré-chorus de
Ghost of Me sont aussi des bons points à mettre au crédit de nos Australiens. Bien qu’ils ne soient pas révolutionnaires, ils ont au moins le mérite d’imprimer un regard un tant soit peu varié.
La dualité entre le screaming masculin et la prestation limpide féminine est toujours à l’avantage du quintet, même si la surprise n’est plus vraiment de mise. Le chant d’Alex Reade atteint parfois des tons suaves et célestes sur Small Town
Syndrome ou sur
Oscillator pour plus de fantaisie, folie qui fait malheureusement bien défaut au disque …
Avec cet album éponyme,
Make Them Suffer s’est installé dans une habitude qui, bien qu’elle soit impactant, est dénuée de passion et de plaisir. La formation australienne, qui nous avait pourtant habituée jusqu’ici à des évolutions stylistiques audacieuses, semble ici se reposer sur des schémas trop convenus où l’alternance entre agressivité et mélodicité finit par devenir prévisible. Malgré quelques illuminations d’inventivité et une dualité vocale toujours efficace, l’absence de renouvellement et le fort tempérament électronique de la production peinent à convaincre sur la longueur. Ce cinquième opus est donc un échec partiel qui, sous le poids de ses propres automatistes, s’est écroulé par ses insuffisances et son laxisme. Espérons qu’il s’agisse-là d’un simple faux pas pour le combo et qu’il sera capable de relever rapidement la tête …
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