Liste des groupes Metal Gothique Sacred Groove MSTRPLN

Prudence est mère de sûreté, dit-on... Un adage suivi à la lettre par la formation allemande cofondée par le guitariste Dennis Meivogel et le batteur Stefan Deiners. En effet, il aura fallu patienter la bagatelle de quatre années depuis « Needful Things », leur introductif et délicat album studio, pour se voir octroyé un second et énergisant effort, « The Other Side » (2015), que six autres longues années séparent de leur troisième et présent mouvement, « MSTRPLN » ; une auto-production où se dispatchent 11 pistes (dont les quatre singles : « Ghosts of Yesterday » en 2020 ; « Masterplan », « Never Be Alone » et « Misery » en 2021, successivement) sur un ruban auditif de 51 minutes. Dans ce dessein, aux côtés des deux têtes pensantes, continuent d'évoluer le bassiste Bastian Sawalt et la chanteuse russe aux cristallines et chatoyantes inflexions et actuelle claviériste Alona Levina. A l'aune de cette nouvelle offrande, le collectif teuton serait-il dès lors en passe de se hisser parmi les valeurs confirmées du metal gothique symphonique à chant féminin ?

Conforme aux aspirations stylistiques premières du groupe tout en recelant une modernisation de ses sonorités, non sans rappeler celles de son devancier, ce méfait a une coloration pour l'essentiel rock'n'metal mélodico-gothique, symphonique et progressif, aux riffs de guitare plutôt engageants, où les lignes de claviers se font bien plus présentes désormais. Influencé tour à tour par Mattsson, Autumn, Nightwish (première période), Delain, Vuur, Ancient Bards et Lunatica, le combo accole dorénavant une touche plus personnelle dans son set de partitions, et ce, tant dans ses harmoniques que dans les ambiances convoquées et ses sentes mélodiques. Mastérisé et mixé par le groupe lui-même, aux Castlestreet Studios Germany, tout comme son aîné, le propos bénéficie d'un mixage équilibrant à parités égales lignes de chant et instrumentation et d'un soin particulier apporté aux finitions. Mais laissons-nous guider par nos compères, avec l'indicible espoir d'y déceler quelques pépites essaimées sur notre parcours...

A nouveau, la troupe témoigne de sa capacité à concocter ces séries d'accords qui durablement vous resteront gravées en mémoire, ce qu'elle démontre amplement au regard de ses plages les plus magmatiques. Ainsi, c'est d'un battement d'aile que le tympan se verra happé par le refrain catchy mis en exergue par les chatoyantes inflexions de la sirène dont se pare l'enjoué et ''delainien'' « Ghosts of Yesterday ». Une accroche qui s'effectuera tout aussi aisément sur « Masterplan », un up tempo pop metal gothique symphonique à l'entraînant riffing et à la frondeuse rythmique, à mi-chemin entre Delain et Vuur. Un poil plus emprunté et énigmatique mais guère moins efficace, l'échevelant et ''jamesbondien'' « Can You See the Storm », quant à lui, décoche de sémillants arpèges d'accords, et ce, sans jamais relâcher la pression, tout en nous réservant un bref mais éblouissant solo de guitare à mi-parcours. Mais le magicien aurait d'autres tours dans sa manche...

Tout aussi toniques mais moins aisément inscriptibles parmi les hits en puissance, d'autres espaces d'expression sauront néanmoins tirer leur épingle du jeu. Ce qu'illustrent « Nevermore » et « Second Coming », deux tempétueux manifestes power symphonique gothique aux riffs acérés, l'un déployant d'amples nappes synthétiques et décochant un flamboyant solo de guitare, que n'auraient nullement renié ni Lunatica, ni Mattsson ; le second instillant une énergie aisément communicative dans sa trame et recelant un inaliénable et headbangant tapping, dans la droite lignée d'Ancient Bards. Et comment ne pas se sentir porté par « Secret Places », un frondeur et ''delainien'' effort aux gimmicks guitaristiques judicieusement positionnés et emmené par une interprète bien inspirée ?

Lorsqu'il complexifie son propos, comme il nous y avait déjà accoutumés, le combo teuton parvient là encore à nous retenir plus que de raison. Ainsi, à la lumière de ses nombreux coups de théâtre et d'une efficiente technicité instrumentale, les 6 minutes de la pièce metal symphonico-progressive « Times of Temptation » glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Aussi, effeuille-t-on une ''nightwishienne'' et chevaleresque plage sous-tendue par un soyeux filet synthétique, dynamisée par de puissants et inaltérables coups de boutoir ; un vaste champ de turbulences où déambulent les poignantes ondulations de la princesse, laissant entrevoir des arrangements orchestraux de bonne facture. Peut-être bien, là encore, le masterpiece de la galette.

Sur une cadence plus mesurée, le quartet germanique ne s'est guère montré moins impactant, tant s'en faut. Ce qu'atteste, d'une part, le ''nightwishien'' mid/up tempo syncopé « The Journey to Hell and Back », un vibrant effort aux riffs grésillants voguant sur une ligne mélodique des plus enveloppantes où viennent se greffer les ensorcelantes impulsions de la déesse, et pourvu d'un fringant solo de guitare et de délicates gammes au piano. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage esquiver « Misery », un tubesque low/mid tempo rock'n'metal mélodique gothique pourvu de couplets finement esquissés relayés chacun d'un refrain certes convenu mais immersif à souhait.

Quand les lumières se font tamisées, nos gladiateurs en profitent pour nous adresser leurs mots bleus les plus sensibles. Aussi, c'est sans ambages que la magie opérera sur « Never Be Alone », une ballade a-rythmique développant un guitare acoustique/voix angélique du plus bel effet. Ainsi, un fin picking mêlé aux troublantes ondulations d'une interprète bien habitée et calées sur un infiltrant cheminement d'harmoniques pourront assurément gagner le cœur de l'aficionado du genre intimiste. Tout aussi romantique, « See You Again » se pose telle une subtile et ''autumnienne'' ballade aux airs d'un slow qui emballe, mise en habits de soie par les cristallines patines de la maîtresse de cérémonie qu'escorte à nouveau une guitare acoustique à l'enchanteur legato.

La formule du second opus resterait-elle inchangée ? Dans son sillage mélodique gothique, ce troisième opus s'avère toutefois plus symphonisant que son devancier. A la fois volontiers mordant, souvent troublant et pétri d'élégance, ce propret set de compositions allie parallèlement une technicité instrumentale éprouvée et une mélodicité transpirant la féconde inspiration de ses auteurs ; sans omettre l'hypnotique empreinte vocale d'une interprète désormais aguerrie. Varié sur le plan rythmique, le propos l'est en revanche bien moins sur l'axe atmosphérique et vocal, la belle monopolisant le micro sur la totalité de la rondelle.

En l'absence de prises de risques supplémentaires et pourvoyeuse d'exercices de style parfois stéréotypés, qu'elle comble par des arrangements de bon aloi et des arpèges plus finement échafaudés aujourd'hui qu'hier, la troupe complète son offre sans pour autant marquer de son empreinte une quelconque évolution artistique. Etat de fait qui ne saurait cependant l'empêcher de se hisser parmi les valeurs confirmées de son registre metal. Délicatesse formelle, charme et magnétique ferveur sont au menu de cette troisième offrande...

Note : 15,5/20