Underoath a toujours été un groupe polyvalent, aussi bien dans ses nombreux changements de line-up que dans ses orientations musicales. On ne peut ainsi jamais être vraiment fan du groupe, à moins bien sûr de suivre les yeux fermés leurs changements de style (les têtes blondes du fan-service se reconnaitront). Suivre l’évolution musicale d’une formation, c’est beau mais ça n’est jamais facile, surtout lorsque la prise de risque est trop grande. Ainsi, en œuvrant dans du black/hardcore pour ensuite s’orienter progressivement vers un metalcore/screamo efficace,
Underoath avait d’ores et déjà perdu de nombreux fans pour en gagner de nouveaux, notamment grâce au succès de
They're Only Chasing Safety, leur album le plus commercialement parlant connu.
Define the Great Line était on ne peut plus mélodique, plus ambiant aussi, ajoutant à leurs sons des passages post-metal voire sludge, apportant une nouvelle dimension à leur univers. Un album jugé déstabilisant voire décevant à sa sortie. L’évolution ne cessant jamais pour les Chrétiens américains, leur sixième album allait une fois de plus bouleverser la donne…
Intitulé
Lost in the Sound of Separation, toujours produit par le duo Matt Goldman / Adam Dutkiewicz, ce nouvel album nous entraîne dans une orientation musicale bien différente de ce qu’on avait l’habitude d’entendre jusqu’alors. Ainsi, tandis que les influences black metal pourrissent bel et bien aux oubliettes, ce sont désormais les influences post-rock qui s’amoindrissent une nouvelle fois, le groupe optant pour des sonorités plus rock, plus émotionnelles. Les musiciens ont mûri et ont décidé d’oublier la hargne d’antan pour contenir leur fabuleuse énergie dans quarante minutes plus maîtrisées. Délivrant une musique progressive, quasi-atmosphérique dans l’ensemble mais non dénuée d’une certaine puissance,
Underoath parvient à se renouveler et à persévérer dans un style certes différent mais néanmoins fidèle à ses origines. Cette fidélité et ce lent changement musical opère notamment grâce à la présence de Spencer Chamberlain, toujours aussi communicatif lorsqu’il vocifère, mais aussi du batteur/chanteur Aaron Gillepsie, dont
Lost in the Sound of Separation sera le dernier album avant son départ définitif pour le groupe de rock alternatif
The Almost.
Comme
Define the Great Line, ce sixième opus part vers des horizons plus rock, plus déjantés parfois (en témoignent les riffs déstructurés quasiment chaotic hardcore sur "Anyone Can Dig a
Hole But It Takes a Real Man to Call It
Home" et "The Only
Survivor Was Miraculously Unharmed" pour ne citer que eux), se lâchant sur des mélodies inspirées, des riffs sludge fracassants, des dissonances inattendues. Se construisant donc une sorte d’identité moins accessible mais tout aussi efficace,
Underoath surprend de nouveau.
Outre les riffs variés et réfléchis du tandem James Smith & Tim McTague, c’est l’alternance entre le scream torturé – de plus en plus travaillé – de Chamberlain et la voix angélique de Gillepsie (bien moins gnan-gnan qu’autrefois) que l’auditeur va être enchanté, les deux gaillards nous enivrant de par leur évidente complicité. Gillepsie se déchaîne par ailleurs derrière les fûts, que ce soit dans la diversité de ses mouvements ou dans l’apport d’un jeu grandiloquent et aérien, l’artiste nous en met plein la vue tout en ne débordant jamais. Ainsi, des titres magnifiques comme "
Emergency Broadcast :: The
End Is Near" (que l’on qualifierai plutôt de long interlude) et "The Only
Survivor Was Miraculously Unharmed" nous feront partir dans des horizons lointains, balancés entre le paisible et la nervosité.
Aucun morceau ne s’avère ennuyeux, le groupe variant entre passages lourds (l’incroyablement terrassant "We Are the Involuntary"), rythmes effrénés et parties plus mélodiques, le tout avec cohérence et minutie. Et si le fan de la première heure se retrouvera quelque peu perdu face à ces nouvelles sonorités moins « metal », moins agressives et plus aériennes (on le comprend), l’auditeur désireux de se pencher sur une musique exaltante et progressive se léchera les babines et ne pourra décoller son oreille de cette petite merveille finalement époustouflante qui ne souffre que de quelques titres moins persuasifs et d’une disposition des titres pas toujours réussie. Dans tous les cas, cette nouvelle expérimentation d’
Underoath ne pourra pas plaire à tout le monde, des premiers blackeux aux récents metalheads emos, le groupe préférant continuer sur une voie plus calme, plus maîtrisée et moins formatée (bien que la production s’avère un poil trop propre à mon goût) pour délivrer finalement un album tout en grâce et en puissance, un album diablement personnel, angélique et passionnant, à part dans la discographie mais néanmoins important.
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