Liste des groupes Metal Gothique Unshine Karn of Burnings

Prudence est mère de sûreté, dit-on... Un adage suivi à la lettre par ce quintet finlandais sorti de terre en 2001 à Helsinki. Ainsi, plutôt que de chercher à essaimer leurs riffs coûte que coûte, nos acolytes ont préféré à la fois peaufiner leur production d'ensemble et affûter leurs gammes et leurs arpèges. Aussi, les quatre albums studio réalisés entre 2005 et 2018 témoignent-ils d'une technicité instrumentale et vocale difficile à prendre en défaut et qui s'est affermie, et d'arrangements plus finement esquissés aujourd'hui qu'hier. C'est dans cette énergie que nous parvient le cinquième et présent élément, « Karn of Burnings », que six longues années séparent de son frissonnant aîné, « Astrala ». Sorti tout comme lui chez le puissant label italien Rockshot Records, ce nouvel élan serait-il dès lors en mesure de porter le groupe parmi les valeurs de référence du metal gothique à chant féminin ?

A bord du navire, nous accueille l'équipe de la dernière croisière tout entière, soit : Susanna Vesilahti, chanteuse aux limpides et magnétiques impulsions ; Harri Hautala, aux guitares et aux claviers et au chant additionnel ; Jari Hautala, aux guitares ; Teemu Vähäkangas (Bloodride, Weight Of Oceans), à la basse ; Jukka Hantula, à la batterie. De cette étroite collaboration émane un propos metal gothique symphonique folk et progressif à la fois empreint de mystère et des plus enivrants, soit, dans la droite lignée des fondamentaux stylistiques du groupe. Ce faisant, un univers metal symphonique proprement ''nightwishien'' s'allie à nouveau à l'énigmatique environnement de Qntal et à une atmosphère folk dans la veine coalisée de Eluveitie et Elane. Ne concédant parallèlement que peu de sonorités résiduelles tout en offrant une belle profondeur de champ acoustique, ce cinquième effort nous place dès lors dans des conditions quasi optimales pour effectuer les 45 minutes de la traversée d'un seul tenant. Mais entrons plutôt dans le chaudron bouillonnant des druides, en quête de pépites intimement cachées dans ses entrailles...


Nous conduisant volontiers en de magmatiques contrées, le collectif nord-européen aspirera alors bien souvent le tympan. Ce qu'atteste, tout d'abord, « Arrival of Aurochs », ''eluveitien'' mid/up tempo syncopé aux riffs acérés eu égard à ses enchaînements intra-pistes des plus sécurisants. Aussi effeuille-t-on une piste entraînante, un brin énigmatique et marquée par de forts contrastes rythmiques, où un fin picking à la guitare acoustique s'inscrit en creux, emmenée par les fluides oscillations de la sirène. Et la sauce prend, in fine. Dans cette énergie, rappelant alors conjointement Qntal et Elane, l'engageant « Sakraali Elementaali » happera le pavillon du chaland tant par ses riffs crochetés et ses variations atmosphériques que par ses sémillants arpèges d'accords. On ne saurait davantage éluder « Aettarfylgja », trépidant et troublant manifeste aux riffs épais et empreint d'effluves tribales, au carrefour entre Eluveitie et Nightwish ; laissant entrevoir un refrain immersif à souhait mis en exergue par les cristallines inflexions de la déesse et ne desserrant la bride qu'en de rares instants, la pulsionnelle plage poussera peu ou prou à un headbang bien senti.

A l'aune de son prédécesseur, ce méfait se plaît à varier plus encore ses phases rythmiques, non sans nous bousculer un peu, comme pour mieux nous aspirer dans la tourmente, au final. Ainsi, c'est sans ambages que les vibes enivrantes exhalant des entrailles du ''qntalien'' mid tempo progressif « Maa Jälkeen Ihmisen » nous rallieront à sa cause. A la fois empreint de mystère et de jovialité, encensé par les pénétrantes modulations d'une interprète bien habitée, et enserrant un discret mais seyant solo de guitare, le félin effort poussera à y revenir, histoire de goûter une fois encore à cette ronde de saveurs exquises. Un poil plus tempéré et complexe, le low tempo progressif « Tara », pour sa part, ne se laissera apprivoiser qu'au fil d'écoutes circonstanciées ; en dépit d'une rythmique émoussée et de son caractère éthéré, l'intrigant élan ne délivre pas moins un pont techniciste judicieusement positionné que suivra une grisante montée en puissance du dispositif instrumental. Dans une même logique, la fresque « Mill of Bergelmir » déroule ses 7 minutes d'un voyage en d'oniriques contrées ; demeurant le plus souvent sur la réserve, cette piste en vient parfois à prendre l'ascendant, et à nous happer par là même occasion.

Quand il nous mène en des espaces plus apaisants, le combo parvient à nouveau à nous retenir un peu malgré nous. Ce qu'illustre, d'une part, « Hjul », ballade folk atmosphérique à la fois intrigante et des plus envoûtantes, à mi-chemin entre Elane et Eluveitie ; calée sur une mélodicité toute de fines nuances cousue sur laquelle se greffent les ensorcelantes volutes de la maîtresse de cérémonie, que rejoignent parfois les growls tout en discrétion de son comparse, et recelant d'insoupçonnées montées en régime du corps orchestral, la soyeuse offrande pourra sans mal se jouer de toute tentative de résistance à son assimilation. Dans cette mouvance, au regard d'harmoniques chatoyants, de sa magnétique atmosphère celtique et de la qualité de ses arrangements instrumentaux, « Lennä Toive » pourra, à son tour, laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui s'y seront engagés.


Au terme de ce cinquième passage en terre druidique, force est de constater que l'attention demeure intacte, et ce, de la première mesure au souffle ultime des 45 minutes de l'opus. Diversifié quant aux exercices de style dispensés et bénéficiant à son tour non seulement d'une ingénierie du son plutôt soignée mais aussi d'une technicité instrumentale et vocale éprouvée, cet effort repose donc sur des assises stables, témoignant d'un niveau d'exigence élevé du combo avec lui-même. De plus, assez souvent l'émotion requise sera au rendez-vous des attentes de l'aficionado du genre.

Cela étant, au regard de la complexité de certains schèmes d'accords esquissés, cet élément, aussi grisant soit-il, exigera, comme son devancier, une écoute des plus minutieuses. S'inscrivant à son tour dans un registre plutôt soft, et ce, dans la veine de ses sources d'influence, ce troublant album pourra néanmoins figurer dans la cd-thèque de l'inconditionnel du groupe. Aussi, ce mouvement à la fois tortueux, intrigant et pénétrant ne permettra pas pour l'heure au combo finlandais de se muer en valeur de référence de ce registre metal. Bref, un cinquième et fascinant périple en terre mystique, contribuant cependant à l'asseoir plus encore parmi les valeurs confirmées dudit registre...

Note : 14,5/20