Un éternel espoir du death metal, c'est un peu l'idée que je me suis fait des danois d'
Illdisposed, et pourtant, depuis leur formation en 1991, le groupe n'a jamais explosé. A l'instar d'un
Gorefest,
Illdisposed s'est distingué dans les années 90 par un death metal particulièrement lourd et groovy tout en étant très brut de décoffrage. Avec le son de guitare de Lasse Bak et les growls de Bo "Subwoofer" Summer essayant de repousser le sens du mot caverneux, l'album "
Submit" a marqué les esgourdes à l'époque, même si c'est en prenant de la bouteille que son style s'est mieux exprimé. Les Danois sont restés fidèles à leur crédo premier, sans tomber dans la surenchère du sous accordage, tout en développant sur certains albums un côté mélo.
Il s'est passé cinq ans depuis leur quinzième LP "
Reveal Your Soul for the Dead" (2019), avec l'impact du COVID qui a forcé les membres du groupe à se concentrer sur d'autres activités en attendant des jours meilleurs. La longévité de la bande portée par son fondateur Bo Summers (chant) et son guitariste et compositeur
Jakob Batten force le respect malgré de nombreux changements de line up ; récemment le guitariste Rasmus Henriksen, atteint d'un cancer du cerveau, a dû quitter le groupe pour se consacrer à 100% à son traitement, il a été remplacé par leur ancien guitariste Ken Holst. Depuis le temps que le groupe existe, il est clair qu'il ne révolutionnera rien, mais dès que j'ai pris dans les dents "
Spitting Your Pain" et son riff qui vous fait instantanément osciller les cervicales, difficile de résister à la curiosité.
L'album a été enregistré au studio Antfarm de Tue Madsen, réputé pour magnifier les gros sons heavy de guitare (
Dark Tranquility,
Moonspell,
Meshuggah,
Dagoba,...), qui l'a mixé et masterisé. On trouve
Jonas Friis Andersen aux synthés, et en guest Sandie The
Lilith de
Defacing God, en renfort aux chœurs avec des vocaux blackisants sur "Lay Low" et "I
Suffer".
Doté d'un très bel artwork de Timon Kokott qui donne envie de passer la porte infernale ouverte par les nordiques, "
In Chambers of Sonic Disgust" est sorti le 28 juin 2024 sur le label allemand
Massacre Records (
Atrocity,
Toxik,
Sinister,...).
Une chose est sûre, le groupe a su garder intact son talent pour délivrer un death metal outrageusement efficace, bien mis en valeur par une production impeccable. Certaines compos sont d'une simplicité enfantine, un riff basique, un refrain un peu plus mélodique ou tordu et quelques breaks pour articuler tout ça, le tout suant une ambiance viciée à souhait : ça fonctionne à merveille sur "
Flying Free", mais ça se révèle parfois un peu emprunté comme sur "Start Living
Again", malgré de surprenants intermèdes teintés de samples de guerre technologique. L'accélérateur est enfoncé franchement et la double grosse caisse est de sortie sur "
And Of My
Hate" et le final "
Pain Suffer Me" ou le quintette fait parler la poudre sans trop de fioritures.
La section rythmique fait dans le simple et efficace, la batterie de Rasmus Schmidt plantant le cadre avec sobriété et la basse de Onkel K.Jensen gonflant la base sur mur de guitares. Le groove se niche dans les guitares, dont les riffs massifs se destructurent sous les contretemps et petites cassures de rythme à la main droite. On a affaire à un album de gros riffs, mas pas que, puisque chaque morceau a une teinte mélodique ou d'ambiance restituée avec soin. Quelques soli viennent parachever le tableau (celui très mélodique de "For Us").
On
Retrouve des envolées mélo sur des refrains prenants (celui de "Lay Low"), avec des arrangements de claviers discrets mais bien dosés, qui contrebalancent agréablement les passages plus monocordes axés sur la puissance. "All Electric" est à mon sens un peu le pari manqué de l'opus, avec une très bonne idée de riff pas vraiment exploitée, et avec quelques passages qui tombent un peu à plat, particulièrement les refrains où la place est laissée aux claviers… alors qu'ils n'apportent pas grand-chose.
En étant taquin, je dirais que le morceau "The Ill-Disposed", qu'on se serait attendu à résumer la quintessence de leur musique, aurait pu s'appeler "The Goji-Rated", avec cette façon malsaine de jouer sur les disharmonies. Quoique je ne serais pas étonné que les Frenchies aient été inspirés par les Danois à un moment donné du vingtième siècle...
J'avoue que j'ai eu l'espoir insensé d'un éclat de génie pour ce groupe très attachant, car on sent bien qu'
Illdisposed n'a pas encore sorti l'album étalon, son "Vulgar Display Of
Power", ou son "
Wolverine Blues", comme ont pu le faire
Pantera ou
Entombed. Ce n'est pas pour cette fois, mais l'espoir fait vivre, même quand on parle de death.
Merci pour la chro !
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