L'aventure continue pour le discret combo néerlandais, et ce, quelque trois années suite à sa création sous la houlette du guitariste Eric Hazebroek (ex-
Stream of Passion, ex-The
Saturnine). Impulsé par son introductif et troublant EP « I » sorti il y a tout juste deux ans, et aux fins d'un travail des plus minutieux en studio, il décida alors de mettre les bouchées doubles. Aussi, revient-il dans les rangs avec, sous le bras, son premier album full length, le dénommé «
Hinterlands » ; une galette généreuse de ses 60 minutes où s'enchaînent sereinement 11 énigmatiques et infiltrantes pistes. A l'image de son aîné, l'atmosphère de cet opus se fait volontiers pesante et éthérée, parfois obscure, un brin mélancolique et teintée d'élégance. Ce faisant, cette œuvre rock'n'metal atmosphérique gothique et doom nous renvoie à nouveau aux univers d'
Autumn,
The Flaw,
The Gathering ou encore
Katatonia, la touche personnelle en plus...
Dans ce dessein, le line-up a subi quelques remaniements, l'actuel quintet s'étant dès lors substitué au quartet originel. A cet effet, Eric Hazebroek a une nouvelle fois requis les talents de Marjan Welman (
Autumn), frontwoman au timbre limpide et ambré, et de
Jim van de Kerkhof (ex-
All For Nothing) à la batterie et aux percussions. Membres auxquels se sont récemment rajoutés Thomas Cochrane (
Dystopia, ex-
Ancient Rites) à la guitare et aux cuivres ainsi qu'Arjan Heijden (ex-
Manifest, ex-
Acrid), en lieu et place de Douwe de Wilde (ex-The
Saturnine), à la basse. Avec le concours, pour l'occasion, de l'émérite violoncelliste Elianne Anemaat (
Celestial Season). Produite par Eric, mastérisée et mixée par l'expérimenté ingénieur du son néerlandais Hans Pieters, la présente livraison fait montre d'un enregistrement de bonne facture, ne concédant que peu de sonorités résiduelles. Quant à l'artwork d'inspiration fantastique et au trait affiné, il est l'oeuvre de la vocaliste grecque Gogo Melone (Aeonian
Sorrow,
Luna Obscura). On comprend que la formation batave s'est désormais dotée d'armes plus affûtées aujourd'hui qu'hier pour assurer sa défense...
A l'instar de sa précédente offrande, c'est à la lumière de ses moments évanescents que le groupe marque ses premiers points ; instants troublants qui, toutefois, pourront nécessiter plusieurs écoutes avant de se voir gagné par la torpeur du climat et la moiteur des lieux. Ainsi, à-mi chemin entre
The Gathering et
Autumn, le félin low tempo «
Hinterlands » et la ballade atmosphérique « Second » déversent tous deux leurs couplets finement ciselés que relayent des refrains éthérés mis en habits de soie par les sensuelles inflexions de la belle. Et la magie opère... Pour sa part, la version remastérisée du mystérieux « Mother of Northern Skies » l'a épurée de toute sonorité parasite, cette dernière libérant alors un riffing plus aérien doublé d'une rythmique un poil moins pesante, sans nuire à un cheminement d'harmoniques tout aussi pénétrant.
Lorsque le propos se fait plus complexe, il ne saurait débouter un pavillon averti, le poussant parfois même à une remise du couvert. A contrario, le néophyte pourrait éprouver quelques difficultés à entrer prestement dans la danse. Ce qu'illustre « I Am », enivrant mid tempo doom gothique dans le sillage atmosphérique de
The Flaw et
One Without. Décochant de chaotiques gimmicks guitaristiques, le reptilien manifeste se pare également d'une basse résolument vrombissante mais aussi d'une ligne mélodique en proie à d'incompressibles linéarités.
Parfois, le convoi orchestral accélère la cadence, se plaisant alors à nous bringuebaler, sans pour autant nous désarçonner, in fine. Aussi, ne pourra-t-on éluder l'entraînant mid tempo « The Wolves at Our Door » eu égard à ses riffs crochetés et à son atmosphère mordorée. Calé sur un sillon mélodique propice à l'enivrement de nos sens et mis en exergue par les ensorcelantes patines de la sirène, ce grisant manifeste dans la droite lignée d'
Autumn ne ratera pas sa cible. Feignant de nous égarer de son tracé mélodique, l'impulsif « Death
Will Come for Us », quant à lui, retiendra plus d'une âme rétive. Et ce, au regard d'un refrain immersif à souhait enjolivé par les chatoyantes modulations de la déesse. Dans un climat plus tornadeux et aux finitions plus abouties que celles de la version originale, le tumultueux et ''katatonien'' «
Bleak Earth » décoche ses riffs roulants étreignant une épaisse rythmique. Dans cette dynamique, les célestes modulations de Marjan, ici apparentées à celles d'
Anneke Van Giersbergen, font mouche où qu'elles se meuvent.
Par ailleurs, et pour la première fois, la formation néerlandaise a investi quelques efforts dans un registre rock'n'metal atmosphérique gothique progressif, avec de savoureuses pièces en actes au programme. On retiendra, d'une part, les deux amples ballades progressives « Forever Locked Within » et « Twelfth
Night » eu égard à la qualité de leurs arrangements instrumentaux, leurs finitions passées au peigne fin, et un tracé mélodique éminemment chavirant. Aussi, sous-tendues par les pénétrantes impulsions de la maîtresse de cérémonie et réservant toutes deux une insoupçonnée et saisissante gradation du corps orchestral, ces câlinante fresques glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis pour ne plus en ressortir. On regrettera toutefois, dans un cas comme dans l'autre, la précoce et trop lente dégressivité de l'intensité sonore.
Plus déroutant, tout en disséminant d'intrigants couplets, l'''autumnien'' low tempo progressif « The Narrow
Path » nous octroie néanmoins de grisants refrains doublés de séries d'accords peu convenues et aux enchaînements sécurisés.
En dépit de ses mérites, le plantureux opus ne saurait cependant éluder un petit bémol. Aussi, bien qu'il soit propice à un headbang bien senti, le tempétueux « Wanderer » ne pourra prétendre à une inconditionnelle adhésion du chaland. En effet, en proie à une tenace linéarité de son cheminement mélodique, à une lassante répétibilité de ses harmoniques et de ses gimmicks guitaristiques, le nerveux méfait ne saurait se hisser au niveau de ses voisins. Dans ce champ de turbulences, pas même les fondantes volutes de la frontwoman ne relèveront pas la sauce de ce plat décidément bien fade...
A la lecture de ce foisonnant message musical, force est d'observer que l'inspiré quintet néerlandais nous livre, cette fois, une œuvre aussi prégnante qu'intrigante, dépourvue d'ostentatoire technicité instrumentale, témoignant d'une mélodicité aux subtiles nuances et d'une finesse d'écriture encore inédite. De plus, ce set de compositions se pare d'une ingénierie du son plutôt soignée autant qu'il interpelle par la faculté de nos compères à nous concocter ces séries d'accords qui, de fil en aiguille, s'inscriront en creux dans la mémoire de celui qui y aura goûté. On aurait cependant espéré voir insérés une plus large palette d'exercices de style, davantage de prises de risques ainsi qu'un brin d'originalité à un manifeste certes classique dans son concept mais d'une confondante sensibilité et aux sonorités authentiques. Néanmoins, aux fins d'une lecture approfondie, un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de leurs maîtres inspirateurs pourra se laisser happer par les mélancoliques effluves exhalant de ce propos. A bon entendeur...
Note : 14,5/20
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