Formé en 2014 aux Pays-Bas, le groupe de deathcore
Distant a vécu une ascension fulgurante sur cette scène. Dès la parution de son premier opus
Tyrannotophia et une signature sous le label Unique Leader Records, le quintet a largement su répondre aux attentes posées avec un style orienté slam, des breakdowns languissants et un chant guttural sérieux. Bien que ce premier coup d’essai n’ait rien réinventé en termes de codes musicaux, ce saut dans l’inconnu a permis aux Néerlandais de conquérir rapidement un public nostalgique. De plus, la formation a pu enregistrer des featurings que des collectifs plus expérimentés rêveraient d’avoir. Parmi eux figurent Lucca Schmerler (ex-
Mental Cruelty) ou encore Ben
Mason (
Bound In Fear).
Le second disque
Aeons of Oblivion sorti deux ans plus tôt fut la confirmation d’une bonne impression avec une belle amélioration en ce qui concerne la production et une exécution musicale plus technique. Au sein de ses deux toiles,
Distant explore sur son travail lyrique de nombreuses thématiques parmi lesquelles la domination, la manipulation, la tyrannie, la tromperie ou encore la corruption. Certaines chansons comme
Suffocate,
Dawn of Corruption ou encore
Perdition sont dans cette exploration de paroles phycologiques. L’objectif désormais de nos musiciens est de passer le cap du troisième album et de marquer un peu plus encore les esprits. Et c’est avec
Heritage, paru sous la maison de disques
Century Media que le quintet va tenter de relever ce défi.
L’album se démarque en grande partie par une approche old-school, une écriture classique qui n’est plus si répandu ces dernières années depuis l’évolution du deathcore vers des tendances symphoniques et black. Cependant, à contrario d’un
Suicide Silence qui joue la carte de l’attitude à l’ancienne jusqu’au bout, le quintet néerlandais y apporte divers éléments modernes, notamment sur la production et sur le mixage qui s’avère plus lisse et par conséquent moins bordélique. Ce choix d’un rendu plus propre aurait pu porter préjudice à notre formation mais les artistes n’ont absolument pas lésiné sur le riffing malveillant ou sur les breakdowns oppressants. Les pannes ont-elles aussi eu le droit a un petit coup de lifting puisqu’elles n’ont plus pour but d’être les plus lentes possible mais simplement d’être percutantes et compactes.
Si la proposition vocale du chanteur Alec Grnja n’offre pas une variété exceptionnelle, celle-ci présente pourtant par moments un déroulé plus inattendu. En ce sens, un titre comme
Born Of
Blood, s’il est composé principalement de growl affiche aussi des timbres un peu plus écorchés. Sur le breakdown, le vocaliste soumet un timbre guttural plus profond, pas forcément le plus impressionnant mais suffisant pour y apporter de la diversité. La variété se trouve également dans les instrumentaux, aussi bien sur le riffing que sur la batterie. Sur les percussions, le titre éponyme, avec la participation de
Will Ramos (
Lorna Shore), étale une technicité intéressante entre blastbeats et double pédale. Les guitares ne sont bien entendu par en reste avec quelques dissonances et un solo en tapping captivant. Il est cependant dommage que le collectif néerlandais n’ait pas tenté une approche plus orchestrale ou black via la présence du frontman de
Lorna Shore.
Les Néerlandais savent aussi construire des atmosphères sombres et inquiétantes sous des tempos très paresseux. Le titre final Plaguebreeder en est la preuve avec une ambiance morbide pendant l’intégralité de l’intro. On pourra de même compter sur des chuchotements pour accentuer cette anxiété et participer aux curiosités vocales. Mais si on devait retenir un seul morceau de cet opus, notre choix irait directement sur
Argent Justice qui ne comptabilise pas moins de dix-sept featurings parmi lesquels
Emmure, Paleface ou encore Carcosa. Le risque avec autant de guests est d’avoir un rendu inaudible, bordélique et disgracieux. Pourtant, étonnement, le résultat est largement convaincant avec un enchaînement de voix bien distinct et remarquable pour du deathcore.
Avec
Heritage,
Distant ne signe pas forcément un album d’une grande originalité mais profite d’une production irréprochable pour se hisser en haut du panier en ce début 2023. Les compositions s’enchainent sans difficulté et sans que l’on ait la sensation de redondance ou de longueur. Le climat quelque peu malfaisant, menaçant et intimidant qui se dégage des mélodies tel un rouleau-compresseur suffit également au quintet pour nous rassasier. Même si la formation néerlandaise gagnerait peut-être à un peu plus à bouleverser son style avec d’autres petites touches contemporaines et à proposer une plus grande fantaisie vocale, ce troisième disque reste un très bon cru qui satisfera aussi bien les amateurs que les experts de deathcore.
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