De l'eau aura coulé sous les ponts pour le prolifique combo allemand depuis sa sortie de terre à Lübeck en 1999... Ainsi, quelque vingt années plus tard, le voici déjà à la tête de cinq albums full length et affichant un riche et fructueux background live. En outre, après moult apparitions scéniques, le plus souvent remarquées, à l'échelle locale près de 18 ans durant, le groupe rayonnera dans l'espace ouest-européen (en France ('Petit Bain' à
Paris), en Grande-Bretagne ('The Underworld' à Londres) et aux Pays-Bas ('Baroeg' à Rotterdam) en 2019 ; en Espagne ('Shoko' à Madrid ; 'Razzmatazz' à Barcelone) et en France ('Le
Bikini' à Toulouse ; 'Le Warehouse' à Nantes ; 'L'Usine' à Istres) en 2020). Le temps semble venu pour nos valeureux gladiateurs germaniques de frapper plus fort les esprits de leur aura...
Les voici donc de retour dans les rangs, munis de leur sixième opus, «
Haunted Minds », que deux seules années séparent de son solaire prédécesseur «
Tales of the Grotesque ». Aussi, effeuille-t-on une galette metal mélodico-symphonique gothique et cinématique d'une durée quasi optimale de 48 minutes, sortie chez le puissant label italien WormHoleDeath, jouissant d'une ingénierie du son de fort bonne facture, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut. Dans la lignée atmosphérique et stylistique de son aînée, les 11 pistes de la rondelle se nourrissent elles aussi des influences de
Nightwish,
Epica,
Xandria,
Within Temptation,
Visions Of Atlantis,
Kamelot et
Leaves' Eyes, la touche personnelle, un zeste de puissance et un brin de modernité en prime...
C'est à nouveau volontiers dans un chaudron bouillonnant et au coeur d'un climat épique et romanesque que nous immergent le guitariste/vocaliste et maître d'oeuvre Alexander Hunzinger et ses acolytes, à savoir : Julia Marou, frontwoman au chatoyant grain de voix ; Daniel T. Lentz aux guitares ; Rick Corbett à la basse ; Frank Mölk à la batterie ; Anja Hunzinger aux claviers. Avec le concours, pour l'occasion, de l'empreinte vocale de Henning Basse (Hollentor,
Orpheus Blade, ex-
Firewind, ex-
Mayan, ex-
Metalium, ex-
Sons Of Seasons...) et du fin toucher de guitare de Glen Drover (
Eidolon, ex-
King Diamond, ex-
Megadeth, ex-Queensrÿche...). Affichant désormais un solide background studio et scénique, cette fraîche offrande serait-elle de nature à propulser le collectif teuton parmi les valeurs confirmées du si concurrentiel espace metal symphonique à chant féminin ? Exploration...
C'est le plus souvent sur des charbons ardents que nous projette le sextet allemand, essaimant çà et là quelques pépites dans son sillage. Ainsi, voguant sur une radieuse ligne mélodique, doté de riffs crochetés adossés à une rythmique éminemment frondeuse, révélant, par ailleurs, d'insoupçonnés et grisants clapotis organiques, de cinglantes accélérations et un duo mixte en voix claires en parfaite osmose, le ''nightwishien'' «
Destiny » aura peu de chances de rater sa cible. Tout aussi corrosifs et époumonants, et non sans rappeler
Visions Of Atlantis, l'entraînant et épique « Fountain of Youth » tout comme l'offensif « The Birthmark » ou encore le troublant « The Beautiful » développent, eux, une sidérante et intarissable force de frappe et de galvanisantes joutes oratoires entre les claires inflexions de la belle et celles, éminemment rocailleuses, de son comparse ; duos à chaque fois relevés par l'apport de choeurs samplés et opportunément positionnés.
Dans une même énergie, il se pourrait que la magie opère plus encore à l'aune de « The Ring », théâtral et palpitant up tempo power symphonique à la croisée des chemins entre
Kamelot et
Visions Of Atlantis. Révélant un caractère enjoué, disséminant un inaliénable et martelant tapping, glissant le long d'une pimpante rivière mélodique, et complété d'un bref mais seyant solo de guitare signé Glen Drover, le tubesque effort ne se quittera qu'à regret. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage omettre le trépident « The Final
Path » eu égard à ses intarissables et puissants coups de boutoir doublés d'enveloppantes nappes synthétiques et son refrain immersif à souhait mis en habits de lumière par les corrosives modulations du maître d'oeuvre lui-même. Mais le sextet d'outre-Rhin est encore loin d'être à bout d'arguments pour tenter de nous rallier à sa cause...
Quand il ralentit un tantinet la cadence, le combo révèle là encore sa capacité à décocher ces séries d'accords aptes à nous retenir plus que de raison. Ce qu'atteste, tout d'abord, « The Unforgivable
Sin », mid/up tempo symphonico-cinématique à la confluence de
Xandria,
Visions Of Atlantis et
Kamelot, Offrant une magnétique triangulation vocale – les attaques en profondeur d' Henning Basse s'unissant aux modulations tout en légèreté de la déesse et aux crayeuses impulsions d'Alexander – , octroyant également des arrangements orchestraux aux petits oignons et nous menant sur une sente mélodique des plus enchanteresses, ce hit en puissance ne se quittera qu'avec la furieuse envie d'y revenir, histoire de goûter à nouveau à cette ronde de saveurs exquises.
Sur un même modus operandi, d'autres espaces d'expression ne sauraient davantage laisser le chaland sur sa faim. Aussi, ne pourra-t-on que malaisément esquiver le refrain catchy mis en exergue par les chatoyantes patines de nos deux acolytes dont nous abreuve « Castles in the Air », un chevaleresque, enivrant et ''nightwishien'' mid tempo, lui aussi, aisément inscriptible dans les charts. Et comment ne pas se sentir happé tant par l'infiltrant cheminement d'harmoniques que par les sécurisants enchaînements intra piste du félin et ''xandrien'' «
Another Day » ? Une véritable invitation au voyage en de célestes territoires, en somme...
Lorsqu'ils nous mènent en d'apaisantes contrées, nos gladiateurs se muent alors en d'impitoyables bourreaux des cœurs en bataille, nous adressant par là même leurs mots bleus les plus singuliers. Ce qu'illustre, en premier lieu, «
Fallen Innocence », une ballade romantique jusqu'au bout des ongles aux airs d'un slow qui emballe, que n'auraient nullement reniée ni
Xandria ni
Amberian Dawn. Et ce ne sont ni le fringant solo de guitare ni les cristallines volutes de la maîtresse de cérémonie qui nous débouteront de la tendre ritournelle, loin s'en faut. Difficile également de se soustraire à l'appel de la sirène sur « My
Haunted Mind », une ''evanescente'' ballade a-rythmique en piano/voix d'une sensibilité à fleur de peau. Fortement chargé en émotion, le moment privilégié pourrait bien faire plier l'échine à plus d'une âme rétive...
Au final, le sextet teuton nous plonge au cœur d'une œuvre à la fois éruptive, chevaleresque, enivrante, efficace et pétrie d'élégance. Ne concédant pas l'ombre d'un bémol eu égard à sa production d'ensemble, évitant de tomber dans les travers d'une envahissante démonstration technique qui eût altéré la portée du propos, témoignant d'arrangements orchestraux de bonne facture tout en ayant habilement esquivé toute longueur superflue, le collectif parvient à maintenir l'attention constante de bout en bout de notre parcours.
Si l'opus révèle une intéressante diversité vocale et rythmique, il accuse cependant une certaine stéréotypie en matière d'exercices de style, l'un ou l'autre instrumental et/ou fresque manquant à l'appel. Pour leur part, les inflexions colorées et en demi-teinte de la frontwoman peinent parfois à imprimer leur marque de leur sceau. Un poil plus vitaminé et moderniste que son galvanisant devancier, ce sixième mouvement évolue toutefois dans une même veine stylistique et ses lignes mélodiques au demeurant absorbantes s'avèrent des plus convenues. En dépit de ses relatives carences, et bien qu'un poil en-deçà de son aîné, le poignant message musical serait toutefois à même d'autoriser l'accès de la troupe germanique au rang de valeur confirmée de ce registre metal. C'est donc sans ambages mais sans réelle surprise que se poursuit l'aventure pour le combo teuton...
Note : 15,5/20
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