Lorsque l’on parle black orthodoxe à la suédoise,
Ondskapt est un incontournable.
Draco Sit Mihi Dux, sorti en 2003, est un classique du genre, et est considéré par beaucoup comme l’un des piliers de ce style si noir, pur et ésotérique qui a commencé à émerger au début des années 2000.
Le quatuor de Stockholm n’est pas le groupe le plus prolifique du monde, et, cela faisait dix ans que l’on attendait un successeur à un
Arisen from the Ashes qui n’avait pas fait l’unanimité. C’est désormais chose faite, avec ce quatrième full length qui sort sur
Osmose Productions et vient célébrer les vingt ans d’existence de la horde sataniste.
On retrouve ici tous les ingrédients qui ont fait le succès d’
Ondskapt : riffs sournois qui s’avancent lentement comme des coulées de lave en fusion, à la fois glaciaux et brûlants, aboiement des enfers, blasts décapants, aussi brefs que destructeurs, qui nous renversent comme une charge de mille cavaliers des enfers, et double pédale roulante et infatigable. Non, certes, le combo ne surprend plus, et ce nouvel effort est incontestablement moins marqué du sceau de la folie et de la dévotion que les premiers albums : ici, on a quelque chose de moins sale et poisseux, ce nouvel effort, à l’instar de
Arisen from the Ashes, sonnant plus mature et peaufiné, peut-être plsu moderne, perdant du coup en spontanéité par rapport aux premiers enregistrements. Ceci dit,
Grimoire Ordo Devus confirme encore une fois un savoir-faire et une excellence à servir un black à la fois décharné, mortifère et ritualiste, imprimant sa noirceur le long de huit compos tortueuses qui nous plongent au bord de l’asphyxie.
Les Suédois alternent intelligemment entre passages rampants et attaques frontales, mais même lors des parties les plus brutales, où les blasts se font impitoyables et mécaniques (le terrible Ascension,
Paragon Belial), renforçant le côté inhumain de l’ensemble, règne cet art de la dissonance, comme si les notes de guitare venaient s’élancer et rebondir contre d’humides parois souterraines, mêlant leurs octaves brisées en une cacophonie disharmonique. C’est d’ailleurs là toute la force du groupe, qui parvient à conserver ce savant équilibre entre grattes bourdonnantes et légèrement sifflantes et riffing particulièrement noir mais attirant, nous guidant comme une flamme sombre au milieu des ténèbres. En effet, la musique d’
Ondskapt se veut relativement accessible, ce qui la rend d’autant plus diabolique : ces mélodies aigres nous enveloppent lentement, provoquant cette légère sensation de tournis au fur et à mesure que les riffs s’étalent et grignotent l’espace, les grattes et les arrangements se superposant en de fines pellicules grises pour créer une architecture sonore parfaite s’emparant insidieusement de nos sens sans même que l’on s’en rende compte.
Le son est parfait – presque trop - pour ce genre de metal, ample, glacial, lointain mais terriblement net, nous enveloppant d’une sorte d’écho morbide presque palpable. Si la batterie est un peu en retrait, la voix et les guitares sont particulièrement monstrueuses, crachant leur prurit noir, et soutenues par une basse plus discrète mais audible dont chaque secousse maligne nous enfonce plus profondément dans les profondeurs. Pour parfaire la cérémonie, les six cordes exsudent même quelques longs soli (la fin d’Ascension) tandis que l’arpège mélancolico dépressif qui hante
Excision ferait presque penser à du
Shining : tout est fait pour prolonger l’état de transe.
C’est un fait, ce
Grimoire Ordo Devus est loin d’être original et certains lui reprocheront d’être trop propre et travaillé, néanmoins, cette nouvelle offrande incarne idéalement la quintessence de ce style de black dit orthodoxe dont
Ondskapt a été, rappelons-le, l’un des précurseurs au début des années 2000. Très homogène et compact malgré certains passages plus lents et portés sur les ambiances, cette nouvelle messe noire de 58 minutes s’insère parfaitement dans la discographie des Suédois et n’a pas à rougir devant la concurrence. Voilà donc une réalisation extrêmement solide et savamment composée, peut-être un peu scolaire mais parvenant à imposer à la fois une efficacité redoutable et une noirceur vénéneuse et liturgique.
Grimoire Ordo Devus est froid, distant, misanthropique et souterrain, toujours animé par cette flamme noire inextinguible, et il semblerait que vingt ans après ses débuts,
Ondskapt soit encore et toujours esclave de Sa volonté immortelle…
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