Unprocessed, quintet qui nous vient tout droit d’Allemagne, est l’un des meilleurs modèles en termes d’évolution du metal. D’abord pratiquant d’un metalcore mêlant mélodicité et progressivité, pas forcément du plus innovant mais néanmoins bien produit, le groupe a peu à peu sacrifié son empreinte core pour se diriger vers un metal toujours progressif mais nettement plus moderne. Si les instruments traditionnels sont encore présents, ils laissent plus de place aux outils de notre époque. Ordinateurs, amplis virtuels ou encore lecteurs de samples sont autant d’images pour qualifier l’avance que possède la formation allemande sur son temps. Et il faut dire que cette transformation a été bien reçue de la part du public.
Même si le collectif avait déjà touché au succès par le biais de son troisième opus
Covenant paru en 2018, c’est bien avec son petit dernier
Artificial Void sorti à peine une année plus tard que nos Allemands ont goûté à la véritable gloire.
Plus que la galette dans sa généralité, c’est surtout le morceau
Abandoned, un des titres qui présentait cette nouvelle toile, que les musiciens ont fait parlé d’eux. Le combo affichait sa nouvelle personnalité novatrice par le biais d’une mélodie progressive, personnelle et djenty, un pur condensé entre
Polyphia et TesseracT. S’agit-il pour nos artistes d’une extravagance définitive ou d’une simple expérience passagère ? Pour y répondre, rien de tel que
Gold, sixième disque des Hessois publié pour une première fois sur le label Airforce1 Records dont certains tableaux de
Beyond The Black ont été édités.
Le groupe allemand a ici élargi ses influences et nous confectionne un éventail qui va du metal au R’n’B en passant par le rock et l’électro. On se réjouit d’un combo qui ne reste pas sur ses acquis et qui forge un peu plus son indépendance. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au-delà de cette envie de se surpasser, Unprocessed le fait d’une assez belle manière.
Pour s’exprimer le plus librement possible, les Allemands empruntent divers chemins sans tomber dans la facilité ou le classicisme. Une large partie des morceaux vont adopter un instrumental presque berceur, angélique, très léger à l’instar du titre d’ouverture
Rain. Le quintet nous délecte d’un riffing de guitare caressant, gracieux et d’une extrême douceur. La progression est plutôt mince mais suffisante pour nous faire monter au septième ciel.
D’autres compositions vont quelque peu renouer avec le passé du collectif avec un regard un peu plus agressif et percutant. C’est le cas de The Longing qui démarre pourtant relativement calmement, toujours avec ces guitares suaves et harmonieuses mais qui bascule en milieu de morceau dans un esprit plus djent, notamment par l’aspect plus grave des cordes. De même, l’insistance et l’accentuation prononcées de la batterie ainsi que le chant plus hargneux de notre vocaliste renforcent ce sentiment de provocation. Ce renversement de rythme et d’intensité pourrait presque s'apparenter à un breakdown, même si l’on demeure bien éloigné des breaks habituels du metalcore.
Après un départ aguicheur, l’album s’essoufflera à certains moments, principalement par des inspirations controversables. Si les sections metal, rock et même pop sont globalement réussies, dès lors que le quintet allemand se dirige vers une conduite R’n’B, le charme ainsi que l’intérêt disparaissent presque subitement. Mint voit en ce sens sa merveilleuse exécution à la guitare noyée d’une rythmique et d’échantillons hip-hop peu séduisants, qui en vient même à prendre l’ascendance sur cette autre partie de l’instrumental. Le refrain ne sera guère plus reluisant avec en plus une prestation vocale assez crispante. Fabulist suit cette même lignée sur sa première partie avec en plus des effets vocaux peu brillants mais se rattrape sur une seconde fraction plus axé sur le metal, plus massif et colérique.
Le travail vocal n’est pas non plus le fort de ce
Gold. Bien qu’il ne soit pas foncièrement mauvais, on regrette assez souvent qu’il ne soit pas plus expressif et qu’il persiste dans les mêmes gammes de notes. Sur deux-trois titres, le chant parvient tout de même à être intéressant à l’image de Scorpio où les quelques notes aiguës atteint par notre vocaliste apporte la touche de fragilité qu’il manque à une partie des compositions. Il en va de même pour
Ocean, sans conteste un des meilleurs titres de l’opus où la voix vient renforcer la chaude et réconfortante sensation de la mélodie, telles des vagues qui viendraient titiller la surface de l’eau.
Le collectif allemand s’adonne même à des styles plus surprenants comme l’EDM (Electronic Body Music) sur Berlin, titre entièrement germanophobe très appréciable et qui amène un souffle frais supplémentaire. Et encore plus inattendu, la formation va l’espace d’une poignée de secondes s’essayer à la k-pop sur Redwine, assez maladroitement certes mais tout en nous intriguant et en voulant en découvrir plus, preuve de la multitude de facettes que possède nos musiciens. La production se montre aussi hasardeuse sur plusieurs titres dont le plus flagrant serait Orange Groove et son refrain grinçant créé par une couche de voix et plus précisément de l’autotune mal gérée.
Même si de nombreux défauts sont à déplorer sur ce sixième disque,
Gold poursuit la métamorphose entrepris par la formation allemande et s’adopte à des styles encore peu explorés dans la scène metal, ce qui rend cette galette fort attachante. On pourra bien sûr critiquer le groupe par ses tentatives totalement ratées, notamment lors de l’adoption du R’n’B, on pourra de même en vouloir au quintet de ne pas montrer la même qualité d’écriture sur l’ensemble de ses œuvres, on pourra également sermonner les allemands sur leurs propositions vocales assez simplistes mais peu de combos peuvent se targuer d’expérimenter, de radicalement changer et de se dépasser. Et rien que pour cela, Unprocessed et ce
Gold méritent qu’on les encourage.
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