Liste des groupes Metalcore In This Moment Godmode

L’évolution de l’identité d’un groupe est souvent un fascinant voyage qui reflète la croissance artistique, les influences changeantes et les expériences personnelles des membres. Une formation est comme une entité vivante, en constante mutation, façonnée par le flux et le reflux des marées de la créativité. Au départ, si un collectif émerge avec une représentation sonore distincte, souvent gouvernée par les goûts individuels de ses membres fondateurs, celle-ci est vouée à évoluer, notamment par des phases de maturité artistique qui sont marquées par des mouvements stylistiques parfois significatifs. Une troupe peut ainsi choisir de s’initier dans de nouveaux genres, d’incorporer des éléments électroniques, d’expérimenter avec des arrangements plus complexes ou extravagants, ou au contraire de revenir à des sonorités plus minimalistes.

Pour la formation américaine d’In This Moment, accompagnée de sa frontwoman Maria Brink, cette transformation musicale s’est dirigée vers une résonance plus alternative et rock, où les guitares ont été petit à petit mises en retrait pour une essence électronique. Cette manœuvre de la part du quatuor n’a pas été sans conséquences sur leur public et sur leur prestige : à la sortie de leur septième opus Mother, nos artistes ont vivement été critiqués par l’abandon de leur néo metalcore pour une teinte majoritairement qualifiée de simpliste et d’impersonnel. S’il est certain que la nouvelle illustration de la tribu n’est pas vraiment révolutionnaire, son discours profond et intime ne la rend pas pour autant inintéressante. Et c’est dans cette même optique que l’on espère retrouver notre quatuor dans son huitième tableau Godmode.

Dans cette nouvelle production, notre petit orchestre a voulu satisfaire les deux camps à savoir celui nostalgique des premières esquisses, admiratif d’une résonance métallique et celui enchanté par une ambiance morose, confidentielle. Sans pour autant revenir vers ses racines hardcore, les Américains affichent sur le papier un rock/metal industriel intrigant et séduisant.
Le morceau éponyme qui ouvre cette galette est plutôt prometteur avec cette introduction futuriste et cette tension palpable largement soulevée par ces acoustiques électroniques. Cette agitation est poursuivie par le vocal grave et mystérieux de Maria Brink qui expose une palette toujours aussi surprenante. On appréciera d’autant plus sa prestation avec un chant screamé, presque mécanique sur la suite de la mélodie qui maintient voire accentue cette atmosphère inhospitalière. C’est en fin de titre que l’on observera le retour de cet esprit robuste avec l’apparition des guitares qui donne un rendu plus « metal ». Dans cette conception à la fois glaçante et inquiétante, le tout accompagné d’une fusion de styles, il semble difficile de ne pas penser à l’univers excentrique de Poppy que l’on peut entendre sur ses dernières parutions.

Si cette mise en bouche se révèle alléchante, la suite met (ou plutôt remet) en lumière les faiblesses de son prédécesseur. Le caractère cybernétique est souvent très prononcé pour ne pas dire trop exprimé, ce qui dénature indiscutablement certaines compositions. Véritable phénomène lors de sa sortie, le provocant titre de rock industriel/électro Army Of Me, écrit par l’avant-gardiste islandaise Björk, est une grande déception dans sa reprise par notre quatuor. Tout ce qui faisait le charme de l’original a quasiment disparu : le tempérament agressif de l’instrumental a laissé place à des couches électroniques sans grandes saveurs et le chant éraillé de son interprète originale a été remplacé par une proposition vocale transformée, vide de tout sentiments …

Toutefois, au milieu de ces morceaux insignifiants, quelques-uns éclairent un constat quelque peu mitigé. Sanctify Me est un bel équilibre entre hostilité et modernité, un clin-d ’œil assuré de ses belles heures menaçantes accompagnée d’une aspiration électronique torturante. Le scream de Maria Brink est de nouveau aux premières loges et malgré un schéma ainsi qu’une exécution instrumentales élémentaires, le titre amène un vent bagarreur qui manque cruellement sur ce Godmode. Damaged, avec la participation de Spencer Charnas (Ice Nine Kills), est un bel apport dans le travail vocal du groupe avec une tournure théâtrale déjà bien soutenue sur l’ensemble de l’album mais qui vient l’orner d’une dualité que l’on pourrait aisément voir sur grand écran, dans un film de zombies par exemple.

Godmode représente une tentative de concilier les différents aspects de l’héritage musical de In This Moment. Si certains morceaux trouvent la recette presque parfaite, d’autres en revanche pêchent par une vigueur et des palpitations aux abonnés absents. Ce huitième disque perpétue l’audace du quatuor américain commencée sur Mother, une acceptation de l’expérimentation et un éloignement de son ancrage initial, mais toujours avec ces mêmes irrégularités. Cet ouvrage, sans être particulièrement frustrant, manque d’une étincelle pour pleinement nous convaincre. Celles et ceux qui avaient aimé Mother ne devraient pas être trop dépaysés. Pour les autres, à vous de voir si vous souhaitez laisser une (dernière) chance à la formation.