A la tête d'une discographie riche de ses six albums full length, d'aucuns pouvaient légitimement subodorer que le quartet italien, cofondé en 1996 à Salerne par le guitariste Rosario Runes Reina et par le batteur Gennaro Rino Balletta, ne s'arrêterait pas en si bon chemin. Pari gagné ! Aussi, l'expérimenté combo transalpin reviendra-t-il dans la course, muni d'un septième opus de même acabit, «
Gehenna », que deux ans séparent de son sensible prédécesseur, «
Ostara ». Cela étant, en quoi les arguments esthétiques et techniques essaimés et ainsi développés dans ce set de compositions lui permettraient-ils de se démarquer de ses si nombreux challengers ? Ce faisant, les quelque 53 minutes de cette fraîche auto-production s'avéreront-elles aptes à propulser enfin nos quatre gladiateurs parmi les valeurs confirmées du si couru registre metal symphonique à chant féminin ?
Dans ce dessein, le line-up du précédent opus est resté inchangé, nos deux maîtres d'œuvre ayant à nouveau sollicité les talents d' Ilaria Hela Bernardini, chanteuse aux fluides et puissantes inflexions, et ceux de Pasquale Pat Murino, le violoniste de
Poemisia, ici investi à la basse. De cette étroite collaboration émane une œuvre rock'n'metal mélodico-symphonique gothique aux touches power, heavy, metal moderne et folk, désormais dans la veine coalisée de
Temperance,
Sleeping Romance,
Ancient Bards,
Frozen Crown, Volturian, Metalite et
Eluveitie. Une orientation stylistique qui n'est pas sans renvoyer à celle de «
Desdemona », leur cinquième mouvement, la petite touche moderniste en prime.
Pour une optimale mise en musique des douze titres de la rondelle, mixage et mastering ont été réalisés au
Domination Studio basé à Fiorentino, Saint-Marin, sous la houlette de son propriétaire, Simone Mularoni, guitariste/bassiste aguerri (
DGM, ex-
Sunstorm, ex-
Lalu, ex-Sweet Oblivion...) et prolifique producteur (
Ancient Bards,
Elvenking,
Elegy Of Madness,
Embryo,
Shining Black,
Skeletoon,
Trick Or Treat...). Aussi, la galette jouit-elle d'une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut, évacuant de fait toute sonorité parasite, et offrant, par là même, une belle profondeur de champ acoustique ; un mixage équilibrant parfaitement lignes de chant et instrumentation vient compléter le tableau. De quoi attiser notre curiosité et nous intimer d'aller explorer les entrailles du navire en profondeur...
C'est à l'aune de ses pièces les plus éruptives que la formation italienne marquera ses premiers points, et non des moindres. Ainsi, c'est cheveux au vent que l'on parcourra « Pasionaria (Frida) », trépidant ''temperancien'' up tempo aux riffs crochetés ; n'ayant de cesse de disséminer de féroces coups de boutoir, recelant un refrain catchy mis en exergue par les chatoyantes ondulations de la déesse ainsi qu'un seyant legato à la lead guitare, ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret. Dans cette dynamique s'inscrit également « Stella del Mattino », pulsionnel et rayonnant méfait rock'n'metal mélodique moderne que n'auraient sans doute renié ni
Frozen Crown ni Volturian ; sous le joug de l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre et générant une énergie aisément communicative, l'entraînant élan poussera assurément à un headbang bien senti et quasi ininterrompu.
Par moments, nos acolytes en viennent à varier leurs phases rythmiques à l'envi, nous aspirant non moins dans la tourmente sans avoir à forcer le trait. Ce qu'atteste, d'une part, «
Gehenna » sensuel mid/up tempo syncopé à mi-chemin entre
Ancient Bards et
Temperance. S'offre alors à nous un effort power symphonique aux riffs acérés, pourvu d'un martelant tapping, et glissant le long d'une radieuse rivière mélodique qu'empruntent de concert les toniques impulsions de la sirène et des chœurs en liesse. Doté, en prime, d'un fuligineux solo de guitare, le ''tubesque'' effort incitera, à n'en pas douter, à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. Dans cette logique, s'imposera non moins « Duet with
Satan », fresque symphonico-progressive et opératique à la fois épique et romanesque ; au fil de ses quelque 10:48 minutes d'un parcours abondant en coups de théâtre et en contrastes atmosphériques, et en dépit d'une technicité instrumentale plus complexe qu'à l'accoutumée. l'opulente offrande s'avère apte à maintenir constante l'attention du chaland. Chapeau bas.
Quand la cadence du convoi instrumental se fait un tantinet plus mesurée, le combo trouve à nouveau, et sans ambages, les clés pour nous assigner à résidence. Ce qu'illustre, en premier lieu, «
Sangue e Seduzione », félin mid tempo heavy symphonique gothique aux relents metal moderne, au carrefour entre
Sleeping Romance et Volturian. Pourvu d'enchaînements intra piste ultra sécurisés et d'arrangements orchestraux aux petits oignons, et encensé par les sensuelles oscillations de la belle, le théâtralisant effort n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense et se jouer des nôtres ! Difficile également de résister à la vague de submersion qui va s'abattre sur nous sous l'impact des sémillantes séries de notes comme de la grisante dynamique rythmique inscrites dans les gènes de « Geminus » ; voguant sur une sente mélodique des plus enveloppantes et mis en habits de lumière par les cristallines oscillations de la princesse, ce mid tempo aux riffs vrombissants, dans le sillage de Metalite, ne lâchera pas sa proie d'un iota.
Lorsque les lumières se font plus tamisées, nos compères se muent, une fois de plus, en de véritables bourreaux des cœurs en bataille. Ainsi, par un délicat fondu enchaîné, le laconique et classieux instrumental « Voci dal Deserto » cédera le pas à « Magdalena », organique power ballade à la confluence d'
Ancient Bards et de Volturian ; livrant un refrain immersif à souhait mis en habits de soie par les troublantes volutes de la maîtresse de cérémonie et recelant un flamboyant solo de guitare, l'instant privilégié saura combler les attentes de l'aficionado de moments intimistes au moment même où il fera plier l'échine à plus d'une âme rétive. Dans cette mouvance, se place également « La Rosa d'Inverno », ballade romantique jusqu'au bout des ongles, un brin opératique, dans la lignée de celles contenues dans «
Ostara », leur précédent album. Aux airs d'un slow qui emballe et se chargeant en émotion au fil de sa progression, ce délectable espace ouaté que magnifient les soufflantes envolées lyriques de la diva ne saurait donc davantage être esquivé. Et comment ne pas se sentir porté bien au-dessus du plancher des vaches eu égard aux aériennes et pénétrantes portées nourrissant la ballade a-rythmique « The
Dying Mermaid » ? Bref, une véritable et mémorable invitation au voyage en d'oniriques contrées.
Enfin, dans une même énergie mais en réponse à un souhait de diversification atmosphérique, la troupe nous fait renouer avec sa fibre folk, à l'instar de «
Desdemona ». Ce faisant, « Dat Melti Min Modir », brève plage folk entonnée a capella par la frontwoman, se verra prestement relayée par «
Valhalla », ''eluveitien'' et troublant low tempo ponctué à la fois par de puissants et métronomiques coups de tambour, d'authentiques sonorités et par des incantations tribales aussi magnétiques qu'énigmatiques. Et la sauce prend, in fine.
A l'issue d'un parcours aussi palpitant qu'enivrant, un doux sentiment de plénitude nous étreint. Un set de compositions ayant gagné en maturité scripturale ce qu'il n'a nullement perdu en efficacité, une technicité instrumentale et vocale affermie, des mélodies finement esquissées, un brin prévisibles mais éminemment prégnantes, ainsi que des arrangements de bonne facture sont à mettre au crédit de la formation italienne. Variant davantage ses lignes atmosphériques et ses phases rythmiques que son prédécesseur, cet opus diversifie non moins ses exercices de style, réalisés avec maestria. On pourra toutefois regretter l'absence de joutes oratoires, des prises de risque encore bien timides et des sources d'influence peinant à se faire oublier.
Ne manquant ni d'allant ni de panache et insufflant dès lors d'inédites sonorités, sans pour autant occulter celles d'antan, ce nouvel élan permet alors au combo transalpin de franchir une étape décisive dans sa carrière. Aussi, ce septième mouvement serait à appréhender tel un heureux trait d'union entre passé et présent, comme pour mieux préparer l'avenir. Etat de fait incitant votre humble serviteur à penser que les armes brandies par nos gladiateurs sont dorénavant suffisamment effilées pour leur autoriser l'accès au rang de valeur confirmée du metal symphonique à chant féminin. Quand la méticuleuse araignée tisse sa toile avec habileté, une prise instantanée de sa proie guette!...
Note : 15,5/20
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